Élaboration d'une évaluation régionale des impacts menée par des Autochtones et axée sur la durabilité dans la région du Cercle de feu, en Ontario

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Le projet

L’exploitation du Cercle de feu, un important gisement de minéraux situé dans le Grand Nord ontarien, suscite la discussion depuis nombre d’années. Même si différents gouvernements ont à tour de rôle fait miroiter la valeur de ces ressources, le Cercle de feu n’a jamais été exploité, en raison de son éloignement, de l’absence d’infrastructures et de l’incapacité des gouvernements d’obtenir l’adhésion de toutes les communautés des Premières Nations de la région.

Ainsi, le Grand Nord ontarien demeure l’un des plus vastes écosystèmes pratiquement intacts au monde. La forêt boréale et les tourbières de la région jouent un rôle clé dans la régulation du climat. Les propositions de projets d’exploitation minière dans cette région ont donné lieu à des controverses et à des conflits importants, car les travaux d’infrastructure, dont ceux qui ont été proposés récemment, pavent littéralement la voie à l’ouverture de nombreuses mines et à des travaux d’extraction sur plusieurs générations qui risquent d’avoir des impacts et effets cumulatifs négatifs très graves.

Les avantages découlant de ces projets ne seront vraisemblablement pas répartis de façon équitable, et les risques qu’ils présentent sont de différentes échelles, les communautés anishinaabe et anishini éloignées et leur mode de vie étant particulièrement vulnérables. Ces communautés vivent déjà une situation sociale grave : suicide répandu chez les jeunes, toxicomanie, crises du logement et absence d’infrastructures communautaires essentielles, notamment pour l’alimentation en eau potable.

Depuis plusieurs années, des analystes et des chefs des Premières Nations réclament la tenue d’un processus régional d’évaluation globale des impacts prévus des projets de développement. Ils ont fait valoir la complexité des décisions concernant les infrastructures envisagées, le risque d’impacts négatifs durables et les effets cumulatifs importants de ces projets. Et pourtant, les responsables des régimes d’évaluation des impacts au provincial comme au fédéral ont commencé à évaluer des projets de routes qui risquent d’ouvrir la région à l’exploitation minière sans qu’un tel cadre d’évaluation régional n’ait été mis en place.

L’équipe du projet a fait la synthèse des connaissances, entre autres, sur les évaluations des impacts menées par des Autochtones, sur les démarches régionales et stratégiques en matière d’évaluation des impacts et sur l’utilisation de l’analyse comparative entre les sexes plus dans les évaluations des impacts. Elle les a ensuite appliquées au Cercle de feu. Le principal objectif consistait à élaborer et à proposer un plan de travail réaliste pour l’adoption d’une telle approche dans le Grand Nord ontarien.

Forte de sa collaboration avec la communauté dans le cadre de travaux antérieurs, la chercheure principale a animé une discussion et mené quelques entrevues avec des personnes de la Première Nation de Neskantaga en novembre 2019. Par la suite, l’équipe a préparé trois ébauches de modèles qui pourraient servir à l’exécution d’une évaluation régionale des impacts en partenariat avec un corps dirigeant autochtone de la région. Enfin, l’équipe a tenu une réunion d’une journée complète avec 14 représentants, aînés et chefs de la Première Nation de Neskantaga, à Thunder Bay le 23 janvier 2020, afin d’examiner les modèles, d’en discuter et de les peaufiner. Avec l’autorisation des personnes présentes, la discussion a fait l’objet d’un enregistrement sonore qui a été transcrit et codé.

Les principales constatations

La constatation centrale est la suivante : pour être crédible, le processus d’évaluation régionale relatif au Cercle de feu doit être un processus décisionnel conjoint mené avec un corps dirigeant autochtone. Les communautés autochtones éloignées qui ont le plus à perdre ou à gagner des projets de développement du Cercle de feu sont les seules à occuper le territoire. Elles sont en outre responsables de l’intendance à long terme des terres et des eaux de la région. Elles risquent d’être le plus touchées par les projets, parce qu’elles sont en interaction constante avec le territoire, aussi bien sur le plan culturel et spirituel que social et économique. Afin de pouvoir assurer leur subsistance, elles doivent préserver l’intégrité écologique de la région. À titre de responsables de l’intendance, elles seules peuvent faire part de connaissances et de perspectives cruciales sur l’avenir de la région dans le cadre des délibérations relatives à l’évaluation des impacts.

Les principaux messages exprimés par les dépositaires des connaissances, les aînés et les chefs à l’occasion des dialogues tenus avec les communautés sont les suivants :

  • les personnes de ces communautés sont les véritables autorités compétentes en la matière : pour que le processus soit légitime, les personnes de la base et les aînés doivent être entendus;
  • en raison de la connectivité écologique des emplacements où des infrastructures seront probablement construites et des impacts socioculturels qui en découleront, le corps dirigeant autochtone doit être un groupe constitué des Premières Nations touchées plutôt que l’un des conseils tribaux ou organismes régionaux existants, comme ceux de la Nation nishnawbe-aski ou des Premières Nations de Matawa;
  • un conseil consultatif formé d’aînés doit faire partie intégrante de chacune des étapes du processus décisionnel;
  • il faut chercher des solutions à l’actuelle crise sociale avant que de nouveaux projets puissent être examinés. Les promoteurs doivent être tenus de démontrer que leurs projets atténueront la crise et amélioreront la durabilité à long terme sur le plan social, culturel et écologique;
  • toute approche régionale doit comporter un cadre susceptible d’orienter les évaluations des projets; ces dernières seront soumises à l’approbation des communautés, conformément aux protocoles locaux.

Ce que cela suppose pour les politiques

Le modèle recommandé comprend une commission du Cercle de feu semi-permanente créée par voie d’accord entre le ministre fédéral de l’Environnement et du Changement climatique et un corps dirigeant autochtone composé des Premières Nations touchées désireuses d’en faire partie. La commission, en collaboration avec le conseil consultatif des aînés, devra établir un cadre de gestion des effets cumulatifs, des données de référence (y compris sur la crise sociale actuelle), des critères pour une contribution positive à la durabilité ainsi qu’un plan régional. Les chercheures recommandent également que les décisions subséquentes au sujet des différents projets envisagés pour la région soient soumises à un processus d’examen par un comité mixte, sous l’égide de la commission et selon les paramètres établis par cette dernière.

Complément d’information

Rapport intégral (en anglais)

Coordonnées des chercheures

Dayna Nadine Scott (en anglais), professeure agrégée et titulaire de la chaire de recherche en droit de l’environnement et justice dans l’économie verte de l’Université York, Osgoode Law School dscott@osgoode.yorku.ca

Cole Atlin, chercheure postdoctorale, Memorial University cole@coleatlin.com

Les opinions exprimées dans cette fiche sont celles des auteurs ; elles ne sont pas celles du CRSH, de l'AEIC ni du gouvernement du Canada.

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