Entrevue avec Justin Piché
Les murs des prisons ne servent pas seulement à empêcher les prisonniers de fuir, ils sont aussi là pour empêcher les gens d’y entrer.
La question plus générale qui est au cœur de mes travaux est de savoir si les idées véhiculées dans la société justifient le recours à l’incarcération et à d’autres mesures coercitives.
Kevin Walby, un collègue de l’University of Victoria, et moi-même étudions le phénomène des musées pénitentiaires comme étant une forme de culture populaire qui donne une idée très forte de ce qu’est l’incarcération. Quand je pense aux musées pénitentiaires, j’imagine par exemple Alcatraz, le plus célèbre pénitencier des États-Unis. Au Canada, il y a des endroits comme le musée pénitentiaire fédéral de Kingston. Ces établissements ont été vus dans des films comme La ligne verte et À l’ombre de Shawshank et des émissions de télévision comme Oz et La grande évasion.
Souvent, c’est tout ce que les gens connaissent des prisons.
Nous devrions nous intéresser aux représentations culturelles, car elles influencent notre perception des choses ainsi que notre manière de penser et qu’elles ont un impact sur notre façon de concevoir les méfaits et les conflits criminalisés et d’y réagir. Il est important de comprendre nos façons d’agir plutôt que de tenir pour acquis que ces établissements existent.
Je travaille aussi sur un projet qui concerne la géographie pénitentiaire de Kingston. J’espère découvrir pourquoi la majorité des pénitenciers fédéraux de l’Ontario ont été bâtis à Kingston. J’étudie la façon dont l’architecture de ces établissements a influencé la vie des prisonniers et du personnel des prisons. Je m’intéresse aussi à l’impact que ces lieux ont eu sur l’identité régionale de Kingston.
Dans le cadre de mes travaux, j’essaie de savoir pourquoi on ne remet pas en question l’existence des prisons. Ces établissements ont souvent été incapables d’atteindre leurs objectifs. Pourquoi cet état de fait n’a-t-il pas incité les gens à se questionner davantage sur le bien-fondé de ces établissements dans la société?
J’ai le privilège de collaborer à la revue Journal of Prisoners on Prisons, qui vise à présenter les expériences de prisonniers selon leur propre point de vue. Je pense que cette revue nous donne la chance de comprendre ce qui se passe à l’intérieur des murs.
J’espère que ma recherche permettra d’alimenter les discussions et de faire avancer le débat public, qu’elle permettra de réfléchir sur ce qui est actuellement considéré comme criminel et condamnable. Peut-être que cela ouvrira la voie à de nouvelles façons de concevoir ces questions et d’y réagir différemment.
Je suis extrêmement fier d’avoir reçu le prix Aurore du CRSH. Je me sens honoré d’être reconnu par mes collègues des sciences humaines.
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