La santé des populations dans les évaluations des impacts, un examen réaliste : cerner les bonnes pratiques favorisant l'équité dans la détermination de la portée des grands projets de mise en valeur de ressources naturelles et projets d'infrastructure d’envergure

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Le projet

Le Canada est un chef de file mondial en ce qui concerne les projets d’infrastructures de grande envergure et d’exploitation de ressources naturelles, lesquels jouent un rôle substantiel dans l’économie nationale. Toutefois, la réalisation de grands projets dans des régions rurales et éloignées peut présenter des défis importants sur le plan de l’équité en matière de santé des populations. Cette dernière se définit comme étant l’absence de différences évitables dans les déterminants de la santé, l’état de santé et les résultats obtenus en matière de santé de collectivités et de sous-populations définies d’un point de vue géographique, socioéconomique ou démographique. Un partage plus équitable des risques et des avantages avec les peuples autochtones et les collectivités touchées dans ces régions pourrait aider à remédier à l’héritage du colonialisme, aux injustices environnementales et à l’oppression systémique reliés à la réalisation de grands projets.

Les inégalités en santé des populations prennent diverses formes. En voici des exemples :

  • perception élevée des risques et détresse causée par les changements qui se produisent dans l’environnement;
  • exposition à la pollution et perte de services écosystémiques;
  • pressions exercées sur les infrastructures communautaires et sur la sécurité alimentaire et hydrique;
  • augmentation des disparités socioéconomiques et politiques au sein des collectivités;
  • hausse de l’incidence et de la prévalence des maladies infectieuses et chroniques, des troubles de santé mentale, du mésusage de substances psychoactives et de la toxicomanie;
  • hausse de la criminalité et de la violence familiale, sexuelle, interpersonnelle et structurelle.

Par conséquent, les impacts des projets devraient faire l’objet de délibérations et de décisions publiques tenant compte de l’équité en matière de santé des populations aux étapes de l’exploration, de la construction, de l’exploitation et de la fermeture.

L’évaluation des impacts est un processus encadré par la loi dans plus de la moitié des pays du monde. L’évaluation des impacts est généralement réalisée dans le cadre d’un processus public de délibérations et de prise de décisions relativement aux grands projets proposés, dans le but de cerner et d’atténuer les effets négatifs possibles de ces projets sur le milieu biophysique. Au Canada, le gouvernement a récemment instauré un nouveau système fédéral d’évaluation des impacts élargissant ce mandat, qui s’étend désormais aux répercussions positives et négatives des projets sur les conditions sanitaires, sociales et économiques.

Le nouveau système comprend une étape de planification de 180 jours pour la consultation des peuples autochtones et des collectivités touchées sur les questions qui les concernent et l’élaboration d’une structure d’évaluation des impacts mieux adaptée aux particularités de chaque projet. L’étape de la planification donne davantage d’occasions de consulter, de mobiliser et de faire participer les populations dès le début du processus, ce qui permet de trouver des moyens de promouvoir l’équité en matière de santé des populations et d’ainsi s’assurer que les projets servent l’intérêt public et favorisent la durabilité.

La synthèse des connaissances visait à établir la priorité à donner à l’équité en matière de santé des populations dans le cadre des évaluations des impacts fédérales au Canada. Les chercheurs ont tenté de cerner les principaux leviers qui, à l’étape de la planification, pourraient permettre d’atteindre ce but par la mise en application de bonnes pratiques et de principes exemplaires fondés sur des éléments probants relevés dans des articles évalués par des pairs et dans la documentation grise.

Les principales constatations et ce que cela suppose pour les politiques

L’examen systématique de 185 articles évalués par des pairs et de documents gris a révélé des stratégies de mise en application et d’innovation dans cinq processus clés de l’étape de la planification.

Préparation des évaluations des impacts : le soutien à l’autodétermination dans le but de contribuer à l’équité en matière de santé des populations pour les peuples autochtones et les collectivités touchées doit être intégré aux évaluations régionales et stratégiques, et il exige le renforcement des capacités préalablement à la planification et la transparence dans les processus de mobilisation. La participation dès le tout début des autorités de la santé publique fédérales et locales est, en outre, perçue comme un soutien à la formation technique et à l’apprentissage social des participants aux évaluations des impacts.

Collaboration avec les autorités de la santé publique fédérales : les orientations sont considérées comme un mécanisme clé de la promotion de normes scientifiques et de l’utilisation conjuguée de sources de données publiques et de données issues des collectivités. Il s’avère que les autorités fédérales telles que Santé Canada, l’Agence de la santé publique du Canada et les Instituts de recherche en santé du Canada jouent un rôle important dans le renforcement de la capacité de conseil, l’application des connaissances et le financement de la recherche sur l’équité en matière de santé des populations dans les évaluations des impacts.

Attribution d’un financement aux peuples autochtones aux fins des mécanismes de participation : le financement des processus de recherche-développement communautaires pourrait produire des indicateurs, des modèles et des seuils d’une grande utilité aux fins de l’équité en matière de santé des populations. Cela pourrait également faciliter la gérance des données et de l’information par les collectivités. Pour aider les peuples autochtones et les collectivités touchées à participer pleinement aux processus décisionnels des évaluations des impacts, il faudra améliorer la communication bilatérale sur les projets de développement, accorder des ressources suffisantes aux gouvernements autochtones et aux organismes limitrophes et se pencher dès le début sur les mesures d’atténuation et de compensation.

Détermination des grandes questions et préoccupations : faciliter l’apprentissage social en ayant recours à de multiples tribunes est une stratégie essentielle à l’examen des préjugés, au recadrage des enjeux, à l’instauration de la confiance, au partage des valeurs et à la reconnaissance de la légitimité du processus d’évaluation des impacts. En particulier, l’établissement de cadres exhaustifs par les autorités de la santé publique et les collectivités afin de classer les impacts sur l’équité en matière de santé des populations peut favoriser la participation des peuples autochtones et des collectivités touchées et ainsi susciter la discussion et structurer les interventions à l’étape de la planification.

Production de documents d’orientation sur les évaluations des impacts : pour promouvoir l’équité en matière de santé des populations à la fin de l’étape de la planification, il faut disposer de l’expertise suffisante et assurer la coordination communautaire d’équipes de promotion qui établiront les attentes en matière de reddition de comptes, d’application de la loi et de mécanismes de dépôt de griefs. Ces équipes faciliteront l’élaboration et la gestion conjointes d’évaluations avec les Autochtones et l’exécution des évaluations par ces derniers, en prévision de la gestion, de la surveillance et du suivi des évaluations des impacts une fois les projets approuvés.

Complément d’information

Rapport intégral (en anglais)

Coordonnées de la chercheure

Candace I.J. Nykiforuk, professeure, École de santé publique, University of Alberta candace.nykiforuk@ualberta.ca

Les opinions exprimées dans cette fiche sont celles de l'auteure ; elles ne sont pas celles du CRSH, de l'AEIC ni du gouvernement du Canada.

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