Rompre avec les systèmes d’énergie existants
Combiner des innovations pour accélérer la transition vers des systèmes à faible émission de carbone
Les technologies innovantes permettent à différents pays d’effectuer leur transition énergétique. Pourtant ces innovations ne sont pas largement adoptées au Canada. Professeure agrégée en économie des énergies durables à l’Université York, Christina Hoicka a mis au point une nouvelle façon d’évaluer comment la combinaison d’innovations peut faciliter le passage aux systèmes à faible émission de carbone.
Impossible d’évoluer sans évaluer
De nombreux pays aspirent à réduire leurs émissions de carbone d’ici 2030 et à les éliminer entièrement d’ici 2050. Pour atteindre ces objectifs, il va leur falloir mettre les bouchées doubles en utilisant plus de véhicules électriques, de panneaux solaires, de batteries et d’autres innovations s’appuyant sur des sources d’énergies renouvelables. Mais sans savoir quelles technologies les ménages et les entreprises choisissent et pourquoi, et sans avoir une idée des répercussions de ces technologies sur les collectivités, il est impossible d’élaborer des politiques assez solides pour appuyer la transition.
Selon la chercheure, les documents de politiques se lancent dans des projections ambitieuses où les collectivités participent à la transition énergétique, mais il y a un monde entre ce que disent les politiques et les mesures réelles.
Les innovations ne fonctionnent pas en vase clos
La plupart des études sur les motivations ou les freins à l’adoption des technologies à faible émission de carbone portent sur une seule innovation. Il n’est donc pas surprenant qu’elles indiquent de faibles taux d’adoption. Elle croit que l’on cherche une technologie de rupture pour remplacer l’ensemble du système qui dépend des énergies fossiles, mais les technologies n’interagissent pas ainsi.
Financés en partie par une subvention de développement Savoir du CRSH, les travaux de recherche de Mme Hoicka utilisent toute une gamme de méthodes pour analyser l’impact de la combinaison de plusieurs innovations, en plus d’étudier les facteurs d’incitation ou de dissuasion d’adoption de ces technologies. Dans le cadre de ses travaux, elle a notamment mené des sondages auprès de fournisseurs d’innovations sobres en carbone et d’autres acteurs de l’industrie, de la recherche et de l’administration.
Elle et son équipe d’étudiants des cycles supérieurs du Social Exergy lab ont plus précisément étudié, en collaboration avec des chercheurs internationaux, les effets de divers facteurs sur trois volets de la rupture : la décarbonisation (réduction des émissions de carbone), la démocratisation (meilleur contrôle des systèmes énergétiques par les collectivités) et la décentralisation (décentralisation de la production d’électricité dans des installations plus petites et plus proches des utilisateurs finaux).
Les premiers résultats montrent que même si les politiques économiques favorisent l’adoption d’innovations, la plupart renforcent le système centralisé de production à fortes émissions de carbone. Pour autant, plus les voix s’élèveront pour défendre certaines innovations (notamment celles qui ont un fort potentiel de rupture), plus les politiques iront dans le même sens.
Des décisions plus efficaces
Madame Hoicka et son équipe de recherche ont codifié toutes les données dans un tableau de bord indiquant dans quelle mesure chaque innovation contribue au remplacement ou au renforcement des systèmes énergétiques. Ils espère qu’en rassemblant et en facilitant ainsi la lecture de ces données, les gouvernements, les responsables de politiques et les bailleurs de fonds pourront mieux comprendre quels types de technologies promouvoir et comment le faire.
« Si nous voulons vraiment mettre le cap sur la décarbonisation, nous devons choisir des technologies de rupture innovantes et les soutenir sur les plans de l’économie, de la politique et de la légitimité, tout en refoulant au maximum les technologies qui perpétuent le statu quo, » déclare-t-elle.
Un projet d’envergure mondiale
Même si la chercheure a utilisé les systèmes de production d’énergie de l’Ontario pour tester le tableau de bord, celui-ci est adaptable à tout système, quelles que soient sa taille et sa situation géographique. Compte tenu de l’intérêt exprimé par les fondations et les organismes de financement qui soutiennent l’innovation dans les technologies propres, elle a publié un mémoire sur sa méthodologie afin que n’importe qui puisse produire un tableau de bord en fonction des données disponibles. Elle a aussi publié d’autres documents de travail préliminaires.
Comme elle l’explique, ces travaux modifient la façon d’appréhender la transition énergétique, qu’il faut envisager comme un tout plutôt qu’en dissociant les innovations. Il est ainsi possible de définir à qui ces innovations sont utiles ou non ainsi que les avantages qu’elles présentent, et bien comprendre comment changer le système et analyser les répercussions de ces changements sur les sociétés et les agglomérations.