Réinstallation et intégration

Comment les familles syriennes réfugiées vivent leur réinstallation au Canada

Femme qui fait partie d’une famille syrienne arrivée au Canada dans le cadre de l’Initiative de réinstallation des réfugiés syriens et qui participe au projet RISE: Refugee Integration, Stress, and Equity, financé par le CRSH.

Photo : Neda Maghbouleh

En tant que pays, nous présumons que nous avons une attitude positive à l’égard de l’immigration, mais les personnes réfugiées et les autres qui arrivent au Canada se sentent-elles accueillies et développent-elles un sentiment d’appartenance? Ces personnes font face, à des degrés divers, à de la stigmatisation et de la discrimination, mais il y a des aspects encore plus profonds, systémiques — qui ont trait au logement et à la santé par exemple – qui peuvent rendre leur réinstallation difficile.

Neda Maghbouleh, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la migration, la race et l’identité et professeure agrégée de sociologie au campus de Mississauga de l’University of Toronto, examine comment les familles qui sont venues ici dans le cadre de l’Initiative de réinstallation des réfugiés syriens construisent leur identité tout en s’attaquant aux défis que pose le fait de s’adapter à une nouvelle vie au Canada.

Selon de récents sondages, les Canadiennes et les Canadiens n’ont jamais eu une attitude aussi positive à l’égard de l’immigration, mais ce n’est là qu’un élément : une attitude positive n’est pas à elle seule un gage d’intégration réussie.

Dynamiques familiales complexes

Si Neda Maghbouleh est née et a grandi aux États-Unis, sa famille a quitté l’Iran dans les années 1960 et 1970, et cela a suscité chez elle des questions qui l’ont intriguée  tout au long de ses études et ont contribué à sa décision de déménager au Canada.

Après avoir obtenu un doctorat en sociologie de l’University of California, Santa Barbara, elle a décroché un poste de professeure adjointe de sociologie à l’University of Toronto. Elle  a participé à un premier projet financé par le CRSH à titre de cochercheure et, dans ce rôle, a réuni une équipe en mesure de bien communiquer avec les nouvelles arrivantes et nouveaux arrivants syriens tant sur le plan culturel que linguistique. Pouvoir mener des entrevues en langue arabe a procuré des avantages considérables, estime-t-elle, car l’équipe a ainsi pu établir des liens très profonds en peu de temps.  

Au départ, ce n’était qu’une modeste subvention de projet pilote, et les ressources étaient limitées. Elle savait que ce qui serait le plus profitable serait de s’adresser aux mères : fenêtre ouverte sur toute la famille, la mère est celle qui peut le mieux décrire comment vont tous ses membres et elle a une vue d’ensemble des tensions qui existent.

Les membres de l’équipe RISE dirigée par Neda Maghbouleh (quatrième à partir de la droite) en 2019.

Photo : Neda Maghbouleh

Ayant obtenu par la suite une subvention Savoir du CRSH, Neda Maghbouleh a pu créer l’équipe RISE : Refugee Integration, Stress, and Equity et élargir ses recherches de manière à inclure les enfants adolescents de ces mères. En parlant à deux générations d’une même famille, l’équipe a eu accès à des observations différentes et à des points de vue intéressants.

Adaptation à la vie au Canada

À sa grande surprise, les familles ont dit avoir relativement peu souvent subi de la discrimination ou le jugement d’autrui ou avoir eu des interactions difficiles avec les services au public. Il est devenu évident, cependant, que bon nombre de personnes réfugiées affrontent des problèmes graves, interreliés, notamment des troubles de santé importants (dont des traumatismes physiques ou mentaux qui ont souvent été causés ou exacerbés par la guerre ou d’autres facteurs ayant entraîné la migration), sans compter les problèmes de logement.

La crise du logement, qui s’intensifie dans les villes canadiennes, a d’énormes répercussions sur les personnes nouvellement arrivées, qui doivent composer avec des logements surpeuplés ou inadéquats, voire l’expulsion.

Ce qui fait dire à Neda Maghbouleh que, peu importe la chaleur de l’accueil, si les personnes qui arrivent doivent vivre dans des conditions médiocres, cela ne peut qu’empirer leur situation et mener à la catastrophe.

La pandémie de COVID-19 a fait ressortir et aggravé ces conditions, obligeant les familles à rester chez elles dans des logements exigus. Leur stress a augmenté leur isolement, leur bien-être a diminué et leur sentiment d’appartenance aussi.

Des récits captivants

Après avoir mené trois séries d’entrevues, Neda Maghbouleh et son équipe ont maintenant quitté le terrain et procèdent à l’analyse des données. Les membres de l’équipe ont déjà publié des articles et présenté des communications sur les constatations préliminaires. À l’occasion de la Journée mondiale des réfugiés 2019, Neda Maghbouleh a été invitée à faire part de ses observations concrètes à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada.

Elle estime que les récits de ces personnes réfugiées pourraient captiver un auditoire beaucoup plus vaste et devraient être présentés à l’extérieur du monde universitaire et des milieux gouvernementaux. Les nuances et les détails de ces expériences familiales universelles et des relations déterminantes nouées avec le voisinage, les enseignantes et enseignants et les autres parents forment une courtepointe dans laquelle l’ensemble des Canadiennes et des Canadiens peuvent se reconnaître.

Une retombée optimale de ses travaux, pense-t-elle, serait que les personnes immigrantes et réfugiées d’aujourd’hui et de demain vivent des expériences bien meilleures au Canada.

Les migrations forcées qu’entraînent les changements climatiques et l’instabilité politique continueront de donner naissance à des vagues de personnes migrantes qui ont un droit fondamental à un endroit sûr où vivre. Neda Maghbouleh espère vraiment que ses travaux pourront contribuer à tracer de meilleures voies pour celles et ceux qui viendront au Canada.

Pour en savoir plus

Pour en savoir plus sur les travaux de Neda Maghbouleh, on peut consulter la page Refugee Integration, Stress, and Equity dans le site Web de l’University of Toronto.