Faire appel à la sagesse des récits autochtones pour affronter les défis du monde d’aujourd’hui
Éclairages précieux tirés de l’analyse des langues et des légendes autochtones
Cartographie des récits oraux d’un camp de chasse traditionnel avec des membres de la bande indienne d’Osoyoos à Oliver, en Colombie-Britannique
Photo : Jeannette Armstrong
La littérature orale des cultures autochtones abonde de connaissances qui peuvent nous aider à nous attaquer à des questions telles que les changements climatiques, la justice sociale et le bien-être des communautés. Jeannette Armstrong, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les connaissances et la philosophie des peuples autochtones de l’Okanagan, s’emploie à faire connaître la grande sagesse de ces peuples.
Rattachée au campus Okanagan de l’University of British Columbia, Jeannette Armstrong consigne, répertorie et analyse les différentes significations des récits oraux et des systèmes de connaissances autochtones. Elle communique ensuite ses constatations aux communautés autochtones qui sont les gardiennes de ces connaissances, en vue de l’élaboration de mesures visant à surmonter les difficultés d’aujourd’hui.
Jeannette Armstrong fait partie de la nation syilx de l’Okanagan et en parle couramment la langue, le nsyilxc?n. Elle espère que ses travaux inciteront d’autres universitaires à étudier les langues autochtones et à en intégrer les concepts dans différents secteurs susceptibles d’améliorer nos façons de vivre.
Elle est d’avis que les connaissances autochtones peuvent nous aider à tout transformer, du travail social à l’éducation. Il est par conséquent important de faire tout ce qui est possible pour préserver les connaissances que ces langues recèlent.
Mise en commun des connaissances et des valeurs
Jeannette Armstrong, qui a consacré sa vie à l’éducation, a toujours manifesté un intérêt à l’égard de l’étude des systèmes de connaissances autochtones, en particulier de la manière dont ils peuvent aider les communautés autochtones à conserver leur identité. Sa thèse de doctorat a porté sur l’éthique écologique des Salish de l’intérieur, qui croient profondément à la préservation de l’environnement.
Selon elle, ils donneraient leur vie pour sauver une forêt. Mais d’où viennent ces valeurs, se demande-t-elle, et pourquoi sont-elles si profondément ancrées chez les Salish? Qu’est-ce qui fait que la connaissance de la nature est tellement importante?
Des aînées dépositaires des connaissances traditionnelles en écologie àWhite Lake, en Colombie-Britannique, dans un site d’intérêt pour la bande de Penticton, échangent sur les récits oraux ayant trait à la cérémonie de la récolte de la lewisie réviviscente.
Photo : Jeannette Armstrong
Les travaux de sa chaire de recherche du Canada ont pour but de trouver des réponses à ces questions. Elle a d’abord examiné ce que les ethnographes et d‘autres chercheurs ont écrit au sujet des gestes posés par les Syilx, puis elle a voulu comprendre ce qui motivait ces gestes. Pour ce faire, elle a collaboré étroitement avec d’autres locuteurs de la langue nsyilxc?n et des gardiens du savoir. Ensemble, ils ont décortiqué et analysé la littérature orale des Syilx pour saisir l’entière signification des récits et des symboles – et comprendre comment elle s’est transmise d’une génération à l’autre pour constituer le système de connaissances des Syilx.
Saisir le sens qui se dissimule sous la surface
Jeannette Armstrong affirme que les mots et les symboles utilisés dans les récits des Salish expriment souvent beaucoup plus que ce qu’ils semblent représenter et que seules les personnes qui ont accès au contexte culturel peuvent en comprendre la signification réelle. Elle propose l’analogie suivante : l’icône de l’oiseau bleu sur nos appareils mobiles n’a vraiment rien à voir avec la faune aviaire, elle renvoie à Twitter et à un certain type de média social.
À titre d’exemple, si le mot tmxwulaxwse traduit approximativement par « terre » en français, quand on le décortique, il veut dire beaucoup plus. La première partie du mot fait référence à « tout ce qui tire son existence », la deuxième partie signifie « en cycles continus » et la troisième, « du sol ».
L’entière signification est tellement plus profonde que le simple mot « terre ». Et il ne s’agit que d’un mot. Si l’on met tous les mots ensemble et que l’on examine tout le système de connaissances, on voit qu’il y a là quelque chose de réel qui peut servir aux scientifiques et aux théoriciens des écosystèmes, affirme-t-elle.
Pour comprendre les systèmes de connaissances de tous les peuples autochtones, il est essentiel de révéler de cette manière le sens profond de leurs langues. Jeannette Armstrong vient d’ailleurs d’élargir la portée de son projet de sorte qu’il aborde désormais, outre les Syilx, les quatre autres peuples salish de l’intérieur (les Lil’wat, les Secwepemc, les Nlaka’pamux et les Sinixt), qui sont en général moins étudiés que les autres peuples des Premières Nations.
Par suite des activités de recherche et de plaidoyer de la professeure Armstrong, l’University of British Columbiaest devenue, en 2021, la première université du Canada à offrir un baccalauréat en maîtrise des langues autochtones.
Ses recherches ont fait l’objet d’articles dans des publications savantes, et elle a été invitée à parler de la gestion autochtone de l’environnement et de la revitalisation des langues autochtones dans le cadre de conférences et de congrès tenus un peu partout en Amérique du Nord. Ses travaux sont porteurs d’espoir pour les langues qui, dans le monde, risquent de disparaître à jamais, tout comme les idées qu’elles véhiculent sur l’environnement et sur d’autres sujets.
En savoir plus
Pour en savoir plus au sujet des différentes activités de Jeannette Armstrong, on peut lire son profil (en anglais) dans le site Web The People and The Text.