Donner une voix aux jeunes victimes d’agression sexuelle

Amélioration des services destinés aux enfants et aux jeunes vulnérables au Canada

Membres de l’équipe Étincelles (Martine Hébert est tout à fait à droite), projet qui vise à promouvoir des parcours amoureux et intimes positifs et à prévenir la violence dans les relations amoureuses des jeunes du secondaire

Photo : Valérie Théorêt

Des mouvements comme #MoiAussi ont permis de libérer la parole des victimes d’agression sexuelle. Or, il se trouve que les jeunes qui en sont victimes n’ont souvent pas de voix dans l’espace public, malgré notre devoir de société de les protéger en raison de leur grande vulnérabilité.

Les enfants victimes d’agression sexuelle, particulièrement celles et ceux d’âge préscolaire, sont moins représentés que les adultes dans les travaux de recherche visant à documenter les conséquences d’une telle expérience traumatisante.

Afin de donner une voix aux jeunes, Martine Hébert, professeure titulaire au Département de sexologie de l’Université du Québec à Montréal et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les traumas interpersonnels et la résilience, documente les conséquences associées à l’agression sexuelle chez les enfants et les jeunes depuis plus de 30 ans.

Une blessure qui peut laisser des cicatrices profondes

« L’agression sexuelle est un fléau social sans frontières qui touche de 20 à 25 p. 100 des filles et de 7 à 10 p. 100 des garçons avant l’âge de 18 ans », indique Martine Hébert. Selon des données publiées au Québec, 13 p. 100 des victimes ont moins de 5 ans. Or, « une agression sexuelle en bas âge risque d’avoir de nombreuses conséquences délétères à long terme », précise-t-elle.

Les jeunes qui ont été victimes d’agression sexuelle durant l’enfance sont plus à risque d’avoir de graves difficultés comportementales et de vivre dans un état constant d’anxiété et d’hypervigilance. Outre leur incapacité à réguler leurs émotions et à s’attacher sainement aux autres, ces jeunes peuvent avoir des habiletés sociales moindres et faire face à des difficultés menant à des échecs scolaires.

Elles et ils vivent aussi de l’isolement social et des expériences de revictimisation sous la forme d’intimidation par les pairs, de cyberviolence ou de violence dans les relations amoureuses à l’adolescence.

Les données probantes au service de la résilience

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Vidéo fondée sur les travaux du laboratoire de recherche dirigé par Martine Hébert

Photos : Thinkmojo

Les travaux du laboratoire de recherche dirigé par Martine Hébert visent à cerner les différents facteurs de protection qui peuvent agir sur les plans individuel, familial, social et communautaire pour atténuer les impacts de la victimisation et prévenir la revictimisation.

« Nous avons constaté que certains enfants s’en tirent mieux que d’autres à la suite d’une agression sexuelle », indique la chercheure. « Un enfant sur trois semble montrer une adaptation positive en dépit de toute cette adversité, comme une fleur qui réussit à aller chercher de la lumière pour grandir ». Ainsi, les enfants qui développent des stratégies d’adaptation efficaces, qui ont une bonne capacité de régulation émotionnelle, qui ont une relation sécurisante avec leurs parents et qui bénéficient d’un soutien immédiat après l’agression sont plus susceptibles de surmonter le traumatisme.

L’équipe de Martine Hébert et ses partenaires utilisent ces résultats de recherche pour concevoir et mettre en place des programmes visant à prévenir la violence sexuelle, réduire les conséquences négatives de l’agression sexuelle, favoriser la résilience chez les jeunes et promouvoir leur développement sain.

Des programmes par et pour les jeunes

S’articulant autour de la petite enfance, le programme Lanterne, élaboré par la Fondation Marie-Vincent et évalué par la chercheure et son équipe, vise à prévenir la violence sexuelle en s’adressant aux enfants d’âge préscolaire et aux adultes qui les entourent.

Quant aux jeunes, elles et ils ont été visés par l’enquête Parcours amoureux des jeunes (PAJ) menée par la chercheure et son équipe. Près de 8 200 ados de 14 à 18 ans ont participé à l’enquête. Les données ont révélé que les jeunes ayant vécu une agression sexuelle pendant l’enfance étaient particulièrement vulnérables à vivre de la violence dans les relations amoureuses à l’adolescence. Le projet PAJ a donné lieu à plus de 60 publications dans des revues arbitrées et des réplications de l’enquête en France, en Italie, à Haïti et au Brésil. Les résultats ont contribué à l’élaboration d’outils de sensibilisation pour les jeunes, ainsi que pour le personnel enseignant et les professionnels œuvrant auprès des adolescentes et adolescents afin de promouvoir des relations amoureuses saines.

Dans la foulée de l’enquête PAJ, le programme Étincelles a été développé en partenariat avec Tel-Jeunes et la Direction régionale de santé publique de Montréal. Le programme vise à promouvoir des parcours amoureux et intimes positifs – qui reflètent une diversité culturelle, sexuelle et de genre – et à prévenir la violence dans les relations amoureuses des jeunes. En 2021, 300 ateliers ont été offerts en classe à 3 000 jeunes des 3e et 4e années du secondaire de la grande région de Montréal et du Saguenay–Lac-Saint-Jean. Le programme inclut aussi des comités de jeunes ambassadeurs, des vidéos pour les parents et des formations en ligne pour le personnel enseignant qui s’est dit mieux outillé pour aborder la violence dans les relations amoureuses grâce à la formation.

Ces réalisations et d’autres de Martine Hébert contribuent à prévenir les violences sexuelles envers les enfants et à édifier une société au sein de laquelle les jeunes peuvent s’épanouir sainement et en toute sécurité.

Pour en savoir plus

Pour en savoir plus sur les travaux de Martine Hébert, on peut la suivre sur Twitter, consulter sa page Facebook ou visiter le site Web de son laboratoire.