Accélérer la mobilité durable au Canada par les « communs d’innovation » : les « hubs » de transport comme lieux d’écosystèmes d’innovation à parties prenantes multiples
Le projet
La mobilité apparaît aujourd’hui comme l’un des plus grands enjeux se dressant devant le développement d’un modèle sociétal et économique plus durable. On reconnaît par ailleurs que la mobilité joue un rôle-clé pour les développements économique et humain. Son caractère complexe et systémique requiert de nouvelles formes de gestion de l’innovation.
Cette synthèse effectue une relecture des modèles de gestion de l’innovation en proposant une approche par l’innovation « en écosystème » centrée sur les « communs », des bases de connaissances dont le partage, l’exploration et l’expérimentation par des parties prenantes multiples, y compris les usagers et les citoyens, qui pourraient accroître le développement et la performance de l’innovation pour une mobilité plus durable.
L’étude et l’analyse du cas emblématique du développement de l’écosystème de connaissances pour l’innovation pour la mobilité durable Movin’on, porté initialement par la firme Michelin, regroupant aujourd’hui plus de 300 organisations privées et publiques de différents pays, apportent un éclairage utile sur ces nouvelles formes d’organisation de l’innovation et de leurs enjeux.
Comme les modes de transport routier et aérien sont les deux qui ont vu leur usage augmenté le plus depuis la prise de conscience des enjeux liés à la mobilité, nous avons choisi de nous focaliser sur les modèles de gestion de l’innovation des « hubs » de transport, en particulier les aéroports, qui jouent le rôle de « nœuds » dans les réseaux de mobilité.
Les principales constatations
Cet exercice de synthèse montre que les modèles d’innovation gagneraient à être repensés dans des formes plus ouvertes et plus collectives, où les bases de connaissances doivent être accessibles et enrichies par la variété des contributions et des expérimentations des parties prenantes multiples, y compris les usagers et les citoyens, afin d’explorer des solutions nouvelles pour rendre la mobilité plus durable.
- Les enjeux liés à la mobilité durable sont trop complexes pour être abordés par un acteur unique. Ils nécessitent une approche collective et collaborative de l’innovation mobilisant des parties prenantes multiples au sein d’un écosystème d’innovation.
- Afin d’exploiter le plein potentiel d’un écosystème d’innovation, les connaissances doivent être considérées comme un ensemble de « communs », des ressources partagées et accessibles aux différentes parties prenantes dont la combinaison oriente et soutient l’innovation pour la mobilité durable.
- Si certains « hubs » de transport comme les aéroports ont lancé quelques initiatives qui vont dans ce sens, celles-ci doivent être renforcées et accompagnées pour atteindre leur potentiel maximal, en particulier en s’appuyant sur le balisage des exemples existants et des bonnes pratiques d’innovation collaborative ouverte.
- Que ce soit du point de vue des politiques publiques, des organisations ou de la recherche, les « hubs » de transport pourraient jouer un double rôle, soit celui d’observatoires pour les captations de données, l’analyse des flux et des pratiques de mobilité ainsi que de leurs impacts environnementaux, la veille stratégique et technologique sur les innovations pour la mobilité durable, et celui de laboratoires comme lieux d’expérimentation concrète afin de valider ou d’invalider des projets d’innovation.
- Que l’on parle d’organisations publiques ou privées, les acteurs publics jouent un rôle majeur dans le financement, l’appui et le développement des « hubs » de transport. Ils pourraient donc jouer un rôle significatif, direct ou d’influence, dans la mobilisation de leurs capacités d’innovation :
- en conditionnant le financement public à des obligations de mise en commun des connaissances utiles à l’innovation pour la mobilité durable, telles que les données de trafic, les données liées aux impacts sonores et à la qualité de vie des résidents voisins, les données sur les émissions de CO2 et de particules et les données sur les expériences des usagers et des passagers; et
- en soutenant les initiatives d’innovation collaborative ouverte comme les laboratoires d’innovation, la mise en commun de bases de données, les plateformes de veille et d’idéation, l’incubateur et accélérateur, les concours d’idées et hackathons, et ce, en garantissant leur accessibilité aux chercheurs, aux entrepreneurs, aux parties prenantes, aux usagers et au public.
Ce que cela suppose pour les politiques
Cet exercice de synthèse permet d’identifier quatre grands domaines de recherche pour lesquels l’approfondissement des connaissances devrait être soutenu par les politiques :
- les écosystèmes d’innovation comptant de plus en plus sur l’apport de diverses firmes, d’acteurs publics, institutionnels, des secteurs associatif et militant, ainsi que des citoyens;
- la conception des écosystèmes d’innovation et l’orchestration de parties prenantes multiples visant à se pencher sur des enjeux sociétaux complexes. Une réflexion de fond est aussi nécessaire concernant les incitatifs qui amèneraient les différentes parties prenantes à s’engager dans un écosystème d’innovation et à y contribuer;
- les « communs multiples » et les « communs d’innovation » dans le cadre des écosystèmes d’innovation et des initiatives d’innovation collaborative ouverte, qui permettent d’apporter un nouvel éclairage sur les mécanismes institutionnels soutenant le déclenchement d’initiatives entrepreneuriales et de projets innovants hybridant les apports de parties prenantes multiples hétérogènes; et
- la recherche sur les modèles de droits de propriété partagés et les modèles de contribution/rétribution dans les initiatives d’innovation impliquant des parties prenantes multiples.
Complément d’information
Coordonnées des chercheurs
Laurent Simon, professeur titulaire au Département d’entrepreneuriat et innovation et codirecteur de Mosaic de HEC Montréal laurent.simon@hec.ca
Les opinions exprimées dans cette fiche sont celles des auteurs; elles ne sont pas celles du CRSH, d’Infrastructure Canada ni du gouvernement du Canada.
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