Se mettre en avant et après?

Comment inciter les milieux de travail à devenir plus diversifiés et inclusifs sans s’appuyer sur le personnel pour apporter les changements nécessaires

Les problèmes systémiques ne nécessitent pas toujours des solutions complexes. Il suffit parfois de modifier légèrement la façon dont les processus sont gérés ou les décisions sont prises pour avoir de grands résultats. En tant que titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur l’identité, la diversité et l’inclusion, Sonia Kang utilise des données comportementales et la conception organisationnelle pour déstabiliser les systèmes et les structures qui font entrave à l’inclusion en milieu de travail. Son objectif? Placer les femmes sur un même pied d’égalité que les hommes en matière d’avancement professionnel.

« L’inégalité au travail est un problème systémique. Mais, pour résoudre ce problème, nous mettons traditionnellement l’accent sur le changement des comportements individuels », explique Mme Kang, professeure agrégée au département de gestion de l’University of Toronto (Mississauga) et à la Rotman School of Management de cette même université. « Voilà pourquoi nous investissons autant dans les formations sur les préjugés inconscients et les ateliers Lean in – ateliers visant à aider les femmes à se mettre en avant dans le milieu du travail. Mais cela doit arrêter! Les problèmes systémiques nécessitent des solutions systémiques. »

Formuler les choix différemment pour promouvoir les possibilités de carrière

Selon Mme Kang, l’inclusion consiste à faire en sorte que les personnes de tous les horizons ont un sentiment d’appartenance, se sentent valorisées et ont accès aux mêmes opportunités. Pour renforcer l’inclusion en milieu de travail, Mme Kang et son équipe de recherche (dont Joyce He, ancienne étudiante de doctorat) examinent la façon d’accroître la participation des femmes dans un domaine traditionnellement dominé par les hommes : les concours visant les promotions professionnelles.

Sonia Kang, titulaire de chaire de recherche du Canada, enregistre son balado intitulé For the Love of Work.

Photo : Elisa Barbaro

Le fait de poser sa candidature dans le but d’obtenir une promotion est généralement un choix personnel. Par conséquent, les personnes qui ne posent pas activement leur candidature ne sont pas prises en compte. Or, des recherches ont montré que les femmes sont moins susceptibles de participer à ce genre de concours ou de faire leur autopromotion. L’équipe de Mme Kang n’a donc pas été surprise de constater que 75 p. 100 des hommes participant à son programme de recherche s’étaient inscrits à un tournoi mathématique chronométré, alors que seulement 47 p. 100 des femmes l’avaient fait.

Madame Kang et son équipe se sont demandé si ces pourcentages changeraient si l’inscription au tournoi était automatique pour toutes et tous, à moins de choisir personnellement de s’en retirer. En effet, c’est ce qui s’est produit. En présentant la participation au tournoi de cette façon, l’écart entre les sexes a disparu, et 75 p. 100 des hommes et des femmes ont choisi de participer au tournoi.

Selon Sonia Kang, cette approche pourrait facilement être appliquée à un milieu de travail pour accroître la diversité et l’inclusion au sein d’un organisme, ce qui permettrait aux femmes d’avoir plus facilement accès aux opportunités de carrière et d’accéder à des postes de direction.

« Nous n’avons pas dit aux femmes de s’exprimer ou de se mettre en avant. Nous avons simplement changé le contexte dans lequel la décision est prise, explique Mme Kang, déchargeant les personnes de la responsabilité de trouver seules une solution. »

Le langage compte

Pour illustrer la manière dont un petit changement peut résoudre un grand défi, citons la collaboration entre l’équipe de recherche de Sonia Kang et une entreprise qui avait du mal à recruter des femmes pour un poste de vendeur de premier échelon. Chaque fois que l’entreprise affichait le poste, la grande majorité des personnes qui postulaient étaient des hommes.

Plutôt que de modifier le rôle du poste en question, l’équipe a fait l’essai de changer les mots utilisés pour le décrire dans l’annonce. Elle a notamment utilisé un langage plus neutre en réduisant le nombre de mots et d’expressions du genre masculin qui mettent l’accent sur des concepts comme la domination. L’équipe était convaincue que ces changements inciteraient plus de femmes à postuler le poste – ce qui a été le cas. En revanche, ce à quoi l’équipe ne s’attendait pas, c’était de voir le nombre d’hommes faisant demande au poste augmenter aussi – certains hommes déclarant qu’ils trouvaient la nouvelle formulation de l’annonce beaucoup plus attrayante.

Applications en dehors du milieu de travail

Madame Kang espère que sa recherche aura un impact non seulement dans les milieux de travail du Canada, mais du reste du monde également. Dans le cadre du processus de sélection de son prix d’excellence en recherche, la Rotman School of Management s’est déjà mise à appliquer un cadre offrant à chacune et chacun l’option de se retirer, ce qui a permis de former un groupe de lauréates et lauréats plus varié. En théorie, la même approche pourrait servir à accroître la diversité de genre parmi les bénéficiaires de bourses d’études universitaires.

« Croire qu’une solution relative au système entraîne de grands changements de politique relève du mythe. Une telle solution peut représenter n’importe quel petit changement dans la façon de faire des choix. Une série de petites corrections dans de nombreux domaines différents peut avoir un effet beaucoup plus important », conclut la chercheure.

Pour en savoir plus

Pour en savoir plus sur les travaux de Mme Kang, on peut consulter son site Web (en anglais) ou écouter son balado intitulé For the Love of Work ou encore consulter les ressources disponibles par l’entremise du Engendering Success in STEM research consortium.