Comment les communautés noires enseignent aux élèves noirs
Initiatives complémentaires en matière d’éducation
Les communautés noires ont toujours fait partie du tissu social canadien, mais leurs expériences et les injustices systémiques qu’elles subissent n’ont guère été enseignées dans les écoles, qu’elles soient publiques ou privées. Philip Howard, professeur adjoint au Département d’études intégrées en sciences de l’éducation de l’Université McGill, examine comment ces communautés sont passées à l’action en créant leurs propres initiatives d’éducation complémentaires. Ce faisant, elles luttent contre le silence dans lequel sont tenues les contributions des Noirs à l’histoire du Canada et réclament que l’on mette fin au traitement injuste que leur réservent les systèmes d’éducation.
Lui-même Noir et ayant déjà enseigné dans une école publique, Philip Howard dit qu’il a vu de ses propres yeux comment les systèmes d’éducation canadiens n’apportent pas aux élèves noirs ce à quoi ils sont en droit de s’attendre. Ces élèves font l’objet de manière disproportionnée de suspensions, d’expulsions et d’autres mesures disciplinaires. Ils sont surreprésentés dans les programmes d’éducation spécialisée et sont plus susceptibles que les autres de décrocher. En outre, leur histoire figure rarement dans les programmes scolaires types. Selon M. Howard, si elle est enseignée, elle l’est dans un chapitre « à part », comme si elle n’avait aucun lien avec le reste du manuel.
Pour que leurs enfants puissent apprendre dans un environnement qui respecte leurs besoins, de nombreuses communautés noires ont créé des initiatives d’éducation complémentaires, notamment des programmes d’été et de fin de semaine, des clubs de devoirs et des activités spéciales dans les écoles publiques. En plus de remédier aux lacunes des programmes scolaires, ces initiatives leur ont permis de s’attaquer aux mesures disciplinaires trop sévères et de lutter contre le racisme systémique à l’endroit des Noirs qui s’exprime dès la maternelle, notamment en formant des comités consultatifs visant à répondre aux besoins des élèves noirs.
Préservation des connaissances acquises
Grâce à une subvention Savoir du CRSH, Philip Howard et les cochercheurs Erica Lawson de la Western University, Isaac Saney de la Dalhousie University et Sam Tecle de l’University of Toronto étudient les organismes communautaires qui ont créé de telles initiatives au cours du siècle dernier, leurs démarches, leurs difficultés et leurs réussites.
M. Howard affirme que ces initiatives existent depuis longtemps mais n’ont pas été bien documentées. Une grande partie de la documentation se trouve dans le sous-sol de quelqu’un, et les connaissances considérables qui ont été acquises n’ont pas été mises par écrit. Elles sont dans la tête d’acteurs clés qui vieillissent, et c’est pourquoi il est important que ces derniers racontent l’histoire de ces initiatives pendant qu’ils en sont encore capables.
Agentivité et leadership des Noirs
Philip Howard et son équipe mènent leurs recherches à Montréal, Halifax, Toronto et London, des villes qui offrent des initiatives différentes à des stades divers de développement, adaptées aux contextes sociaux et politiques locaux et provinciaux. L’équipe a constitué un groupe de référence dans chaque ville, et elle communique régulièrement avec les organismes locaux afin d’obtenir les informations et les résultats voulus.
Les travaux, qui consistent principalement en des entretiens avec des participants clés et en l’examen des archives disponibles sur les initiatives communautaires, en sont encore à leur début; ils accusent des retards en raison de la pandémie de COVID-19. Néanmoins, M. Howard a déjà constaté à quel point de nombreux organismes sont reliés entre eux et à quel point ils se sont influencés mutuellement et ont évolué ensemble au fil des ans. Il espère que ces travaux déboucheront sur une ressource ou une base de données nationale accessible aux organismes des communautés noires d’aujourd’hui et de demain, afin qu’elles puissent mieux comprendre ce qui a fonctionné (et ce qui n’a pas fonctionné) par le passé pour en tenir compte dans l’élaboration de leurs propres initiatives complémentaires en éducation.
L’objectif que poursuit Philip Howard : aider les communautés noires à survivre et à s’épanouir dans un système qui les a toujours exclues et faire connaître les mesures que ces communautés prennent pour résoudre les problèmes auxquels elles font face.
On trouvera plus de précisions sur les travaux de Philip Howard, y compris sur d’autres projets que le CRSH a financés, dans le site Web de l’Université McGill.