Lauréate de la Médaille d’or 2021 : Lynne Viola

Vidéo : Lynne Viola - Médaille d'Or - Prix Impacts 2021

Transcription

Lynna Viola :

Ce qui me motive, c’est surtout de savoir comment les choses se font. Je veux connaître les mécanismes, les mécanismes de la répression par exemple. Comment l’État soviétique a-t-il pu mener ces campagnes de répression massives dans les années 1930? Comment a-t-il pu faire accepter ces politiques horribles par le peuple? Je suis un véritable rat de bibliothèque et j’adore fouiller dans les archives et découvrir ces mécanismes. C’est avec modestie que j’accepte ce prix, mais je le trouve également un peu étonnant étant donné qu’il est tellement difficile de mesurer les impacts en sciences humaines. Il demeure que c’est certainement le couronnement de ma carrière.


L’obtention de la bourse Guggenheim (2003), au début de sa carrière, s’est révélé un indicateur fort de la réussite universitaire extraordinaire à venir de Lynne Viola. Depuis, les prix Molson du Conseil des Arts du Canada (2018), le prix Killam (2019) et la médaille Pierre-Chauveau de la Société royale du Canada (2019) se sont ajoutés à une longue liste de récompenses nationales et internationales prestigieuses.

Et pourtant, la professeure affirme que ce ne n’est jamais vraiment naturel pour elle de recevoir de tels honneurs : « Pour être honnête, cela me choque toujours et me fait me sentir indigne. Mais en même temps, je suis très reconnaissante. »

Cette reconnaissance traduit également les sentiments des nombreuses personnes qui ont été influencées de manière positive par ses recherches novatrices sur l’histoire politique et sociale de la Russie au 20e siècle. Les hommages et les distinctions de certains des plus grands universitaires d’Amérique du Nord créditent ses études du stalinisme et ses recherches d’archives révolutionnaires sur la répression soviétique. Les personnes qui ont proposé sa candidature pour la Médaille d’or la décrivent comme « tout simplement la plus grande autorité vivante au monde sur la collectivisation et la paysannerie soviétique, et plus généralement une éminente spécialiste du stalinisme ».

Menées en partenariat avec des universitaires russes et ukrainiens, ses recherches ont révélé des documents, jusqu’alors secrets, sur la dynamique et l’ampleur de la répression d’État durant les violentes campagnes conduites dans les années 1930 par Josef Staline, qui ont entraîné le déplacement forcé de millions de personnes vers des colonies spéciales et des camps de travail, ainsi que la mort de centaines de milliers d’innocents. Ses publications ont fait état du soutien des travailleurs industriels au régime en place et de la résistance massive des paysans, en se concentrant particulièrement sur le genre, la ruralité et la violence, ainsi que sur les exécutants de la police. Stalinist Perpetrators on Trial, son dernier livre (2017), a été salué dans le monde entier et a reçu de nombreux prix.

Ses recherches ont démontré l’impact réel de ces atrocités. Elles garantissent que ce chapitre tragique de l’histoire autoritaire ne pourra plus jamais être enterré par les régimes répressifs et que les vérités historiques resteront à jamais dans le domaine public. Les connaissances spécialisées qui en résultent ont été d’une valeur inestimable pour d’innombrables étudiantes, étudiants, doctorantes et doctorants auxquels elle a enseigné et qu’elle a encadrés au fil des ans, et dont beaucoup occupent aujourd’hui des postes dans les domaines de l’histoire de la Russie et de l’Europe de l’Est au Canada et à l’étranger.

Née aux États-Unis, possédant la double nationalité américaine et canadienne, et reconnaissante envers son pays d’adoption, Lynne Viola a commencé sa carrière universitaire en préparant un diplôme de premier cycle en psychologie. Intéressée par l’histoire de la Russie depuis la lecture du roman Crime and Punishment de Fyodor Dostoïevski à l’école secondaire, elle attribue à ce livre le premier contact avec la Russie. Mais elle pensait qu’elle ne pourrait poursuivre l’étude de ce sujet que si elle apprenait la langue russe. Après y être parvenu, elle a écrit cinq livres et 30 articles, en plus d’éditer ou de coéditer 18 autres livres sur des sujets liés à l’ère stalinienne.

Elle est arrivée au bon moment de l’histoire pour avoir le plus grand impact dans son domaine.

« J’ai eu beaucoup de chance, car les archives ont commencé à s’ouvrir pendant la perestroïka, et les archives sont mon élément. J’ai participé à un projet dans les années 1990 avec un groupe d’historiens russes renommés – des vétérans de la Seconde Guerre mondiale, des réformateurs de l’ère Khrouchtchev et des historiens agraires – qui voulaient publier des documents classifiés pour empêcher un autre régime dictatorial de falsifier l’histoire. »

Elle a mené une brillante carrière à l’University of Toronto. Elle est considérée, et ce n’est pas un hasard, comme une cheffe de file mondiale en études russes. Elle est particulièrement reconnaissante au CRSH pour le soutien apporté à sa recherche au fil des ans. Elle croit que le CRSH donne aux chercheures et chercheurs du Canada un avantage sur le plan mondial.

« Il n’y a rien de tel en Amérique du Nord ou dans la plupart des pays du monde. Le CRSH est un organisme magnifique. »

Elle croit que l’ouverture des sociétés passe par l’appui aux sciences humaines.

« Si vous voulez maintenir une démocratie, vous avez besoin des sciences humaines. »


Au sujet des prix Impacts

Décernés chaque année, les prix Impacts visent à souligner les meilleures réalisations ayant émané d’activités de recherche et de mobilisation des connaissances que le CRSH a financées, ainsi que les meilleures réalisations ayant découlé de l’attribution d’une bourse du CRSH.

La Médaille d’or représente la plus haute distinction que le CRSH puisse décerner. Cette médaille est remise à une personne dont le leadership, le dévouement et l’originalité de la pensée inspirent aussi bien les étudiantes et les étudiants que ses collègues.

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