Surveillance de la capacité limite : indicateurs et cadres pour une durabilité équitable

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Le projet

La portée, le volume et la disponibilité des données utilisées pour évaluer la capacité limite de la Terre ont considérablement augmenté. Toutefois, plusieurs obstacles freinent leur utilisation et empêchent leur arrimage aux politiques publiques : accent mis sur des aspects propres à certains secteurs et sur des études de cas au niveau local, complexité croissante de la communication des données, problèmes de compétence, entre autres. Ces obstacles compliquent grandement la compréhension, la modélisation et l’utilisation de données environnementales, communautaires, économiques et sanitaires – et leur arrimage aux politiques publiques, aux prises de décisions et aux points de vue des praticiens, une situation qui engendre un problème fondamental lorsque l’on souhaite mieux comprendre les effets de l’action et de la consommation humaines sur les systèmes sociaux, écologiques, économiques, institutionnels et de santé au moyen de cadres et de modèles.

Cette étude pose une question : comment, dans ces cadres, mesurer, interpréter et utiliser les données de manière optimale à la fois pour comprendre l’état des données et des mesures relatives à la capacité limite et pour tirer parti d’un meilleur rendement des politiques? Les chercheurs ont répertorié et analysé 109 études évaluées par des pairs et non universitaires du monde entier, dont 46 du Canada. De manière générale, les constatations indiquent que nous en savons très peu sur la capacité limite et la société, et ce, au Canada comme ailleurs.

Les principales constatations

Dans toute la documentation, on ne retrouve pas une vision d’ensemble de ce que serait, précisément, une compréhension intégrée de la capacité limite et de la façon de la mesurer. Aucun consensus ne se dégage des études menées au Canada.

  • Les études canadiennes portent majoritairement sur des écosystèmes de niche non humains. La plupart des études sur les êtres humains sont axées sur la compréhension de réalités spécifiques plutôt que sur la globalité de la relation entre l’humain et la planète.
  • Les sujets et données ayant trait à l’écologie sont les plus courants.      
  • Parmi les études internationales, 91 se penchent sur l’écologie d’une manière ou d’une autre. Seules 40 d’entre elles intègrent un aspect économique. Parmi les études canadiennes, 33 portent sur l’écologie et 31 ont un volet sociodémographique. Les enjeux de santé sont abordés dans 23 études et les enjeux économiques, dans 16 études.
  • Les données ayant trait à l’écologie sont les plus fréquentes (51 études), tandis que 35 études seulement utilisent des données sociodémographiques, 34 utilisent des données sur la santé et 25 utilisent des données économiques. Les ensembles intégrant des données sur plusieurs aspects sont peu fréquents.
  • Les quelques projets intégrant les répercussions écologiques, économiques, sociodémographiques et sanitaires de la capacité limite sont surtout des travaux communautaires n’ayant pas été évalués par des pairs.
  • Des lacunes importantes ont été observées dans les données, notamment l’absence de données sur les collectivités rurales et nordiques.
  • En dépit du très large appui que suscitent les approches intégrées de la capacité limite, il existe peu de solutions pratiques.
  • Seulement six études canadiennes auraient le potentiel d’évaluer la relation complexe entre la société canadienne et l’environnement d’une manière globale. Parmi elles, deux études se concentrent uniquement sur les variables environnementales.
  • Des 418 indicateurs recensés au total dans ces études, 179 mesurent des aspects environnementaux, 106 mesurent des aspects liés au bien-être de la collectivité et 94 mesurent des aspects économiques. Seulement 28 indicateurs mesurent des aspects ayant trait à la santé et 16 indicateurs mesurent des éléments relevant des politiques.
  • Les indicateurs témoignant de l’actif ou indicateurs positifs (191) se retrouvent principalement dans le secteur communautaire. Les indicateurs qui dénotent le passif ou mesures négatives (168) se retrouvent en écrasante majorité dans le secteur de l’environnement.
  • Dans l’ensemble, 361 indicateurs utilisent des données recueillies annuellement. Seulement 22 indicateurs utilisent des données recueillies à plus grande fréquence (toutes les heures, quotidiennement ou mensuellement). Presque tous sont uniquement rattachés au secteur de l’environnement et mesurent principalement les produits chimiques présents dans l’air et dans l’eau.
  • En tout, 257 indicateurs utilisent des données tirées d’enquêtes et de rapports nationaux. Peu d’indicateurs se fondent sur des données locales (59) ou régionales (26).
  • La majorité des indicateurs (82,03 p. 100) sont pris isolément, axés sur la collecte de données sur un aspect précis, et ne sont pas des indicateurs regroupés.

Ce que cela suppose pour les politiques

Voici les principales modifications aux politiques qui découlent de ces constatations.

  1. Il faudra se pencher sur la conceptualisation de la capacité limite, ses différentes définitions ainsi que son application à différentes échelles – du micro et du local à la population mondiale et à la santé de la planète. La façon dont on comprend ce concept importe, car il aide à cibler adéquatement les politiques et les hypothèses qui sous-tendent les programmes gouvernementaux et les priorités de recherche.
  2. Les responsables des politiques doivent être attentifs aux liens explicites entre plusieurs secteurs et aux mesures intégrant, entre autres, les facteurs écologiques, sanitaires, sociodémographiques et économiques. Malgré les appels répétés et constants visant l’adoption d’approches et de mesures intégrées de la capacité limite, rien ne bouge du côté du milieu de la recherche. On ne peut pas marteler l’importance de l’intégration sans mesure ni comparaison active des données entre les secteurs, les régions et les dynamiques de population.
  3. Il faut uniformiser les indicateurs, les mesures et la collecte de données à l’échelle nationale. Il faut cerner, recueillir et mesurer des données transversales et longitudinales partout au pays tout en reconnaissant l’importance des valeurs locales et de l’interprétabilité. Des cibles et indicateurs nationaux, utiles en contexte local et complémentaires des objectifs internationaux, devraient être mis au point dans le but de favoriser la cohérence et la comparabilité entre les ordres de gouvernement.

Complément d’information

Rapport intégral (en anglais)

Coordonnées des chercheurs

Lars K. Hallström (chercheur principal), professeur de science politique, University of Lethbridge et directeur, Prentice Institute for Global Population and Economy  lars.hallstrom@uleth.ca

Les opinions exprimées dans cette fiche sont celles des auteurs; elles ne sont pas celles du CRSH, du CRSNG, des IRSC, ni du gouvernement du Canada.

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