Comment aménager des espaces sécuritaires pour les personnes 2SLGBTQ?

Le drapeau arc-en-ciel ne suffit pas

Groupe de chercheurs en études LGBTQ collaborant à divers projets en Catalogne. Ici, un atelier qui a porté sur l’utilisation de la poésie pour faire connaître le vécu des personnes LGBTQ. (Robert Mizzi est le troisième à partir de la droite.)

Photo : Sebastià Portell 

Chaque été, des organisations partout au Canada apposent fièrement un arc-en-ciel à leur logo et annoncent qu’elles s’engagent à soutenir la communauté 2SLGBTQ. Cependant, aussitôt les célébrations locales de la Fierté terminées, combien d’entre elles honorent ces engagements et s’emploient à instaurer un réel changement?

Selon Robert Mizzi, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la sensibilisation aux personnes allosexuelles, à la communauté et à la diversité et professeur agrégé à la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université du Manitoba, pour créer une organisation réellement inclusive, il ne suffit pas d’agiter un drapeau et d’embaucher davantage de personnes de la communauté 2SLGBTQ. Ses propres expériences en tant qu’enseignant gay un peu partout dans le monde lui ont révélé l’importance non seulement des comportements individuels, mais aussi des espaces et des systèmes organisationnels.

Il dit s’être rendu compte que très peu de dirigeants d’organisation percevaient les espaces comme pouvant être oppressants. Ils comprennent la nécessité de la diversité et de l’inclusion, mais ils ne réfléchissent pas aux édifices mêmes et ne se demandent pas comment ils pourraient être utilisés pour créer des espaces propices au dialogue. 

Comment l’espace peut teinter l’expérience

Ces préoccupations, que Robert Mizzi nomme « justice spatiale », peuvent avoir d’énormes répercussions sur le sentiment de sécurité des personnes.

Par exemple, si une école adopte des politiques dans l’ensemble inclusives mais ne dispose pas de toilettes non genrées, les personnes transgenres et non binaires pourraient ne pas s’y sentir réellement en sécurité ou encore ne pas se sentir à leur place dans cette école, ce qui au fil du temps aura un effet sur leur apprentissage et leur socialisation. Si une autre école accepte officiellement l’existence d’une alliance genre-sexualité, mais n’offre au groupe qu’une petite pièce dans le sous-sol pour de rares réunions, et qu’elle appuie le drapeau arc-en-ciel et d’autres manifestations de soutien visibles uniquement pendant le mois de la Fierté, elle n’est pas réellement inclusive.

Pour créer des espaces véritablement sécuritaires et inclusifs, avance le chercheur, une organisation doit non seulement faire preuve d’un soutien social, mais également rendre accessibles des infrastructures adaptées et tenir activement compte de la justice spatiale dans la façon dont elle aménage ses espaces et privilégie et répartit leur usage.

Faire progresser l’inclusion

Collage d’origamis d’un enseignant du Royaume-Uni en poste dans une école japonaise, qui a participé au projet que Robert Mizzi a mené, avec une subvention du CRSH, auprès d’enseignants LGBTQ exerçant leur métier à l’extérieur de leur pays. Il a fait ce collage aux couleurs se rapprochant de celles de l’arc-en-ciel pour se sentir plus à l’aise en classe.

Photo : « Chris »  

Dans le cadre des travaux de cette nouvelle chaire de recherche du Canada, Robert Mizzi examinera tout d’abord la justice spatiale sur les campus universitaires, en se penchant sur la façon dont les espaces et les structures oppriment ou émancipent les personnes 2SLGBTQ, y compris les personnes qui sont marginalisées de façon intersectionnelle, par exemple en raison de leur race et d’un handicap. Son but est d’aider les écoles et d’autres organisations à mieux comprendre comment la conception de l’espace a un effet sur les personnes marginalisées.

Ses travaux s’appuient sur des recherches précédentes qui portaient sur les expériences d’enseignants de différents pays faisant partie de la communauté LGBTQ. Il avait demandé à 23 enseignants LGBTQ originaires du Canada, des États-Unis, du Royaume-Uni et de l’Espagne de documenter leur vécu au moyen de photos alors qu’ils enseignaient en Afrique, au Moyen-Orient, dans les Caraïbes, en Amérique centrale et en Asie. Il a découvert que, si les parents, les étudiants et les dirigeants des écoles acceptaient généralement bien la présence d’enseignants LGBTQ en classe, ce n’était bien souvent pas le cas des autres enseignants. Les collègues homophobes pouvaient se montrer réticents à collaborer avec des enseignants LGBTQ et parfois s’évertuer à leur rendre la vie difficile. Cela peut nuire aux relations professionnelles des enseignants LGBTQ et parfois même mettre en jeu leur carrière.

Robert Mizzi a d’ailleurs vécu la même expérience alors qu’il enseignait. L’homophobie l’a poussé à quitter de multiples emplois, et finalement à changer de profession.

Ses recherches actuelles l’amènent à constater qu’on semble aimer l’idée de favoriser l’inclusion, mais qu’on ne sait pas par où commencer. Il espère que ces recherches aideront les dirigeants non seulement à continuer de fournir l’appui qu’ils manifestent déjà, mais aussi à l’accentuer et à enseigner les réalités 2SLGBTQ dans les écoles. 

Sensibilisation des enseignants

Les efforts de Robert Mizzi pour faire connaître les questions relatives aux personnes 2SLGBTQ dans les établissements d’enseignement lui ont valu d’être intronisé à l’International Adult and Continuing Education (IACE) Hall of Fame (en raison de la pandémie, la cérémonie d’intronisation de 2021, qui devait avoir lieu à l’automne, a été annulée, et Robert Mizzi sera intronisé au cours de la cérémonie de 2022). Il a également codirigé la publication de Queer Studies and Education: An International Anthology, qui doit paraître à l’automne 2021 chez Oxford University Press.

Par ses travaux, le chercheur entend motiver les dirigeants non seulement des écoles mais aussi de tous les types d’organisations afin qu’ils songent à des activités de sensibilisation qui permettraient à leur personnel de se pencher sur ces questions plus sérieusement que dans le cadre de l’habituel atelier d’une journée offert tous les deux ou trois ans.

Robert Mizzi estime qu’un engagement ferme est vraiment nécessaire, sans quoi ce sera le statu quo, c’est-à-dire que les organisations demeureront hétéronormatives et ne considéreront pas avec sérieux les points de vue 2SLGBTQ, et non le « statu queer », à savoir de nouvelles façons de travailler qui appuient les identités queer et qui amplifient leurs voix.

Pour en savoir plus

Pour en savoir plus sur les travaux de Robert Mizzi, on peut consulter le site qcde.ca, où il est possible de s’abonner à une infolettre, de lire des entrevues avec des enseignants et des militants locaux et d’en apprendre davantage sur des façons de rendre une organisation inclusive.

Médias sociaux