Influence des interventions douces dans l’adoption des transports en commun
Le projet
Les chercheures et chercheurs du domaine des transports ont mis en lumière la nécessité d’abandonner le paradigme de planification axé sur la voiture personnelle au profit de modes de transport durables, dans lesquels les transports en commun jouent un rôle crucial et structurant. L’adoption des transports en commun dépend d’une myriade de facteurs et peut être favorisée par différentes interventions ciblées.
L’examen des écrits présente et analyse des exemples de politiques – tirés de la documentation scientifique – que peuvent adopter les responsables des politiques pour accroître l’utilisation des transports en commun. On peut regrouper ces interventions en fonction de deux axes : le premier oppose les interventions « dures » (infrastructures) aux interventions « douces » (comportements), et le second, les mesures dissuasives (qui découragent) aux mesures incitatives (qui encouragent). L’étude met l’accent sur les interventions douces-incitatives, qui ont été réparties en trois sous-catégories : 1) les stratégies de motivation interne, qui inculquent graduellement mais fermement des normes et des attitudes propices au développement durable dans l’esprit des gens, qu’il s’agisse du grand public (y compris les enfants) ou des responsables des politiques; 2) les stratégies stimulant la satisfaction, qui visent d’abord à retenir les usagers actuels, surtout ceux qui se sentent obligés d’utiliser les transports en commun, puis à en attirer de nouveaux en améliorant le service et en corrigeant les perceptions erronées; 3) les stratégies stimulant l’utilisation des transports en commun au détriment de la voiture, par exemple par des incitatifs attrayants et de l’information adaptée encourageant les automobilistes à essayer les transports en commun pour modifier leurs habitudes de déplacement.
Les principales constatations
- Les stratégies de motivation interne ciblent les obstacles psychologiques, les préjugés et la mésinformation quant aux modes de transport durables. Elles visent à modifier en profondeur les normes sociales et à susciter des attitudes et des comportements écologiques en matière de déplacements. L’éducation, notamment dès la petite enfance, et les approches de gestion de la sensibilisation relèvent de cette catégorie. Il est essentiel que les responsables des politiques passent de la simple sensibilisation à sa gestion. Au lieu de fournir à tout le monde une information uniforme sur les déplacements, il faut en peaufiner la formule, le style, la provenance, etc. en fonction des caractéristiques des groupes cibles. Le temps investi dans la mise en place de telles stratégies est compensé par leurs effets à long terme.
- Il est également essentiel de rehausser la satisfaction réelle et perçue des usagers. La satisfaction a une incidence sur les attitudes, et donc sur les comportements, élément fondamental pour retenir les usagers actuels et en attirer de nouveaux. Si l’amélioration de la satisfaction à l’égard des transports en commun dépend aussi de facteurs « durs » comme le réseau et sa rapidité, l’étude a mis en lumière des mesures complémentaires « douces », plus faciles à appliquer et peu coûteuses, qui peuvent améliorer la satisfaction des usagers en corrigeant leur perception erronée des services existants. L’une de ces stratégies serait un système de billetterie électronique qui permettrait aux passagers de payer à l’avance leur carte à puce en ligne par carte de débit ou de crédit (ou de recharger leur laissez-passer dans une application spécialisée) et de l’utiliser dans tous les moyens de transport en commun compatibles au Canada. Cela aurait l’avantage non seulement de faciliter l’embarquement des passagers, mais aussi de réduire l’incertitude quant au temps de déplacement. Une autre stratégie importante serait la communication d’information en temps réel, qui pourrait compenser le manque de fiabilité du service en réduisant le temps d’attente perçu et réel des passagers. Une billetterie électronique associée à la communication d’information en temps réel (possiblement fusionnées dans une application de téléphone intelligent) pourrait donc représenter une stratégie efficace.
- Parmi toutes les interventions qui visent à modifier les habitudes et à encourager l’essai des transports en commun, les incitatifs financiers – particulièrement les billets gratuits – se sont avérés efficaces aussi bien à l’étape de la motivation qu’à celle du comportement. Autrement dit, même si l’on n’observe pas nécessairement de changement tout de suite après une intervention, il est probable que l’intention d’utiliser les transports en commun augmente. Les applications de rétroaction et de ludification sont également deux outils modernes qui informent les passagers sur les émissions de gaz à effet de serre, les coûts, l’influence des pairs et de la société, les calories et ainsi de suite, dans un environnement divertissant et attrayant. Comme les approches de stimulation et de changement d’habitudes reposent généralement sur des motivations externes qui risquent de perdre en efficacité à la longue, on recommande fortement de les accompagner d’une ou de plusieurs stratégies supplémentaires, comme des campagnes de sensibilisation.
Ce que cela suppose pour les politiques
- Cibler activement les habitudes de déplacement, notamment aux étapes de la vie où les gens ont tendance à les revoir et sont donc plus susceptibles de modifier leur comportement (déménagement, changement d’emploi, pandémie de COVID-19 par exemple).
- Concevoir des stratégies sur mesure de promotion des transports en commun qui conviennent le mieux possible à la situation et aux caractéristiques du groupe visé. Au-delà des données sociodémographiques, il importe de considérer « l’étape de modification du comportement » relativement à l’utilisation des transports en commun, car chaque étape requiert une approche différente.
- Faciliter l’utilisation des transports en commun, notamment à l’échelle individuelle, au moyen de la rétroaction. Il faudrait concevoir des technologies pour téléphones intelligents et de nouvelles applications qui regroupent de multiples techniques de gestion de la mobilité en une seule plateforme. En voici des exemples : 1) billetterie harmonisée à l’échelle locale et nationale; 2) mesures incitatives comme l’accumulation de points ou de crédits de déplacement pour l’utilisation des transports en commun, en particulier en dehors des heures de pointe; 3) combinaison de ludification et de rétroaction (sur le bonheur, la santé, les finances, la sécurité, les émissions par exemple) pour mettre l’accent sur les raisons intrinsèques qui incitent à utiliser les transports en commun afin d’aider les usagers à conserver cette habitude; 4) intégration d’information en temps réel dans des applications de déplacement populaires comme Google Maps.
Complément d’information
Rapport intégral (en anglais)
Coordonnées des chercheurs
Edward Owen D. Waygood, responsable de la recherche, Polytechnique Montréal owen.waygood@polymtl.ca
Zahra Zarabi, chercheure principale, Polytechnique Montréal zahra.zarabi@polymtl.ca
Florence Paulhiac, cocandidate, Université du Québec à Montréal paulhiac.florence@uqam.ca
Virginie Francoeur, cocandidate, Polytechnique Montréal virginie.francoeur@polymtl.ca
Anne-Sophie Gousse-Lessard, cocandidate, Université du Québec à Montréal anso.gousse@gmail.com
Margareta Friman, collaboratrice, Karlstads universitet margareta.friman@kau.se
Lars E. Olsson, collaborateur, Karlstads universitet lars.e.olsson@kau.se
Ayako Taniguchi, collaboratrice, University of Tsukuba taniguchi@risk.tsukuba.ac.jp
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