Le racisme environnemental au Canada

L’impact disproportionné des installations dangereuses sur les communautés autochtones et noires de Nouvelle-Écosse

Photo reproduite avec l’autorisation de Fernwood Publishing

Il est bien connu que la précarité des revenus, le piètre état des infrastructures publiques et le manque d’accès aux services publics touchent de manière disproportionnée les Autochtones, les Noirs et les autres communautés de couleur. Ce qui demeure inconnu toutefois, c’est que les industries très polluantes ont tendance à s’implanter à proximité de ces communautés, ce qui compromet la qualité de l’air et de l’eau, menaçant ainsi la santé et le bien-être des résidents. Professeure agrégée à l’école de soins infirmiers de la Dalhousie University, Ingrid Waldron a voulu en savoir plus sur ce « racisme environnemental » et son impact sur ces communautés.

La plupart des gens connaissent les déterminants sociaux de la santé, mais il est très rare les facteurs environnementaux soient pris en compte dans l’équation, même si les deux aspects sont inextricablement liés. Elle a donc décidé de se pencher en même temps sur les enjeux sociaux, politiques, économiques et environnementaux.

Donner la parole aux communautés

Sociologue de formation, Mme Waldron a adopté une approche communautaire dans ses recherches auprès de quatre communautés noires et de deux communautés mi’kmaq de Nouvelle-Écosse, qui sont situées à proximité d’installations dangereuses telles que des décharges, des mines et des usines de pâte et papier. Elle a engagé des résidents pour animer des ateliers afin d’entendre ce que les personnes touchées avaient à dire sur les rapprochements possibles entre la contamination de l’eau, le cancer et d’autres problèmes liés à la santé.

Je ne voulais pas simplement intervenir et leur indiquer ce que j’allais faire. Ces ateliers avaient pour but d’écouter et d’apprendre ce qui était important pour eux et de leur demander quels devraient être mes questionnements, affirme Mme Waldron.

Ses conclusions ont confirmé ce que ces communautés savaient déjà : des corrélations probantes entre les installations dangereuses et les troubles de santé observés dans ces communautés comparativement à ceux des communautés qui sont plus éloignées de ces sites.

Agir et sensibiliser

Pour aborder ces problèmes, Mme Waldron et son équipe – composée de professeurs et d’étudiants en sociologie, en sciences infirmières, en sciences de l’environnement, en sciences politiques, en droit et autres disciplines, de professionnels de la santé, de repésentants d’organismes environnementaux et des communautés autochtones et noires – ont lancé plusieurs initiatives locales. En plus de demander d’inclure la sensibilisation au racisme environnemental dans les programmes des écoles publiques de la Nouvelle-Écosse, elle a cofondé Rural Water Watch, un organisme qui procède à des analyses de l’eau dans les communautés rurales et qui organise des ateliers sur l’entretien adéquat des puits.

L’équipe a également montré aux communautés à tester leur eau. Dans certains cas, elles apprenaient pour la première fois ce qui s’y trouvait. Elles peuvent dorénavant la traiter convenablement et réclamer des changements.

Les travaux de Mme Waldron ont été mis en évidence dans le documentaire There’s Something in the Water, coproduit en collaboration avec l’acteur et réalisateur néo-écossais Elliot Page, qui se fonde sur le livre du même titre de Mme Waldron publié en 2018. Le documentaire a été projeté au Festival international du film de Toronto en 2019 et a déjà entraîné des changements positifs : une usine de pâte à papier a accepté d’arrêter de canaliser les effluents vers les cours d’eau locaux et une communauté va obtenir un nouveau puits grâce au soutien financier de monsieur Page.

Madame Waldron prévoit que la sortie du film sur Netflix, en mars 2020, élargira les discussions et mènera à davantage de changements. Elle fonde également de grands espoirs sur le projet de loi fédéral C-230, inspiré par ses travaux, qui propose l’élaboration d’une stratégie nationale pour remédier au racisme environnemental.

Madame Waldron espère que ces travaux toucheront le cœur et l’humanité des gens, en particulier des politiciens, au Canada ailleurs et dans le monde. Si ce projet de loi est adopté, il aura un impact déterminant sur les communautés de couleur partout dans le monde, estime-t-elle.

Vous voulez en savoir plus?

Suivez les travaux d’Ingrid Waldron à The ENRICH Project, lisez son livre et visionnez There’s Something in the Water.