Soutenir l’intégration des hommes musulmans immigrants

Pourquoi il ne faut pas se limiter à la religion pour comprendre les défis auxquels ils font face

Les hommes musulmans immigrants sont souvent dépeints comme inflexibles et peu enclins à s’intégrer à la société occidentale. Leur foi est généralement présentée comme la principale raison de leur difficulté à accepter de nouvelles normes culturelles, mais Hamid Akbary, candidat au doctorat en sociologie à l’University of Calgary, affirme que de nombreux autres facteurs sociologiques doivent être pris en compte. Le revenu, la profession, les possibilités de formation, le logement et la manière dont ils sont traités par les Canadiens non immigrants influencent la façon dont ils perçoivent et adoptent les normes de leur société d’accueil.

Les hommes musulmans peuvent et veulent s’intégrer, mais on ne peut pas les y forcer, estime Hamid Akbary. Quand on leur fait sentir que le Canada peut être leur foyer, c’est là que leur attitude commence à changer.

Vivre la discrimination

Né en Afghanistan, il s’est consacré, au début de sa carrière, à l’égalité des sexes et à la défense des droits dans des régions du pays sous la coupe des talibans avant de s’installer aux États-Unis en 2013 pour faire des études de maîtrise. C’est là qu’il a été exposé pour la première fois à la discrimination à l’endroit des musulmans, de la part d’un inconnu qui avait vu un texte en arabe sur un paquet de cigarettes qu’il avait acheté aux Émirats arabes unis.

Cet homme qui ne savait rien de lui le traitait soudain de terroriste et de batteur de femmes. Hamid Akbary n’avait jamais vécu rien de tel auparavant.

Cherchant à comprendre la réaction de l’homme, il s’est tourné vers la documentation portant sur l’intégration des immigrants musulmans. Presque tout ce qu’il a trouvé était axé sur la religion et affirmait que l’adhésion aux préceptes de l’islam rendait les hommes musulmans hostiles aux normes culturelles occidentales. Conscient que d’autres facteurs étaient également en jeu et fort d’une bourse de doctorat du CRSH, il a approfondi ce sujet dans sa thèse.

Au-delà d’un choix individuel

Pour aller au-delà des questions habituelles sur la foi, il a non seulement obtenu des données quantitatives secondaires mais a également mené des entretiens qualitatifs avec des hommes musulmans venus d’Afghanistan. Il leur a demandé quelles attentes ils avaient avant de venir au Canada et ce qu’ils avaient vécu à leur arrivée. (Il s’est concentré sur l’Afghanistan parce qu’il connaît bien la langue et la culture du pays et parce qu’il est bien au fait du « choc culturel » que vivent les gens qui quittent l’un des pays les plus conservateurs au monde pour s’installer dans l’un des plus libéraux.) Il leur a demandé quelle était selon eux la plus grande différence entre leur culture d’origine et la culture canadienne, en particulier en ce qui concerne les notions de masculinité et les rôles dévolus aux époux et aux pères. Il les a également interrogés sur les stratégies qu’ils utilisaient pour composer avec ces différences culturelles ainsi que sur les liens qu’ils entretenaient tant avec leur communauté d’origine qu’avec leur communauté d’accueil et sur leur attachement au Canada et à l’Afghanistan.

Il a constaté que les personnes interrogées pouvaient être regroupées en trois catégories : les « assimilationnistes », qui ont des sentiments positifs à l’égard du Canada et adaptent leur mode de vie au modèle canadien typique; les « isolationnistes », qui, en revanche, s’associent exclusivement avec d’autres musulmans et perpétuent activement les normes culturelles de l’Afghanistan; en dernier lieu, les « intégrationnistes », qui se situent quelque part au milieu.

Hamid Akbary a également constaté que ces hommes ne se retrouvaient pas dans un groupe ou l’autre uniquement en raison de leurs propres choix. Leurs jugements moraux sur la société canadienne et leur volonté d’intégration dépendaient énormément de la nature de leurs expériences socioéconomiques. Par exemple, ceux qui avaient subi davantage de discrimination ou qui avaient dû se tourner vers des emplois moins bien rémunérés étaient moins susceptibles d’exprimer des sentiments positifs à l’égard de la société canadienne, ce qui les rendait plus susceptibles d’éviter de s’intégrer.

Selon Hamid Akbary, lorsque ces hommes se sentent satisfaits de leur situation et sont optimistes quant à leur avenir, ils sont plus enclins à considérer le Canada comme le lieu auquel ils appartiennent , ce qui conduit à un plus grand sentiment d’attachement à ce pays et à l’acceptation de ses normes culturelles.

Des modifications aux politiques, gages d’un avenir meilleur

Les recherches de Hamid Akbary font ressortir la nécessité de comprendre que l’intégration est affaire de réciprocité et qu’elle exige des efforts non seulement de la part des immigrants mais aussi de la société d’accueil. En comprenant cela, les décideurs politiques peuvent prendre des décisions favorisant un meilleur avenir socioéconomique pour les immigrants musulmans (par exemple en améliorant les mécanismes d’évaluation des titres de compétences étrangers pour rendre le marché du travail plus accessible), ce qui peut se traduire par une intégration réussie qui bénéficiera à la fois aux immigrants et à la société d’accueil.

Ces travaux présentent un portrait plus réaliste et plus nuancé des hommes musulmans immigrants et révèlent que l’intégration ne dépend pas uniquement d’eux . La façon dont ils sont traités par les Canadiens et par la société canadienne peut faire une énorme différence.

Pour en savoir plus

Pour en savoir plus sur ces travaux, on peut se reporter à la communication (en anglais) que Hamed Akbary présentera conjointement avec son directeur de thèse, Abdie Kazemipur, à la conférence de 2021 de la Société canadienne de sociologie. Il est également coauteur d’un article paru dans Canadian Diversity (en anglais, page 77), qui examine la valeur de la recherche qualitative quand il s’agit de comprendre comment les normes d’un pays relativement au genre influent sur l’accès des immigrants à des services d’aide à l’établissement. On peut aussi le suivre sur Twitter à @SHamidAkbary.