Agence du revenu du Canada : repenser l’administration fiscale et des prestations à l’ère numérique

Version imprimable

Le projet

La pandémie de COVID-19 a mis en lumière la désuétude et l’incapacité du régime fiscal canadien à réagir adéquatement en temps de crise. Puisque les déclarations de revenus ne sont produites qu’une fois par année, le régime fiscal du Canada ne pouvait pas réagir aux brusques réductions de revenus occasionnées en cours d’année par la pandémie. De plus, le gouvernement a peiné à prendre le pouls de ces pertes de revenus en temps réel, surtout chez les personnes ayant un emploi précaire ou travaillant à la demande. En outre, comme il n’est pas obligatoire de produire une déclaration de revenus, il n’existe aucune base de données regroupant l’ensemble des Canadiennes et Canadiens qui permettrait d’accorder rapidement des paiements. Autrement dit, le régime fiscal canadien s’est révélé trop lourd, archaïque et décalé de la réalité pour offrir un soutien d’urgence au revenu pendant la pandémie.

Ce projet de synthèse des connaissances a permis d’en apprendre davantage sur l’amélioration des pratiques d’administration fiscale au moyen d’innovations numériques pour l’élimination des obstacles à l’accessibilité et à la réactivité. L’équipe s’est intéressée tout particulièrement à la façon dont d’autres pays ont tiré parti de ces avancées technologiques et les ont utilisées pour révolutionner non seulement l’administration fiscale et des prestations au quotidien, mais aussi le soutien d’urgence au revenu en temps de crise.

Il s’agissait plus précisément de déterminer les technologies numériques pouvant servir à moderniser le régime fiscal du Canada, à le simplifier et à en améliorer la réactivité. Pour ce faire, il fallait repérer les lacunes dans les connaissances sur le recours au numérique pour l’administration fiscale et des prestations et créer une base de connaissances dont les responsables des politiques pourront se servir pour aborder la modernisation du régime fiscal canadien.

Les principales constatations

À la suite d’un examen exhaustif des écrits et des études de cas, l’équipe a découvert que le régime fiscal du Canada est unique au monde en ce sens qu’il est le seul dont le but n’est pas simplement d’augmenter les revenus; il s’agit également d’un instrument important pour atteindre divers objectifs sociaux. Puisque de nombreuses prestations cruciales de soutien au revenu sont soit versées par l’entremise du régime fiscal soit fondées sur les renseignements qui y sont déclarés, le régime fiscal canadien est étroitement relié au système de soutien au revenu. Malheureusement, plusieurs caractéristiques du système canadien d’administration fiscale mettent en péril son efficacité à atteindre les objectifs sociaux associés à ces prestations.

Premièrement, le régime fiscal du Canada repose sur un modèle d’autocotisation exigeant des particuliers qu’ils produisent une déclaration de revenus chaque année pour faire état de tous leurs revenus aux fins du calcul de l’impôt à payer ou des remboursements à recevoir. Ce processus d’autocotisation est resté plus ou moins le même depuis 1918 et, alors qu’il est plutôt utile pour le calcul de l’impôt à payer, il comporte bon nombre de failles en matière d’administration des prestations. La responsabilité de la production d’une déclaration de revenus incombe donc aux particuliers, même lorsque ce n’est pas requis. D’ailleurs, les personnes ne soumettant pas de déclaration de revenus ne recevront pas (si elles sont admissibles) les prestations accordées par l’entremise du régime fiscal ou dont l’admissibilité est déterminée en fonction des revenus déclarés. Des données canadiennes démontrent qu’environ 12 p. 100 des Canadiennes et Canadiens en âge de travailler ne produisent pas de déclaration de revenus, et ce phénomène est particulièrement vrai chez les personnes dont les revenus se trouvent en deçà du seuil de pauvreté. Cela signifie que, pour les prestations versées uniquement par l’entremise du régime fiscal, au moins 1,7 milliard de dollars ne sont pas réclamés; c’est sans compter les prestations nécessitant une déclaration de revenus pour déterminer l’admissibilité. Afin d’améliorer son efficacité en tant qu’administrateur de prestations, l’autorité fiscale doit s’assurer que toute personne admissible à une prestation la reçoive.

Deuxièmement, ce modèle repose sur un processus annuel dans le cadre duquel les particuliers doivent remplir avant le 30 avril une déclaration de revenus pour l’année précédente. L’admissibilité aux diverses prestations et le montant de celles-ci sont alors déterminés selon les renseignements fournis dans cette déclaration. Ainsi, les prestations versées par l’entremise du régime fiscal ne tiennent pas compte des variations de revenus en cours d’année, et les personnes qui connaissent une baisse importante et soudaine de revenus peuvent vivre une certaine insécurité financière. L’Agence du revenu du Canada doit donc être plus prompte à réagir aux fluctuations de revenus en temps réel.

Ce que cela suppose pour les politiques

Il faut moderniser le régime fiscal du Canada. Plusieurs types de réformes s’imposent pour le transformer en véritable administrateur de prestations. Un régime fiscal amélioré pourrait à la fois réduire les obstacles administratifs auxquels font face les particuliers et mieux réagir à des perturbations généralisées, comme celles qu’a occasionnées la pandémie. Le numérique peut grandement aider à la refonte des systèmes existants d’administration fiscale et des prestations au quotidien ainsi que des mécanismes qui sous-tendent le soutien d’urgence au revenu en cas de crise. Voici certains des changements à apporter.

  • Le Canada doit faire passer son régime fiscal d’un modèle fondé sur l’autocotisation à un modèle prônant la cotisation administrative, qui transfère la responsabilité de la production des déclarations de revenus des particuliers à l’autorité fiscale.
  • Pour appuyer ce virage, le Canada doit augmenter et automatiser les différentes formes de renseignements fournis par les employeurs et les autres entités.
  • Les renseignements doivent être déclarés en temps réel, au moyen d’un système permettant l’intégration des logiciels de paie utilisés par les employeurs au système de collecte de données de l’autorité fiscale.
  • Ces changements doivent se faire dans un cadre plus large afin de favoriser le passage au concept du gouvernement en tant que plateforme, selon lequel tous les ordres de gouvernement mettent en commun les logiciels, les données et les services pour une efficacité globale améliorée.

Complément d’information

Rapport intégral (en anglais)

Coordonnées des chercheurs

Lindsay M. Tedds, professeure agrégée, Département d’économie, et directrice scientifique, politiques fiscales et économiques, School of Public Policy, University of Calgary  lindsay.tedds1@ucalgary.ca

Marina Flaim, étudiante de premier cycle, École de gestion Telfer, Université d’Ottawa  marinaflaim@gmail.com

Gillian Petit, doctorante, Département d’économie, et associée de recherche, politiques fiscales et économiques, School of Public Policy, University of Calgary  gillian.schafer@ucalgary.ca

Les opinions exprimées dans cette fiche sont celles des auteurs; elles ne sont pas celles du CRSH, du Centre des Compétences futures ni du gouvernement du Canada.

Date de modification :