Des archives uniques sur l’évolution de l’humanité

Enseignements tirés de la plus vieille grotte habitée au monde

Les fouilles internationales menées à la grotte de Wonderwerk, dans le désert du Kalahari en Afrique du Sud, ont permis de découvrir les plus anciennes preuves d’activité humaine (fabrication d’outils et utilisation du feu) remontant à près de deux millions d’années.

Photo : Michael Chazan

L’archéologie est une fenêtre ouverte sur le passé, mais qui peut aussi éclairer le présent et l’avenir, sur des sujets allant de l’alimentation aux répercussions des changements climatiques. Michael Chazan, directeur fondateur du centre d’archéologie de l’University of Toronto, codirige une équipe qui étudie la grotte de Wonderwerk et le site minier Kathu Pan 1, en Afrique du Sud. L’équipe s’intéresse à la façon dont les humains interagissaient avec le monde il y a un million d’années et à ce que ces interactions peuvent nous apprendre sur le monde d’aujourd’hui.

Toute l’histoire de l’humanité sur un seul site

Michael Chazan explique que, lorsqu’il a visité pour la première fois la province du Cap-Nord en Afrique du Sud, il y a 20 ans, chaque site de fouille lui semblait encore plus incroyable que le précédent. Il s’est alors dit que ce serait un endroit merveilleux où pratiquer l’archéologie. 

Stalagmite à l’entrée de la grotte de Wonderwerk.

Photo : Michael Chazan

Il a réuni à la grotte de Wonderwerk une équipe internationale qui comprend des archéologues ainsi que des physiciens, des biologistes, des botanistes et des zoologues, afin d’avoir un éventail de points de vue sur des questions importantes. Leur travail consiste à fouiller la terre à la recherche d’artefacts et à réaliser des analyses poussées pour établir un cadre chronologique permettant de replacer ces objets dans l’histoire.

La grotte de Wonderwerk, estime-t-il, nous fait découvrir l’entièreté de la présence humaine sur la planète, des tout premiers outils de pierre et de l’utilisation du feu jusqu’à la vie coloniale au 19e siècle.

De nouvelles découvertes qui modifient la compréhension

En partie financés par une subvention Savoir du CRSH, les travaux sur le terrain de Michael Chazan et de son équipe durent depuis cinq ans. Le projet lui-même remonte à une quinzaine d’années et fait fond sur de nombreuses fouilles effectuées auparavant. En documentant et en datant les artefacts des sites de Wonderwerk et de Kathu Pan, l’équipe prouve que les humains adaptent le monde à leurs besoins depuis plus longtemps qu’on ne le croyait.

Selon Michael Chazan, les gens ont tendance à penser que la fracture entre le monde « naturel » et le monde « artificiel » est relativement récente, alors qu’en réalité, les humains fabriquent et utilisent des objets depuis des millions d’années.

Son équipe a notamment découvert des preuves d’occupation humaine remontant à aussi loin que deux millions d’années, ce qui fait de Wonderwerk la plus ancienne grotte connue au monde à avoir été habitée par des humains. Les archéologues y ont trouvé des lances munies de pointes en pierre datant de 500 000 ans, ce qui précède toute utilisation connue par les humains d’un outil comportant plusieurs parties. 

Journée musicale à l’entrée de la grotte de Wonderwerk, dans le cadre d’une activité organisée pour présenter le site aux habitants de la ville voisine.

Photo : Michael Chazan

Toutefois, la découverte la plus surprenante faite par les chercheurs est la preuve de l’utilisation du feu il y a un million d’années, soit beaucoup plus tôt qu’on ne le croyait. Michael Chazan avait mis en doute des indices précédents suggérant que les humains utilisaient le feu il y a aussi longtemps, mais il estime que les cendres découvertes par un collègue dans la grotte de Wonderwerk constituent une preuve irréfutable. D’ailleurs, il se réjouit de s’être trompé.

Cette preuve a, d’après lui, fait reculer l’estimation du moment où les humains avaient les capacités cognitives nécessaires pour créer ce genre d’outils et utiliser du feu. Les différences de datation entre  l’Europe et l’Afrique montrent à quel point tout s’est passé beaucoup plus tôt en Afrique et que cela a donné le ton à l’évolution du reste du monde.

Ces découvertes sont importantes en elles-mêmes, mais elles ont également des répercussions sur notre compréhension de l’humanité d’aujourd’hui. L’utilisation du feu et des lances si tôt dans l’histoire modifiera peut-être la façon dont nous concevons l’alimentation des humains du paléolithique, ce qui pourrait influencer la science actuelle de la nutrition. Les preuves de la présence d’eau autour du bassin du Kalahari jusqu’à plus récemment qu’on ne le croyait pourraient apporter une vision nouvelle des changements climatiques antérieurs et aider les spécialistes à mieux comprendre et prévoir les changements à venir.

Bien plus qu’une fouille

Outre ces travaux scientifiques, Michael Chazan et son équipe travaillent étroitement avec les administrations locales, les écoles et les groupes communautaires. Ils ont parrainé des spectacles de théâtre dans des écoles secondaires et ont appuyé des initiatives en éducation, dont des occasions de travaux sur le terrain pour les étudiants des universités locales. Ces collaborations permettent à l’équipe de se familiariser avec la connaissance que les habitants ont de leur région et de s’assurer que les travaux tiennent compte des croyances et des intérêts locaux tout en favorisant l’appropriation par les collectivités de leur héritage culturel.

Michael Chazan estime que c’est un grand privilège que de pouvoir consulter ces archives uniques de l’expérience humaine, et qu’il est par conséquent important de connaître les intérêts locaux et de les servir.

Pour en savoir plus

Pour en savoir plus, on peut consulter le site Web du projet de recherche de la grotte de Wonderwerk (en anglais), qu’une équipe locale dirigée par des Sud-Africains est en train de remanier.