Lauréat du prix Connexion 2022 : Jordan Stanger-Ross

Dans une discipline où la recherche en solo est la norme, l’historien Jordan Stanger-Ross de l’University of Victoria se démarque par les liens qu’il a noués avec d’autres universitaires, des organismes communautaires et des spécialistes œuvrant en dehors du milieu universitaire pour faire connaître la dépossession qu’ont subie les Canadiennes et Canadiens d’origine japonaise dans les années 1940. Cette collaboration interdisciplinaire novatrice a été financée par le CRSH dans le cadre d’un projet intitulé Landscapes of Injustice (qui a donné lieu à une exposition dont le catalogue est consultable en français sous le titre Promesses brisées). Il s’agit d’une analyse totalement nouvelle de la saisie et de la vente des maisons, fermes, entreprises et autres biens, y compris du patrimoine familial, des Canadiennes et Canadiens d’origine japonaise qui apporte une perspective historique inédite – et totalement différente du point de vue dominant – sur la période des camps d’internement.

Avant ce projet, les préjudices causés aux Canadiennes et Canadiens d’origine japonaise dans les années 1940 étaient considérés le plus souvent comme des bévues des politiciens canadiens en temps de guerre. Le projet a permis d’établir que cette injustice a résulté d’une complicité sur une grande échelle qui avait bien peu à voir avec les exigences de la guerre et qui a occasionné des séquelles permanentes.

Ce projet de partenariat a débuté par une analyse approfondie du matériel d’archive. Les dossiers fédéraux ont révélé que le vandalisme et le pillage des biens de la communauté nippo-canadienne étaient généralisés et ont permis à l’équipe de recherche d’identifier les responsables qui ont négligé leur devoir de fiduciaires et ont exigé la vente des biens restants. Les titres fonciers ont indiqué les avantages économiques dont ont bénéficié les personnes qui ont acquis les terres tout en précisant l’ampleur des pertes subies par la communauté. Les dossiers des tribunaux ont montré comment les Canadiennes et Canadiens d’origine japonaise ont lutté contre la dépossession, et les récits oraux ont témoigné des souvenirs ou du passage sous silence de ces faits depuis. Au bout du compte, le projet décrit une manifestation majeure du racisme systémique au Canada.

Selon Jordan Stanger-Ross, tout a commencé par des conversations au Nikkei National Museum and Cultural Centre, à Burnaby en Colombie-Britannique. En posant des questions, lui-même et son équipe communautaire multidisciplinaire ont été en mesure de mettre au jour les traumatismes intergénérationnels dont souffrent bon nombre de Canadiennes et Canadiens d’origine japonaise.

Le travail de réparation se fait dans le contexte de préjudices irréparables. En même temps, individuellement et collectivement, les Canadiennes et Canadiens d’origine japonaise se sont relevés et ont refait leur vie au Canada de manière inspirante. C’est seulement parce qu’il y a eu ces efforts extraordinaires et le soutien de personnes remarquables de la communauté que le projet a été possible.

Jordan Stanger-Ross est très reconnaissant envers le CRSH, envers les subventions de partenariat en particulier, pour le soutien apporté.

Dans une discipline comme l’histoire, les gens travaillent de façon isolée. Il trouve donc très encourageant que le plus important organisme de financement dans ce domaine encourage la collaboration interdisciplinaire et intersectorielle.

Toutefois, la collaboration sur une grande échelle pose un défi et coûte cher. Le financement du CRSH lui a permis de travailler avec des personnes qui lui ont appris beaucoup et ont augmenté de façon exponentielle l’importance et les répercussions de ce projet.

Mais cela va bien au-delà des liens noués avec les autres universitaires et les partenaires communautaires. Les projets de Jordan Stanger-Ross que le CRSH a financés ont donné du travail à 150 étudiantes, étudiants et chercheures et chercheurs récemment diplômés. Pour lui, le travail avec ces jeunes est l’aspect le plus gratifiant de son enseignement. Les jeunes abordent les projets avec la ferme volonté de lutter contre le racisme, et le temps passé à l’université les aide à acquérir des compétences qui leur permettent d’apporter une contribution appréciable à la justice sociale.

Le prix Connexion, selon Jordan Stanger-Ross, c’est la reconnaissance du travail de toute l’équipe. Ce travail n’a pas été facile et soulève d’innombrables questions. Qui donc a le droit de parler de cela? La douleur suscitée par la dépossession est toujours ressentie, et les personnes qui en ont profité directement peuvent toujours être pointées du doigt. Il y a de bonnes raisons pour que cette histoire de trahison demeure un secret bien gardé.

L’équipe est convaincue que les partenariats qui transcendent les différences sont essentiels pour lutter contre le racisme. Et recevoir ce prix du CRSH confirme que beaucoup d’autres personnes voient les bienfaits qui peuvent résulter de son travail.


Au sujet des prix Impacts

Décernés chaque année, les prix Impacts visent à souligner les meilleures réalisations ayant émané d’activités de recherche et de mobilisation des connaissances que le CRSH a financées, ainsi que les meilleures réalisations ayant découlé de l’attribution d’une bourse du CRSH.

Le prix Connexion souligne la réalisation d’une initiative remarquable financée par le CRSH qui vise à faciliter la transmission et l’échange de connaissances émanant de la recherche au sein ou à l’extérieur du milieu de la recherche en sciences humaines.

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