Mesure de l’empreinte écologique et de la biocapacité pour la gestion de la capacité limite au Canada

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Le projet

Ce projet visait à comprendre la demande de connaissances sur l’utilisation, au Canada, de la capacité régénératrice de la Terre, mesurée par l’empreinte écologique et la biocapacité. La biocapacité mesure la capacité des terres et des eaux de produire des ressources renouvelables (nourriture, fibres, produits forestiers) destinées aux humains, de séquestrer les émissions de carbone d’origine anthropique et d’accueillir des bâtiments. On peut comparer cette capacité à la demande, telle que mesurée par l’empreinte écologique, à laquelle s’ajoutent des composantes supplémentaires : terres cultivables, pâturages, lieux de pêche, terres accueillant des infrastructures et terres forestières qui fournissent des produits ou séquestrent le carbone.

Le projet a permis d’évaluer et de synthétiser l’information à laquelle le public et les chercheurs ont accès actuellement. L’équipe a effectué une revue de la littérature scientifique portant sur les concepts d’empreinte écologique et de biocapacité et sur la façon de les mesurer. Cette offre a été comparée à une évaluation de la demande de connaissances de la part des acteurs canadiens concernés (chercheurs, responsables des politiques, dirigeants non gouvernementaux et autres travailleurs de la sphère de la durabilité). L’équipe a également effectué une analyse de sensibilité dans le but d’examiner la pertinence et la substituabilité des données recueillies au pays par rapport aux données recueillies à l’international, afin de donner suite à une question soulevée au cours de premiers échanges avec des responsables de politiques fédéraux.

Il appert que l’utilisation de ces concepts, en contexte universitaire ou non, tend à augmenter, ce qui montre leur applicabilité soutenue et l’ampleur de la demande de données en la matière. Toutefois, ces concepts ne sont guère adoptés au Canada, bien qu’il y ait eu – et qu’il y ait toujours – des recherches et des travaux d’érudition d’importance au pays. Ces constatations sont présentées dans le rapport de synthèse, et l’équipe fait maintenant connaître ces travaux qui servent de fondement à l’élaboration d’un programme de recherche.

Les principales constatations

  • À l’heure actuelle, les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux ne mesurent pas la capacité limite des terres et des eaux du Canada. Ce qui s’en rapproche le plus serait un inventaire de la couverture terrestre, des stocks de bois d’œuvre et des réserves de certains minéraux et combustibles fossiles, mesurés en unités physiques et monétaires. Le taux d’utilisation assurant la durabilité n’est pas établi, quelle que soit l’unité utilisée.
  • Heureusement, cette lacune peut être comblée en partie par les comptes nationaux d’empreinte écologique et de biocapacité, que produisent actuellement des chercheurs universitaires. On peut mettre en comparaison l’offre de biocapacité qui existe dans un territoire relevant d’une administration donnée avec la demande telle qu’elle y est mesurée par l’empreinte écologique en utilisant des unités permettant des comparaisons dans le temps et avec d’autres administrations. L’empreinte est mesurée selon la production et la consommation (rajustée en fonction des échanges commerciaux), après avoir tenu compte de la biocapacité inhérente aux exportations et aux importations. Les données à cet égard, recueillies à l’échelle nationale et internationale de 1961 à 2017, sont accessibles au public.
  • En 2017, environ 78 p. 100 de la biocapacité du Canada était nécessaire pour soutenir l’empreinte écologique des activités économiques nationales. Environ 57 p. 100 de cette empreinte servait à la production d’exportations, un pourcentage démesuré compte tenu du fait que le pays n’exporte qu’environ 30 p. 100 de ce qu’il produit. En 2017, par rapport à chaque dollar d’importations du Canada, c’est plus du double de la biocapacité qui était sollicitée pour chaque dollar d’exportations du pays. Cette différence était encore plus marquée dans les années antérieures, ces données étant consignées depuis 1961.
  • L’augmentation des émissions de carbone a fait doubler l’empreinte écologique du Canada depuis 1961. En moyenne par habitant, l’empreinte écologique de la consommation au pays tend à diminuer légèrement.
  • Malheureusement, ces comptes sont peu connus – ou peu compris – dans les cercles politiques canadiens, malgré l’augmentation, depuis plusieurs décennies, des recherches et de l’intérêt ainsi que des données en libre accès. C’est pourquoi, dans le cadre de ses activités de mobilisation des connaissances, l’équipe a évalué les écrits scientifiques publiés depuis la fin des années 1990 en codant les articles les plus cités et en résumant leurs conclusions.
  • Les comptes infranationaux suscitent l’intérêt des responsables de politiques canadiens interrogés au sujet des concepts et des mesures. Ces derniers ont également soulevé des questions relativement à la pertinence et à la substituabilité des données recueillies au Canada par rapport aux données recueillies à l’international.
  • L’équipe est arrivée à la conclusion que, pour mieux comprendre et adopter les comptes d’empreinte écologique et de biocapacité, il faudra mettre au point des trousses d’outils adaptées à différents publics cibles et validées par des groupes de discussion rassemblant des parties prenantes clés. Cette recherche confirme que les données recueillies à l’échelle mondiale pour produire les comptes nationaux correspondent aux données signalées par le Canada, notamment à celles de Statistique Canada, et que les responsables canadiens devraient s’en servir pour rédiger leurs rapports et élaborer des politiques.

Ce que cela suppose pour les politiques

  • Pour vivre sans dépasser la capacité limite de la Terre, nous devons adopter des comptabilités et des paramètres modulables en fonction des administrations et pouvant être reliés aux échanges commerciaux. Au Canada, comme la gestion de la capacité limite relève surtout de la compétence provinciale, il faut des mesures modulables par province. Ces dernières doivent également s’arrimer aux comptes économiques nationaux et internationaux qui suivent les échanges commerciaux. Mieux compris et mieux conçus, les comptes d’empreinte écologique et de biocapacité seraient tout désignés pour remplir cette fonction.
  • L’intérêt pancanadien à l’égard de « solutions naturelles » pour atténuer les changements climatiques et mettre fin à la perte de biodiversité nécessite une comptabilité intégrée par région de la capacité limite. La voie vers une économie canadienne carboneutre est pavée de choix difficiles : devrons-nous reboiser des terres arables pour séquestrer le carbone ou nous en servir pour la production d’éthanol ou de nourriture ou encore pour des établissements humains? Ces demandes peuvent accentuer les pressions qui s’exercent sur une biodiversité qui se raréfie. La comptabilité de l’empreinte écologique peut également aider à mesurer les multiples façons dont la biocapacité est sollicitée.
  • Les mesures de stimulation économique gouvernementales ne doivent pas se fonder uniquement sur l’emploi et le produit intérieur brut (PIB). Même si sa capacité limite est substantielle, le Canada utilise environ 78 p. 100 de cette capacité pour soutenir sa production intérieure; le reste sert à la séquestration, dans un monde qui a déjà dépassé un niveau d’offre planétaire durable. La comptabilisation de l’empreinte écologique pourrait être utilisée pour évaluer les pressions directes et indirectes sur la biocapacité qu’entraîne la stimulation de l’économie.

Complément d’information

Rapport intégral (en anglais)

Coordonnées des chercheurs

Peter Victor, chercheur principal, professeur émérite, Université York  peter@pvictor.com

Eric Miller, gestionnaire du projet, Université York  ewmiller@yorku.ca

Kaitlin Kish, associée de recherche, Université York  katiekish@gmail.com

Les opinions exprimées dans cette fiche sont celles des auteurs; elles ne sont pas celles du CRSH, du CRSNG, des IRSC, ni du gouvernement du Canada.

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