Un avenir durable pour les quartiers et les villes
Pourquoi la collaboration transdisciplinaire est essentielle à l’atteinte des objectifs de carboneutralité au Canada et ailleurs
Ursula Eicker, cofondatrice de l’Institut des villes nouvelle génération, et Michael Bossert, chef, Innovation en recherche et développement des affaires, devant le mur de visualisation utilisé pour concevoir la plateforme ludifiée de simulation urbaine, outil fondamental de l’Institut.
Photo : Ivona Bossert
Les objectifs de carboneutralité sont difficiles à atteindre en partie parce que les gouvernements ont peu d’autorité et de contrôle sur les plus grands producteurs de carbone, à savoir les villes. La coordination et la collaboration des responsables des immeubles et des infrastructures est essentielle à l’atteinte des ambitieux objectifs de carboneutralité. Le défi consiste à déterminer les mesures intégrées qui sont nécessaires et à réunir les parties prenantes pour les mettre à exécution.
Ursula Eicker, titulaire de la Chaire d’excellence en recherche du Canada sur les collectivités et les villes intelligentes, durables et résilientes de l’Université Concordia et cofondatrice de l’Institut des villes nouvelle génération, s’emploie à trouver des solutions. Elle examine ce qui contribue à l’empreinte carbone d’une ville, dans le but de donner aux parties prenantes les outils et les stratégies qui les aideront à transformer leurs quartiers et leurs villes et à les mettre sur la voie d’un avenir durable.
Très souvent, les gens travaillent en silo : les promoteurs immobiliers se soucient de construction, les urbanistes, de transport, mais il ne faut pas perdre de vue la perspective d’ensemble, estime-t-elle. Il faut considérer les interrelations entre la conception des collectivités et des immeubles et la manière dont elle influe sur notre comportement en matière de mobilité.
Une stratégie en deux volets pour une action intégrée
Le projet d’Ursula Eicker, qui porte sur plusieurs années, associe la théorie et la pratique pour promouvoir une action intégrée. Il comporte, entre autres, la mise au point d’outils de modélisation qui peuvent simuler les impacts de différents facteurs (comme l’ajout ou la suppression d’immeubles) sur l’empreinte carbone.
Des outils similaires existent, mais celui-ci regroupe de multiples outils de modélisation au sein d’une seule et même plateforme, ce qui permet de faire des simulations intersectorielles. Il est ainsi possible de modéliser les interactions entre les immeubles, les réseaux de transport, la production de déchets et d’autres secteurs pour obtenir une idée plus complète des répercussions d’une mesure de réduction des émissions de carbone sur tout un quartier ou toute une ville.
Les stratégies élaborées par Ursula Eicker et son équipe pour obtenir la collaboration transdisciplinaire nécessaire à la transformation d’une ville entière sont tout aussi importantes. Grâce à cette composante, le projet n’est pas que théorique – car, compte tenu de la crise climatique actuelle, on ne peut attendre pour agir. À son avis, on peut discuter de ce que seraient les meilleurs indicateurs et écrire là-dessus pendant dix ans encore, mais cela ne changera rien : il faut établir des partenariats pour faire bouger les choses.
Les stratégies et outils de simulation de l’équipe ont déjà des effets tangibles au Canada, ayant contribué à la réduction des émissions de carbone dans l’écoquartier Lachine-est (projet de développement durable d’un quartier patrimonial industriel sur le canal de Lachine) et le secteur revalorisé Bridge-Bonaventure et de la Pointe-du-Moulin, à Montréal.
Perspectives mondiales sur les mesures en faveur du climat
La nécessité d’une collaboration transdisciplinaire pour rendre les villes vertes, carboneutres, inclusives et abordables est un principe clé au cœur des travaux d’Ursula Eicker. De la même manière, face à une crise mondiale, les mesures en faveur du climat nécessiteront la collaboration et l’échange des connaissances entre les pays et les continents pour réduire les émissions de carbone à des niveaux soutenables.
Ursula Eicker (robe jaune) et quelques-uns de ses étudiants et étudiantes ainsi que des étudiants et étudiantes en génie de l’Université Concordia en visite au projet de l’écoquartier Lachine-est. En présence de Maja Vodanovic, mairesse de Lachine, à droite (robe rouge).
Photo : Archives CERC
Ursula Eicker fait bénéficier le projet de son riche bagage : elle est titulaire d’un doctorat en physique obtenu en Écosse, a mené des recherches sur les systèmes d’énergie renouvelable et l’efficacité énergétique des bâtiments en Allemagne et a acquis une expérience dans l’industrie en France, en conception de modules solaires à couches minces. Son équipe aussi est transdisciplinaire et comprend 50 étudiantes et étudiants des cycles supérieurs et chercheures postdoctorales et chercheurs postdoctoraux, surtout étrangers, en génie, informatique, sciences naturelles, économie et autres sciences humaines ainsi qu’en arts. Toutes et tous œuvrent à l’élaboration d’une approche universelle et inclusive du développement urbain durable.
Des perspectives aussi diversifiées peuvent aider à repérer les angles morts en ce qui concerne les mesures à prendre en faveur du climat. S’agissant du Canada, Ursula Eicker a été surprise de constater à quel point les infrastructures d’énergie renouvelable y sont centralisées, ce qui n’est pas le cas en Europe, où la décentralisation et une combinaison d’énergie solaire et d’énergie éolienne sont la norme. À titre d’exemple, dans plusieurs provinces canadiennes, l’électricité est produite par des centrales qui sont loin des grands centres urbains, et les systèmes solaires photovoltaïques demeurent rares. Cette situation crée un goulet d’étranglement qui empêche un approvisionnement résilient en énergie quand s’ajoutent d’autres facteurs, tels que des bâtiments inefficaces qui ont besoin de mise à niveau et la hausse de la demande d’électricité dans le secteur du transport.
En faisant fond sur les enseignements tirés ailleurs, les pays pourront planifier et édifier des villes nouvelle génération qui seront carboneutres. Des villes comme Copenhague, Amsterdam et Barcelone ont fait d’importantes avancées en ce sens en misant sur la mobilité active ou publique, en mettant en place des zones à faibles émissions, en intégrant les systèmes d’énergie renouvelable, en valorisant leurs déchets et en finançant d’ambitieux programmes de mise à niveau des bâtiments.
Qu’est-ce que cela veut dire pour le Canada? D’importants changements sont nécessaires en ce qui concerne les infrastructures, la conception des villes et la participation des citoyens, selon Ursula Eicker : quand on pense aux solutions de rechange, on veut voir davantage de quartiers verts, abordables, carboneutres, où il fait bon marcher et où la collectivité participe activement au processus de transformation.