Réconciliation avec les autochtones

Eve Tuck
University of Toronto

Approches en recherche fondées sur la collaboration et non sur l’exploitation des peuples autochtones

Définir une éthique solide pour travailler avec les communautés autochtones

Alors que les chercheures et chercheurs désirent travailler plus fréquemment avec les peuples autochtones, il est nécessaire d'adopter des approches plus judicieuses et authentiques pour inciter les communautés à s’engager et établir des relations avec elles afin de remédier aux séquelles du colonialisme et de faire progresser les objectifs de recherche des communautés autochtones. Eve Tuck, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les méthodologies de la recherche autochtone exécutée auprès des jeunes et des communautés à l’Ontario Institute for Studies in Education de l’University of Toronto, se penche sur cette question en faisant la promotion d'un domaine distinct qu'elle décrit comme celui de la recherche autochtone collaborative, c’est à dire une recherche mutuellement bénéfique menée avec les peuples autochtones – et non à leurs dépens.

Eve Tuck, qui appartient au peuple Unangax̂, et ses collègues du Tkaronto CIRCLE Lab recensent et évaluent divers types de recherches autochtones collaboratives menées dans le monde entier en examinant les décisions, les approches, l'éthique et les pratiques de formation des chercheures et chercheurs et des communautés impliqués. Leur objectif est de mieux comprendre la manière dont la recherche autochtone participative et communautaire devrait être menée, et ce, dans le but de fournir des conseils pratiques aux communautés autochtones du Canada sur la manière de s'engager avec les chercheures et chercheurs en respectant les termes qui leurs sont propres et en faisant la promotion de leurs valeurs et de leur autodétermination.

Un jardin numérique prend racine

À la fin de 2022, le Tkaronto CIRCLE Lab lancera le jardin numérique pour la recherche autochtone collaborative, un site Web interactif qui présentera près de 200 exemples démontrant que ce type de recherche est possible. Destiné à guider celles et ceux qui recherchent des exemples inspirants de partenariats de recherche pouvant être imités, ce site mettra en vedette des profils d'études menées avec des communautés autochtones du monde entier sur des sujets comme la santé, la justice climatique, l'économie et le travail social. Pour chaque étude, il fournira de l’information sur les méthodes, l'objectif, les participantes et participants, l'éthique, les preuves et les théories du changement.

« Nous avons choisi jardin numérique pour nommer notre site, car nous espérons que les exemples qui s’y trouvent aideront le domaine à grandir et à proliférer, explique Mme Tuck. Le site web montrera que la recherche autochtone collaborative est non seulement possible, mais que des personnes du monde entier s'y engagent déjà. »

Pour en savoir plus sur les travaux d’Eve Tuck, consultez son site Web (en anglais) ou le site Web du Tkaronto CIRCLE Lab (en anglais).


Heather Igloliorte
Université Concordia

La réconciliation par l’art inuit

Mentorat d’une nouvelle génération de chefs de file en art inuit

Bien qu’on retrouve leurs œuvres dans bon nombre de musées et d’autres établissements canadiens, les Inuit n’ont historiquement pas eu leur mot à dire sur la manière dont leur héritage culturel a été collectionné et exposé. Heather Igloliorte, titulaire de la chaire de recherche de l’Université Concordia en art autochtone circumpolaire, tente de décoloniser les pratiques de conservation des arts en donnant à plus d’Inuit les moyens d’accéder à des postes de chefs de file dans le milieu artistique.

Par le biais du programme Inuit Futures in Arts Leadership, un projet d’une durée de sept ans qui est financé par une subvention de partenariat du CRSH, Heather Igloliorte et ses collègues offrent à des étudiantes et étudiants inuits de niveau postsecondaire la possibilité d’acquérir une expérience pratique et de bénéficier de mentorat dans des galeries, des théâtres, des plateaux de tournage, des maisons d’édition et d’autres établissements artistiques. Le programme, qui en est à sa troisième année, a permis de placer 80 étudiantes et étudiants inuits dans 15 organismes partenaires du Nord canadien et d’ailleurs au pays, dont le Centre national des Arts, le Musée des beaux-arts de Winnipeg et plusieurs sociétés cinématographiques et compagnies théâtrales menées par des Inuit. De plus, bon nombre d’étudiantes et étudiants inuits ont aussi été embauchés pour appuyer la mise en œuvre du programme.

Le recrutement par les établissements

Heather Igloliorte explique qu’il s’agit d’un programme unique en son genre, puisqu’au lieu de demander aux étudiantes et étudiants d’envoyer leur curriculum vitae aux établissements artistiques, ce sont les établissements qui tentent de les convaincre de joindre leurs rangs – l’inverse d’un processus d’embauche. Les établissements sont prêts à se livrer compétition, car ils savent que les Ilinniaqtuit (« apprenants » en inuktitut) possèdent des perspectives et des talents uniques. Tout le monde en sort gagnant : les étudiantes et étudiants inuits progressent dans leur carrière artistique (l’une d’entre elles et eux occupe maintenant le poste de coprésidente-directrice générale d’Uvagut TV, la première chaîne de télévision nationale en inuktut, tandis que d’autres travaillent dans l’édition de magazines, au sein de troupes de théâtre ou pour des festivals). En outre, les établissements peuvent ajouter une nouvelle voix à la diversité de celles qui les guident. Le programme permet aussi de veiller à ce que les établissements ne puissent pas profiter aux dépens d’un groupe en particulier.

« Les musées ont joué un grand rôle dans l’aliénation des peuples autochtones au Canada, affirme Heather Igloliorte. Ce programme montre comment se réconcilier avec des établissements fondés pendant l’époque coloniale, tout en offrant des manières inédites d’exposer l’art inuit et d’ainsi contribuer à la résurgence de la culture et de la souveraineté inuites. »

Rendez-vous sur le site Inuit Futures (en anglais) pour en savoir plus sur les travaux d’Heather Igloliorte.


Frank Deer
University of Manitoba

Aider les écoles à revitaliser les langues autochtones et à renforcer l’identité culturelle

Les langues autochtones font partie intégrante de l’identité culturelle, mais bon nombre d’entre elles sont à la croisée des chemins : certaines sont rarement parlées et d’autres risquent de disparaître complètement. Il est donc crucial de les enseigner à l’école. Frank Deer, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en éducation autochtone à l’Université du Manitoba, étudie la façon dont les écoles publiques de la province enseignent les programmes de langue, les difficultés auxquelles elles sont confrontées et ce qu’elles peuvent faire pour améliorer leurs programmes d’études.

Il a constaté que de nombreux districts scolaires s’intéressent de plus en plus aux langues autochtones, mais qu’ils ont souvent de la difficulté à concevoir et à mettre en place des programmes. Comme il y a une pénurie d’enseignantes et d’enseignants qualifiés qui maîtrisent ces langues, plusieurs écoles doivent se partager une même personne. Il manque aussi de matériel pédagogique pour les élèves.

Une dimension spirituelle

Si les embûches administratives n’étaient pas surprenantes, Frank Deer a fait un constat inattendu : l’importance de la spiritualité dans les programmes de langues autochtones. Par exemple, en langue crie, on pourrait traduire « Winnipeg » par « eaux boueuses », ce qui témoigne d’un lien fort avec l’écologie des terres et de ce fait, avec le monde spirituel. Les élèves ont plus de facilité à apprendre une langue lorsqu’ils comprennent la signification traditionnelle des mots, plutôt que lorsqu’ils récitent des mots et des phrases.

Selon Frank Deer, pour que les programmes linguistiques prennent de l’expansion, ils doivent être accessibles aux écoles secondaires, et les groupes communautaires doivent proposer aux jeunes des espaces où parler les langues autochtones en dehors de l’école. Il insiste sur le fait que les élèves ont besoin d’une raison pour parler une langue s’ils veulent l’apprendre et conserver leurs acquis.

« Les écoles se trouvent à différentes étapes de ce parcours, indique-t-il. Mais on commence à comprendre que les peuples autochtones font partie intégrante du pays – tout comme leurs langues. »

Consultez le site Web de Frank Deer (en anglais) pour en savoir plus sur ses travaux.

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