Lignes directrices pour l’évaluation du mérite de la recherche autochtone

But

Le CRSH a élaboré les présentes lignes directrices afin de s’assurer que l’évaluation du mérite de la recherche autochtone respecte ses principes d’évaluation du mérite. Ces lignes directrices ont été préparées pour compléter l’information fournie dans le Guide des membres de comité de sélection du CRSH, mais elles peuvent aussi être utilisées par les candidats, les évaluateurs externes, les établissements d’enseignement postsecondaire et les organismes partenaires qui appuient la recherche autochtone.




Contexte

La « recherche autochtone » est définie à la page Définitions du site Web du CRSH.

Depuis le début des années 2000, le CRSH fait la promotion de la recherche menée « par et avec » les peuples autochtones, car il reconnaît que les perspectives autochtones sont importantes pour mieux connaître et comprendre la façon de penser et d’agir de l’être humain d’hier et d’aujourd’hui et qu’elles contribuent à façonner un avenir meilleur.

Les lignes directrices pour l’évaluation du mérite de la recherche autochtone permettront en outre de faire en sorte que la recherche autochtone – dont les systèmes de connaissances des Autochtones (notamment les ontologies, les épistémologies et les méthodologies) – soit reconnue en tant que contribution scientifique et respecte les normes d’excellence du CRSH. De plus, elles visent à encourager l’exécution avec tact de la recherche autochtone, et ce, seulement après avoir examiné qui l’effectuera, les motifs qui la sous-tendent et la façon dont elle sera menée. Les lignes directrices viennent compléter l’information présentée dans la deuxième édition de l’Énoncé de politique des trois conseils : éthique de la recherche avec des êtres humains, en particulier au chapitre 9 – La recherche visant les Premières Nations, les Inuits ou les Métis du Canada.

Les candidats ont la possibilité de préciser si leur proposition est liée à la recherche autochtone telle que le CRSH la définit. S’ils choisissent de le faire, ils peuvent indiquer au comité de sélection que leur demande doit être examinée dans le contexte de la définition de la recherche autochtone ainsi que les présentes lignes directrices.

Le CRSH peut compter sur des évaluateurs qui possèdent une expérience et une expertise dans le domaine de la recherche autochtone afin de déterminer dans quelle mesure les lignes directrices peuvent s’appliquer à une proposition de recherche, à un programme d’étude ou à un programme de travail spécifique.

Ces lignes directrices s’appliquent aux chercheurs autochtones et non autochtones qui mènent des travaux de recherche autochtone.




Mesures en vigueur relativement à l’évaluation du mérite

Pour les demandes de subvention ayant trait à la recherche autochtone, le CRSH s’assure que :

  • les examinateurs externes, qu’ils soient autochtones ou non autochtones, possèdent une expérience et une expertise dans le domaine de la recherche autochtone;
  • les comités de sélection sont composés, en partie ou en totalité, de membres qui possèdent une expérience et une expertise en recherche communautaire dans le domaine de la recherche autochtone, et ce, lorsque le volume de demandes le justifie. Le CRSH pourrait demander à des experts des domaines de recherche pertinents pour les demandes reçues de procéder à une évaluation externe afin d’aider le comité de sélection à prendre ses décisions.

Dans le cas des bourses de doctorat et des bourses postdoctorales, des efforts concertés sont déployés pour recruter des membres de comité qui possèdent une expérience et une expertise dans le domaine de la recherche autochtone.




Concepts clés pour l’évaluation du mérite de la recherche autochtone

Les connaissances autochtones ou traditionnelles, selon le chapitre 9 de l’Énoncé de politique des trois conseils : éthique de la recherche avec des êtres humains, sont en général présentées « comme étant holistiques et faisant intervenir tout à la fois le corps, l’intelligence, les sentiments et l’esprit » (p. 124). Les connaissances autochtones sont rarement acquises par la consultation de documents écrits. Il s’agit plutôt d’une vision du monde reposant sur les expériences de vie, l’écoute et les apprentissages transmis dans les langues ancestrales et par le mode de vie sur les territoires. Le dialogue avec les aînés et les autres gardiens du savoir est reconnu comme étant un facteur déterminant et essentiel de la transmission des connaissances pour les Autochtones qui vivent en communauté. Tant le contenu des connaissances autochtones que les mécanismes de transmission de connaissances font partie intégrante de la vie et sont incorporés, entre autres, dans les récits oraux, les rites cérémoniels, le mode de vie sur les territoires, l’utilisation des ressources naturelles et des plantes médicinales, l’artisanat, les chants, les danses et les relations avec « le monde au-delà du monde humain ».

La réciprocité est considérée comme une valeur importante dans les modes d’appréhension du savoir des Autochtones en ce qu’elle met l’accent sur le caractère mutuel de la transmission et de l’acquisition des connaissances. Dans un contexte de recherche, et plus particulièrement dans celui des critères d’évaluation du CRSH, l’accent qui est mis sur un modèle de coproduction doit mener à la réciprocité sous la forme de partenariats et de pratiques de collaboration, notamment en ce qui concerne la détermination des objectifs et des méthodes de recherche, la façon dont est menée la recherche, les protocoles en matière d’éthique de la recherche, l’analyse et la présentation des données et la transmission des connaissances. On reconnaît aussi que l’accès aux connaissances et les avantages qui en découlent sont intégralement reliés.

La communauté, dans le contexte de la recherche autochtone, peut renvoyer à un endroit ou à une communauté établie sur un territoire donné, ou encore à une communauté thématique ou une communauté de praticiens. De plus, le degré de participation d’une communauté est variable selon que la recherche est axée sur la communauté, impulsée par la communauté ou pilotée par la communauté, et les extrants de la recherche devront être négociés en tenant compte des intérêts des membres concernés de la communauté autochtone.

Le respect, la pertinence et les contributions sont des considérations importantes dans le contexte de l’évaluation de la recherche autochtone. Une demande doit démontrer que la recherche proposée permet de choisir et de respecter les protocoles de recherche pertinents et les objectifs de l’heure de la communauté et doit faire état des contributions actuelles provenant de la communauté ou qui lui sont destinées et de celles qui découleront sans doute de la recherche. Une relation de recherche fondée sur le respect requiert un degré élevé de collaboration et de dialogue éthique. Elle peut comprendre l’intégration de processus et de protocoles de recherche existants distincts pour l’exécution d’évaluations éthiques de la recherche au sein de la communauté, l’apprentissage dans le cadre de systèmes de connaissances traditionnelles ou de systèmes linguistiques, la reconstruction ou la redynamisation concertée de processus qui ont été mis de côté ou remplacés ou l’élaboration concertée de nouveaux processus fondés sur les intérêts exprimés par la communauté. Un tel degré de collaboration et de dialogue peut également nécessiter d’autres processus ciblés de consultation ou d’évaluation.




Éléments clés de l’évaluation du mérite de la recherche autochtone


Subventions

Les points qui suivent ont pour but d’aider les membres de comité à évaluer les propositions de recherche autochtone. Au moment d’évaluer les demandes de subvention de recherche, les membres de comité doivent tenir compte des critères d’évaluation propres à la recherche autochtone énoncés ci-dessous par rapport aux critères généraux (défi, faisabilité et capacité) qui servent à l’évaluation des demandes de subvention.

  1. Défi – Objectif et importance de l’activité de recherche
    • Étant donné l’importance accordée à l’expérience vécue, les documents écrits et oraux sont des formes de connaissance dont il faut tenir compte. On entend par document oral une entrevue ou une rencontre en personne, ou encore l’enseignement traditionnel offert par un aîné.
    • Il est possible d’associer le cadre théorique et la méthodologie. Par exemple, dans le cadre d’un récit, le récit en lui-même peut représenter, dans certains cas, aussi bien la théorie que la méthode, une façon d’expliquer un phénomène ou d’illustrer comment un comportement ou une manière d’agir peut aider à mener une bonne vie.
    • La participation de la communauté et la coproduction de connaissances, le cas échéant, sont considérées comme étant essentielles, en particulier pour l’interprétation des données. Dans ce contexte, la coproduction de connaissances pourrait comprendre des approches d’interprétation élaborées, évaluées et confirmées conjointement « par et avec » les membres de la communauté ou l’organisme mandaté par la communauté.
    • Quand des occasions de formation sont offertes, la priorité doit être accordée aux étudiants et aux chercheurs postdoctoraux autochtones, le cas échéant. Il faudrait mettre l’accent sur les occasions de formation offertes au sein des communautés de façon à préparer un personnel hautement qualifié. La possibilité de recevoir une formation peut contribuer, pour de nombreux membres des communautés qui ne sont pas inscrits à un programme d’études postsecondaires, au développement de carrière et au renforcement communautaire.
  2. Faisabilité – Plan visant l’atteinte de l’excellence
    • La recherche doit répondre aux besoins de chaque partenaire, le cas échéant, et il faut démontrer comment elle y parvient. Les exigences budgétaires devraient inclure les besoins communautaires de manière à ce que le projet offre suffisamment de soutien aux communautés, le cas échéant.
    • La demande doit indiquer comment les extrants de la recherche seront mis à disposition et pourront être utilisés par les peuples autochtones et les autres parties intéressées, les avantages prévus pour la communauté devant faire partie de la description des extrants dès le départ. Les outils de rayonnement comprennent, entre autres, les sites Web, les vidéos, les présentations, les expositions communautaires ou artistiques, les spectacles et les festivals.
    • La disponibilité et la nature de l’infrastructure administrative ou organisationnelle varient d’une communauté à l’autre. Cet aspect doit être pris en compte dans la façon de structurer la recherche de sorte que les contributions de tout organisme partenaire de la communauté puissent être reconnues et optimisées.
    • Lorsque l’occasion de financement le requiert, l’obtention d’un soutien en nature ou en espèces de la part d’établissements hôtes et de partenaires peut comprendre un certain capital social – un élément qui peut mettre l’accent sur les relations et les réseaux familiaux et sociaux et avoir un effet sur le coût de la recherche. De plus, le capital linguistique, soit la capacité de communiquer avec la communauté en utilisant sa ou ses langues ancestrales et une langue nationale du Canada, peut aussi être considéré comme une contribution.
    • Il faut mentionner les attentes relatives à la gestion et à la gouvernance de la coproduction des connaissances, des extrants de la recherche et du soutien connexe pendant et après la période visée par la subvention.
  3. Capacité – Savoir-faire pour réussir
    • Il faut évaluer le niveau d’études atteint, les contributions à la recherche et les publications des candidats et des membres de l’équipe, ainsi que l’étape de leur carrière à laquelle ils se trouvent, en tenant compte de ce qui suit :
      • les chercheurs autochtones peuvent avoir eu à commencer leurs études à un âge plus avancé ou avoir eu à les interrompre à quelques reprises;
      • on s’attend à ce que certains chercheurs fassent d’importantes contributions à leur communauté et à ce qu’ils fassent preuve d’un engagement profond à son égard;
      • les produits communautaires sont reconnus comme des travaux d’érudition autochtones. Par exemple, les rapports préparés « par et avec » les communautés dont des chercheurs ne sont pas officiellement auteurs peuvent représenter un élément essentiel du parcours professionnel de ces chercheurs et être reconnus comme tel;
      • l’engagement des chercheurs autochtones envers leur établissement d’enseignement postsecondaire est aussi important et peut prendre différentes formes : appui aux étudiants, formation d’enseignants, travail au sein de comités, formation de chercheurs non autochtones afin qu’ils fassent preuve d’ouverture à la culture autochtone; les chercheurs peuvent en outre contribuer à l’intégration des systèmes de connaissances, de la langue, de la culture et des expériences des peuples autochtones dans leur établissement d’enseignement postsecondaire, notamment en créant des programmes les abordant;
      • dans la section « Circonstances spéciales », les membres du comité doivent prendre en compte le degré de difficulté auquel les candidats ont eu à faire face durant leur carrière et y voir une mesure utile du mérite, particulièrement s’ils ont réussi à surmonter des obstacles;
      • l’expérience pertinente des chercheurs autochtones doit tenir compte de leur cheminement personnel et du parcours qu’ils ont emprunté pour acquérir des connaissances.
    • Les collaborateurs qui jouent un grand rôle auprès d’une communauté et qui entretiennent une excellente relation avec celle-ci doivent être considérés de façon favorable dans le cadre de l’évaluation d’une proposition de recherche autochtone. Les aînés et les partenaires communautaires, surtout, doivent être reconnus et respectés pour leurs contributions au capital de connaissances.

Bourses

Les points qui suivent ont pour but d’aider les membres de comité à évaluer les propositions de recherche autochtone. Pour évaluer les demandes de bourse de doctorat et de bourse postdoctorale, les membres de comité doivent tenir compte des critères de sélection propres à chacun de ces types de bourse ainsi que de la liste suivante au moment d’examiner les programmes d’études ou de travail proposés et d’effectuer une évaluation globale de la capacité des candidats de mener des études universitaires.

Recherche proposée :

  • Étant donné l’importance accordée à l’expérience vécue, les documents écrits et oraux sont des formes de connaissance dont il faut tenir compte. On entend par document oral une entrevue ou une rencontre en personne, ou encore l’enseignement traditionnel offert par un aîné.
  • Il est possible d’associer le cadre théorique et la méthodologie. Par exemple, dans le cadre d’un récit, le récit en lui-même peut représenter, dans certains cas, aussi bien la théorie que la méthode, une façon d’expliquer un phénomène ou d’illustrer comment un comportement ou une manière d’agir peut aider à mener une bonne vie.
  • La participation de la communauté et la coproduction de connaissances, le cas échéant, sont considérées comme étant essentielles, en particulier pour l’interprétation des données. Dans ce contexte, la coproduction de connaissances pourrait comprendre des approches d’interprétation élaborées, évaluées et confirmées conjointement « par et avec » les membres de la communauté ou l’organisme mandaté par la communauté.
  • La recherche doit répondre aux besoins de chaque partenaire, le cas échéant, et il faut démontrer comment elle y parvient.
  • La demande doit indiquer comment les extrants de la recherche seront mis à disposition et pourront être utilisés par les peuples autochtones et les autres parties intéressées, les avantages prévus pour la communauté devant faire partie de la description des extrants dès le départ. Les outils de rayonnement comprennent, entre autres, les sites Web, les vidéos, les présentations, les expositions communautaires ou artistiques, les spectacles et les festivals.
  • La disponibilité et la nature de l’infrastructure administrative ou organisationnelle varient d’une communauté à l’autre. Cet aspect doit être pris en compte dans la façon de structurer la recherche de sorte que les contributions de tout organisme partenaire de la communauté puissent être reconnues et optimisées.
  • Il faut mentionner les attentes relatives à la gestion et à la gouvernance de la coproduction des connaissances, des extrants de la recherche et du soutien connexe pendant et après la période visée par la bourse.

Capacité à mener des études universitaires :

  • Il faut évaluer le niveau d’études atteint, les contributions à la recherche et les publications des candidats, ainsi que l’étape de leur carrière à laquelle ils se trouvent, en tenant compte de ce qui suit :
    • les chercheurs autochtones peuvent avoir eu à commencer leurs études à un âge plus avancé ou avoir eu à les interrompre à quelques reprises;
    • on s’attend à ce que certains chercheurs fassent d’importantes contributions à leur communauté et à ce qu’ils fassent preuve d’un engagement profond à son égard;
    • les produits communautaires sont reconnus comme des travaux d’érudition autochtones. Par exemple, les rapports préparés « par et avec » les communautés dont des chercheurs ne sont pas officiellement auteurs peuvent représenter un élément essentiel du parcours professionnel de ces chercheurs et être reconnus comme tel;
    • l’engagement des chercheurs autochtones envers leur établissement d’enseignement postsecondaire est aussi important et peut prendre différentes formes : appui aux étudiants, formation d’enseignants, travail au sein de comités, formation de chercheurs non autochtones afin qu’ils fassent preuve d’ouverture à la culture autochtone; les chercheurs peuvent en outre contribuer à l’intégration des systèmes de connaissances, de la langue, de la culture et des expériences des peuples autochtones dans leur établissement d’enseignement postsecondaire, notamment en créant des programmes les abordant;
    • dans la section « Circonstances spéciales », les membres du comité doivent prendre en compte le degré de difficulté auquel les candidats ont eu à faire face durant leur carrière et y voir une mesure utile du mérite, particulièrement s’ils ont réussi à surmonter des obstacles;
    • l’expérience pertinente des chercheurs autochtones doit tenir compte de leur cheminement personnel et du parcours qu’ils ont emprunté pour acquérir des connaissances.
  • Les collaborateurs qui jouent un grand rôle auprès d’une communauté et qui entretiennent une excellente relation avec celle-ci doivent être considérés de façon favorable dans le cadre de l’évaluation d’une proposition de recherche autochtone. Les aînés et les partenaires communautaires, surtout, doivent être reconnus et respectés pour leurs contributions au capital de connaissances.