Vulnérabilité économique

Kate Choi
Western University

Milieu de vie et bien-être : deux facteurs intimement liés

Les quartiers du Canada ne sont pas tous égaux devant la propagation de la COVID-19

Notre bien-être est tributaire du quartier où nous vivons, un fait particulièrement exacerbé durant la pandémie de COVID-19. Kate H. Choi, directrice du Centre for Research on Social Inequality (en anglais) de la Western University et chercheure financée par le CRSH, s’intéresse à la propagation inégale du virus d’un environnement physique à l’autre et aux raisons pour lesquelles les quartiers défavorisés ont été frappés plus durement.

Pour étudier la question, Mme Choi et son équipe combinent les sources de données « traditionnelles », comme les résultats de recensements, et les « mégadonnées », notamment les taux d’infection à la COVID-19 et le potentiel piétonnier (marchabilité) des quartiers. L’objectif? Répondre aux trois questions suivantes : Qui vit dans les quartiers défavorisés où les commodités sont limitées ou de mauvaise qualité? Quelles sont les conséquences de l’inaccessibilité de logements adéquats ou abordables? Quelle est l’incidence des caractéristiques sociodémographiques d’un quartier sur le bien-être?

Des politiques ciblées en temps de pandémie : une nécessité

Ce n’est pas un secret : la COVID-19 se répand plus rapidement dans les quartiers densément peuplés. Ce que les gens ne savent peut-être pas, c’est que ce facteur n’est pas aussi déterminant dans les quartiers riches que dans les quartiers pauvres. En effet, Mme Choi et son équipe ont découvert qu’à Toronto, le virus se propageait beaucoup plus lentement dans les quartiers riches densément peuplés que dans les quartiers défavorisés de densité comparable. Pourquoi? Probablement parce que ces quartiers riches comptent davantage de copropriétés de luxe, lesquelles sont dotées de meilleurs systèmes de ventilation, se trouvent à proximité de plus de commodités et ont davantage de moyens à consacrer à la désinfection.

Devant ces résultats, Mme Choi appelle à un déploiement plus intelligent des ressources, une stratégie ayant le potentiel d’améliorer la lutte contre les pandémies dans les quartiers défavorisés, où vivent davantage de personnes racisées et d’immigrants.

« Nous ne pouvons plus nous contenter de solutions universelles, affirme-t-elle. Il faut plutôt élaborer des politiques ciblées qui tiennent compte des ressources à disposition des résidents des différents quartiers. »

Pour en savoir plus sur la recherche de Kate Choi, lisez son article dans La Conversation (en anglais).


Hashmat Khan
Carleton University

Modélisation du comportement humain pour prévoir les pandémies

Recours aux données tant épidémiologiques qu’économiques pour mieux prévoir les prochaines vagues de la COVID-19

La COVID-19 n’est pas qu’une crise de santé publique. Elle perturbe également l’économie canadienne de manière considérable, et c’est pourquoi les données épidémiologiques ne suffisent pas à donner une vue d’ensemble de la pandémie. Hashmat Khan, codirecteur du Centre for Monetary and Financial Economics à la Carleton University, met au point de nouveaux outils de modélisation qui examinent à la fois les mesures de santé publique et l’activité économique en lien avec le comportement individuel pour mieux prédire et anticiper l’évolution des pandémies.

Comment peut-on prévoir une pandémie à partir du comportement individuel? Hashmat Khan souligne que les réservations au restaurant ont commencé à chuter à la fin de février et au début de mars 2020, à Toronto, soit bien avant la déclaration de l’état d’urgence sanitaire et la mise en place des mesures de confinement. Les gens changeaient visiblement de comportement, et cela se répercutait sur l’économie; ces changements annonçaient les bouleversements de la première vague de la pandémie de COVID-19.

Une prévision juste

En collaboration avec la Banque du Canada et des chercheurs d’Espagne et de Montréal, le professeur Khan met au point un modèle macroéconomique qui permet d’étudier les politiques économiques et les politiques de santé publique à l’intérieur d’un cadre unifié. En tenant compte de ces deux types de données, son modèle est parvenu à prévoir avec justesse la deuxième vague de la pandémie. Au fil de l’évolution de la pandémie, le chercheur a adapté son modèle aux réalités émergentes du travail à distance, de la disponibilité des vaccins, de la capacité de dépistage, du port du masque et de la reprise de l’activité sociale parallèlement à la réouverture de l’économie.

En tant que partenaire du projet, la Banque du Canada envisage d’utiliser ce modèle dans ses discussions et activités de modélisation internes. Hashmat Khan espère aussi que son modèle aidera les responsables des politiques à voir les prochaines vagues de la COVID-19 d’un autre œil.

À moins de l’écraser rapidement, il sera presque impossible d’empêcher la prochaine vague pense Hashmat Khan, pour qui le dépistage précoce et la réactivité des individus et du public sont les seuls moyens d’aplatir la courbe.

On peut consulter la page de Hashmat Khan dans le site Web de la Carleton University (en anglais) pour en savoir plus sur ses travaux.


Lesley Frank
Acadia University

Les nourrissons canadiens risquent d’avoir faim

Comment l’insécurité alimentaire touche-t-elle les bébés canadiens?

Le risque d’insécurité alimentaire est-il plus élevé chez les enfants de moins de deux ans? Voici la question à laquelle Lesley Frank, titulaire de la chaire de recherche du Canada en alimentation, santé et justice sociale de l’Acadia University, s’efforce de répondre. Elle souhaite brosser un portrait plus large de l’insécurité alimentaire dans la petite enfance et des facteurs systémiques qui entravent la capacité des mères à nourrir leur bébé.

Puisque l’insécurité alimentaire est liée à de nombreux autres facteurs, tels que le coût du logement et le revenu, Lesley Frank collabore avec des chercheures et chercheurs œuvrant dans plusieurs domaines, dont la sociologie, la nutrition, l’économie et les études sur le genre. Ses travaux abordent un large éventail de sujets. Dans une étude, elle a dressé le portrait de l’économie informelle de la nourriture pour bébé en étudiant les annonces publiées par les personnes qui achètent, vendent, échangent et donnent ce type de produit en ligne. Dans le cadre d’une étude économique fondée sur le coût réel des aliments, elle a comparé différents scénarios auxquels pourraient faire face des familles à faible revenu qui ont un bébé à nourrir quant aux coûts nécessaires pour répondre aux besoins nutritionnels de leur nourrisson.

Les familles à faible revenu sont en difficulté

Les recherches de la professeure Frank lui ont permis de découvrir que certaines familles à faible revenu n’ont pas les moyens de satisfaire aux besoins nutritionnels de base de leur bébé, peu importe que ce dernier soit nourri au sein ou à la préparation pour nourrisson. Elle a également appris que certaines mères choisissent d’allaiter parce que les préparations pour nourrisson sont trop chères, tandis que d’autres ajoutent de l’eau à ces préparations pour qu’elles durent plus longtemps. En outre, certaines mères s’inquiètent de la qualité de leur lait maternel parce qu’elles ne s’alimentent pas assez sainement. Il s’avère par ailleurs que la préparation pour nourrisson est difficile à trouver en banque alimentaire et que c’est l’un des produits alimentaires les plus volés au Canada.

Lesley Frank estime que l’insécurité alimentaire des nourrissons est inexcusable et affirme qu’il serait possible d’y mettre fin en créant des conditions socioéconomiques visant à optimiser l’alimentation des nourrissons, notamment en veillant à ce que les familles aient accès à des congés parentaux adéquats et à d’autres mesures de soutien au revenu.

Pour en apprendre davantage sur les travaux de Lesley Frank, on peut visionner la bande-annonce de son livre Out of Milk (en anglais).

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