Explorer l’identité métisse par la narration numérique
Partager la culture entre les générations
Des participantes et participants à une projection de narrations numériques dans le cadre de la célébration du patrimoine et de l’histoire des Métis lors des « Back to Batoche Days ».
Photo : Chelsea Gabel
L’identité est un élément clé de la culture métisse; sa transmission de génération en génération est essentielle au maintien de la vitalité culturelle. Née et élevée au Manitoba, Chelsea Gabel, titulaire de la chaire de recherche du Canada en bien-être autochtone, en engagement communautaire et en innovation à la McMaster University et citoyenne de la Fédération des Métis du Manitoba, utilise la narration numérique pour favoriser ce type de transfert culturel.
Cette approche réunit plusieurs générations dans le partage de connaissances et d’expériences. Elle permet également de mieux comprendre la conception que les Métis ont de leur propre identité, qui est trop souvent mal comprise, en partie à cause du manque de recherches sur leur santé et bien-être.
« Je voulais examiner ce que signifie être Métis aujourd’hui et déterminer certains marqueurs clés de la parenté qui font de nous des Métis à part entière », explique la chercheuse.
Des survivantes et survivants métis du cancer dans le nord de la Saskatchewan créent leurs histoires dans le cadre d’une formation sur la narration numérique lors des journées « Back to Batoche ».
Photo : Chelsea Gabel
Comprendre la santé et le bien-être des Métis aujourd’hui
Bien que la recherche sur les Autochtones ait fait l’objet d’une attention accrue au cours des dernières années, il existe encore très peu de recherches précises sur la santé et le bien-être des Métis. Si ces derniers sont pris en compte dans ce type de recherche, ils sont généralement inclus dans la rubrique « Autochtones ».
« Nous devons nous éloigner des approches panautochtones », dit-elle. Beaucoup de gens utilisent le terme « autochtone » comme synonyme de « Premières Nations », mais nous ne sommes pas tous pareils. Nous sommes un peuple à part entière, avec des besoins qui nous sont propres.
Pour Mme Gabel, le fait que sa propre fille (aujourd’hui âgée de 11 ans) grandisse en étant fière de son héritage métis vient souligner l’importance de la transmission des connaissances culturelles d’une génération à l’autre. Son travail porte sur la façon dont les relations entre les générations contribuent à bâtir des communautés métisses fortes et saines. Grâce à une subvention Savoir du CRSH obtenue en 2018, elle a réuni une équipe entièrement composée de Métis afin de documenter et de partager leurs histoires dans l’ensemble de la patrie métisse.
Des liens étroits avec la nourriture, la famille et la terre
We Know Who We Are est un projet de narration numérique qui explore la compréhension intergénérationnelle de l’identité et du bien-être des Métis dans une collection de vidéos de trois à cinq minutes. Cinq jeunes, cinq adultes et cinq personnes âgées, tous métis, ont participé au projet. En partenariat avec StoryCentre Canada (en anglais), Mme Gabel et son équipe ont interrogé des participantes et participants pour découvrir les histoires à raconter, leur ont appris à utiliser un logiciel de montage vidéo et les ont rencontrés chaque semaine pour vérifier leurs progrès.
Bien que les histoires finales soient toutes différentes, plusieurs thèmes clés ont émergé, notamment la nourriture, la famille, la survie, la résistance et l’attachement à des lieux et à des espaces significatifs. Dans ces histoires, les participantes et participants ont parlé de l’incompréhension de leurs camarades de classe et de leurs professeures et professeurs, des liens avec la terre, des histoires échangées autour de la table, et de bien d’autres choses encore.
« Presque toutes les histoires étaient liées d’une manière ou d’une autre à la terre natale des Métis, explique-t-elle. Cela a vraiment mis en évidence notre lien avec la terre, malgré le fait que nous soyons souvent considérés comme un peuple “sans terre”. »
Lieu de sépulture du leader Métis Louis Riel, cimetière de la Cathédrale Saint-Boniface, Winnipeg (Manitoba)
Photo : Chelsea Gabel
Faire progresser la recherche fondée sur les distinctions
Le projet a été présenté aux Back to Batoche Days (en anglais), une célébration du patrimoine et de l’histoire des Métis qui a lieu chaque année en Saskatchewan et qui accueille des participantes et participants du monde entier. Le projet a également été partagé avec des membres du gouvernement métis et d’autres gouvernements.
Mme Gabel espère que les récits pourront être utilisés par les responsables politiques et les décisionnaires afin d’éclairer le développement de pratiques et de ressources en matière de santé et de recherche qui soient culturellement sûres. Ils pourraient également contribuer à la création de programmes intergénérationnels plus efficaces au sein de la Nation métisse, en permettant aux différentes générations de se rencontrer et d’apprendre les unes des autres.
Depuis le projet initial, Mme Gabel et son équipe ont utilisé une approche similaire pour la narration numérique avec des survivantes et survivants métis du cancer dans le nord de la Saskatchewan. Cette approche pourrait également être utilisée dans d’autres contextes.
« Ces récits numériques sont très puissants, explique-t-elle. Ils permettent aux gens de participer de manière importante à la recherche et peuvent même devenir un héritage enregistré qui sera transmis aux enfants et aux petits-enfants après la disparition de la personne concernée. »
Pour soutenir davantage la recherche fondée sur les distinctions, elle a également codirigé, avec la chercheuse métisse Caroline Tait (en anglais) de l’University of Calgary et le chercheur métis Robert Henry (en anglais) de l’University of Saskatchewan, l’élaboration de principes de gouvernance de la recherche et des données sur la santé propres aux Métis, à l’intention de toutes celles et de tous ceux qui recueillent, utilisent, partagent ou détiennent des données sur les Métis. Jusqu’à présent, les chercheuses et chercheurs travaillant avec des Métis appliquaient généralement les principes de propriété, de contrôle, d’accès et de possession (PCAP) des Premières Nations. Mme Gabel explique que, grâce à ces nouveaux principes, des outils de recherche, des cadres et des lignes directrices plus spécifiques aux Métis peuvent être élaborés, ce qui permettra aux Métis de participer plus pleinement à des recherches distinctes de celles concernant les Premières Nations et les Inuit.