Privées d’autobus : femmes et personnes bispirituelles+ autochtones et transports en commun dans l’Ouest canadien
Le projet
Missing the Bus (« privées d’autobus ») explore les liens entre les inégalités et la justice en matière de mobilité du point de vue des femmes et des personnes bispirituelles+ autochtones de l’Ouest canadien, en particulier du Manitoba. (Dans cette étude, on entend par « personnes bispirituelles+ » les personnes dont l’identité de genre et l’expression du genre sont en dehors du modèle binaire hétérosexuel, ce qui peut inclure les personnes qui s’identifient comme queers, non binaires, lesbiennes, gaies, bisexuelles ou pansexuelles, transgenres, transsexuelles, de genre non conforme ou bispirituelles.) L’équipe s’est fondée sur les connaissances en histoire, en études féministes et du genre et en études et politiques de l’environnement des responsables du projet pour situer l’étude dans un contexte mouvant de diminution de l’offre de transport en commun interurbain au Manitoba et au Canada et de comportements violents à l’endroit des femmes et des personnes bispirituelles+ autochtones. Le rapport passe en revue la documentation scientifique, la documentation grise et les sources médiatiques qui aident à comprendre le rôle des transports en commun – ou de leur absence – dans les conditions qui accentuent la marginalisation des femmes et des personnes bispirituelles+ autochtones ou qui peuvent servir à les cibler.
Les principales constatations
Quatre grandes constatations se dégagent de l’étude :
- l’offre de transport en commun interurbain au Manitoba a brusquement décliné au cours de la dernière décennie; cela a eu des répercussions négatives importantes sur les femmes et les personnes bispirituelles+ autochtones, qui dépendent souvent de ce mode de transport pour aller à des rendez-vous médicaux ou imposés par les tribunaux, suivre des cours, travailler ou participer à des cérémonies culturelles. Si ce déclin s’explique notamment par la suppression des trajets de Greyhound dans l’ouest du pays en 2018, le problème est plus vaste. L’expérience du Manitoba présente de nombreux points communs avec celle de la Saskatchewan voisine et celle d’autres provinces, mais aussi des caractéristiques distinctes qui méritent d’être soulignées;
- le manque d’accessibilité des transports en commun urbain ou interurbain, à quoi s’ajoutent des problèmes de qualité et de sécurité, est lié à la crise bien connue des femmes, filles et personnes bispirituelles+ autochtones disparues ou assassinées au Canada. Les femmes, filles et personnes bispirituelles+ autochtones ne sont pas plus vulnérables que les autres, mais elles vivent dans un monde où la discrimination systémique – découlant notamment du colonialisme, du racisme et du sexisme – peut accentuer leur vulnérabilité. L’absence de transports en commun accessibles et sûrs menace donc leur sécurité;
- la documentation scientifique, la documentation grise et les sources médiatiques sont des mines de données et d’analyses qui nous aident à comprendre les liens entre la sécurité (ou son absence), les transports en commun, les femmes et les personnes bispirituelles+ autochtones. Il s’agit notamment de travaux interdisciplinaires et mondiaux en études autochtones qui font la corrélation entre l’espace, le genre et la colonisation, d’un solide corpus de rapports et d’enquêtes sur les liens entre les transports en commun et la sécurité (ou son absence), notamment le rapport de la Colombie-Britannique et le rapport final 2019 de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées ainsi que de médias numériques et imprimés, notamment produits par des journalistes autochtones, qui attirent l’attention sur les effets de l’évolution des transports en commun sur les Autochtones et leurs communautés;
- on sait trop peu de choses sur la façon dont les Autochtones, les femmes et les personnes de diverses identités de genre, particulièrement les femmes et les personnes bispirituelles+ autochtones, utilisent les transports en commun. Il existe peu de recherches sur les transports en commun dans l’Ouest canadien, et encore moins au Manitoba, dont les données ou les analyses sont axées sur ces usagers et leurs besoins.
Ce que cela suppose pour les politiques
Sécurité et accessibilité : les politiques de transport en commun sont souvent établies sans consultation authentique des usagers. Les responsables des politiques doivent s’attaquer aux obstacles à l’utilisation des transports en commun, notamment à ceux issus des craintes importantes et justifiées que ressentent de nombreuses femmes et personnes bispirituelles+ autochtones quant aux transports en commun urbains et interurbains dans une grande partie de l’Ouest canadien. Il s’agit notamment d’atténuer les obstacles à l’utilisation des transports en commun, dont les coûts, les horaires et le manque d’information claire sur l’offre. L’équipe presse les responsables des politiques d’envisager des façons de résoudre ces problèmes en évitant les pratiques de sécurisation que l’on sait toucher de façon disproportionnée et souvent négative les personnes racisées et autochtones.
Réseau interprovincial public : les exploitants privés ne sont pas en mesure de combler le vide laissé par les trajets abandonnés par Greyhound dans l’ouest en 2018, et l’élimination de la plupart des trajets canadiens restants en 2021. Il est également évident que ce ne sont pas tous les gouvernements qui veulent prendre les mesures nécessaires. C’est la création d’un réseau national public dans l’ensemble des provinces canadiennes qui est réclamée. Ce réseau pourrait être mis en place en collaboration avec les femmes et les personnes bispirituelles+ autochtones, leurs communautés ou les organismes qui les représentent et être centré sur leurs besoins.
Complément d’information
Rapport intégral (en anglais)
Coordonnées des chercheurs
Adele Perry, professeure d’histoire et d’études féministes et du genre, directrice du Centre de recherche sur les droits de la personne, Université du Manitoba adele.perry@umanitoba.ca
Karine Duhamel, directrice de la recherche, Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées
Jocelyn Thorpe, professeure agrégée d'histoire et d’études féministes et du genre, directrice du Centre de création littéraire et de culture orale, Université du Manitoba
Les opinions exprimées dans cette fiche sont celles des auteurs; elles ne sont pas celles du CRSH, d’Infrastructure Canada ni du gouvernement du Canada.
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