Mesurer et gérer la vie en fonction de la capacité limite de la Terre à l’échelle urbaine

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Le projet

La demande mondiale de ressources énergétiques et matérielles augmente d’année en année, et elle est supérieure à la capacité limite de la Terre, définie comme étant le nombre total de personnes qui peuvent vivre en fonction des capacités de régénération et d’assimilation de la nature. Cette synthèse et analyse critique a pour but d’accélérer la transmission, aux villes canadiennes, des connaissances ayant trait aux cadres de mesure et de gestion, aux modèles de gouvernance et à l’application de politiques visant à vivre en fonction de la capacité limite de la Terre en milieu urbain, et ce, en examinant comment les villes à revenu élevé obtiennent des réductions absolues de la consommation d’énergie et de matériaux. Le projet a également permis de se pencher sur des systèmes de connaissances et des modes de développement différents, afin d’accroître la gamme de mesures efficaces possibles pouvant s’ajouter aux paradigmes et démarches classiques.

L’équipe a examiné les écrits publiés de 2010 à 2020 sur deux thèmes : premièrement, les cadres et les mesures utilisées par les villes pour cerner les progrès réalisés en matière de durabilité et, deuxièmement, les modèles de gouvernance et les politiques qu’elles mettent en application pour atténuer leurs impacts sur l’environnement. Ces deux thèmes indiquent comment les villes mesurent les difficultés associées au fait de vivre en fonction de la capacité limite de la Terre et les gèrent. Un sous-thème a porté sur les villes à forte consommation qui ont signalé des réductions absolues des émissions de gaz à effet de serre au cours de la période visée par l’examen. Un second sous-thème a abordé des systèmes de connaissances et des modes de développement qui se distinguent des démarches les plus courantes, pour mieux connaître les points de vue autochtones ainsi que les approches auxquelles ont recours les villes à faible revenu du Sud. Enfin, des entrevues avec des dépositaires de connaissances de grandes villes du Canada et d’ailleurs dans le monde ont fourni de l’information additionnelle.

Les principales constatations

Villes et capacité limite de la Terre

  • La plupart des villes étudiées ne se sont pas fixé l’objectif de vivre en fonction de la capacité limite de la Terre et continuent d’investir la plus grande partie de leurs ressources dans le maintien de la non-durabilité.
  • C’est principalement sur l’atténuation des changements climatiques et l’adaptation à ces changements que les villes axent leurs efforts de durabilité. La plupart des villes étudiées indiquent avoir confiance d’atteindre leurs cibles en matière de climat mais non de vivre en fonction de la capacité limite de la Terre. Cependant, aucune des villes étudiées ne réduit ses émissions en quantité suffisante pour stabiliser le climat.
  • Il faut faire concorder les tentatives d’accroître l’efficience ou d’atteindre la circularité avec l’importance des réductions qui sont nécessaires à l’heure actuelle dans la consommation et la production de déchets des villes qui consomment beaucoup si l’on veut vivre en fonction de la capacité limite de la Terre.
  • Il faut de toute urgence se concentrer sur les causes profondes de la non-durabilité, sur ce qui est nécessaire pour atteindre la durabilité et sur la voie à suivre pour ce faire.
  • La vie en fonction de la capacité limite de la Terre est compromise par l’extrême richesse, et pourtant la croissance économique demeure un objectif primordial de la plupart des villes.
  • Les perspectives et façons de faire différentes – comme les connaissances autochtones, les conceptions régénératrices et les approches du Sud – ne font pas encore partie du discours dominant.

Cadres et mesures

  • Seuls 11 des 31 cadres de durabilité en milieu urbain examinés sont pleinement harmonisés avec l’objectif de vivre en fonction de la capacité limite de la Terre. La majorité des cadres ne sont pas associés aux seuils de stabilité écosystémique mondiaux.
  • Les villes semblent utiliser bon nombre de cadres de durabilité et suivre de multiples indicateurs. Toutefois, sauf pour ce qui est des émissions de gaz à effet de serre, peu d’entre elles ont recours à des mesures associées à la capacité d’accueil écologique de la planète.
  • Les inventaires de gaz à effet de serre fondés sur la consommation qui comprennent des évaluations des impacts du cycle de vie des produits dans la chaîne d’approvisionnement et des déplacements en dehors des limites peuvent fournir de nouvelles informations aux villes.

Gouvernance, renforcement des capacités et politiques

  • Les villes qui parviennent à des réductions absolues des émissions font appel à bon nombre d’outils de politiques. Or la documentation examinée n’indique pas qu’elles se démarquent de façon notable d’autres villes reconnues comme des chefs de file en matière de durabilité qui appliquent des politiques similaires sans pour autant obtenir des résultats similaires. Les villes qui mettent en application des politiques novatrices et (ou) ambitieuses ne font pas nécessairement part des résultats qu’elles obtiennent.
  • Les processus de planification devraient être suffisamment exhaustifs et intégrés pour être efficaces dans le cadre des relations complexes qui existent entre les systèmes naturels et les systèmes anthropiques. La cohérence des politiques des différents ordres de gouvernement et leur cohérence avec celles des acteurs mondiaux peuvent contribuer à améliorer les processus décisionnels municipaux et à atteindre la durabilité. Une gouvernance éclairée et un bon renforcement des capacités permettent de faire en sorte que les activités de mesure et d’évaluation d’une ville soient menées de façon efficace, cohérente et transparente.
  • Les villes qui parviennent à des réductions absolues des émissions ont fait état d’une culture de l’engagement chez les élus municipaux et les hauts fonctionnaires gouvernementaux, de ressources adéquates pour l’atteinte de cibles explicites et d’un pôle bien défini pour la reddition de comptes, comme un bureau de la durabilité ou du climat, auxquels s’ajoutent le leadership et le soutien de tous les services municipaux.

Ce que cela suppose pour les politiques

Pour vivre en fonction de la capacité limite de la Terre, il faut adopter une pensée systémique afin d’avoir une vue d’ensemble de la situation avant de prendre des décisions pour l’avenir et il faut accepter que nous faisons partie de la nature.

  • Les villes doivent adopter une démarche fondée sur la résilience : réduction, partage et régénération.
  • Il faut répandre l’écolittératie et la littératie de la durabilité et rendre plus claires les exigences biophysiques associées à la vie en fonction de la capacité limite de la Terre; il faut des objectifs plus robustes en matière de durabilité et des outils plus complets; il faut préciser les écarts et mieux quantifier les objectifs de décroissance et les nouveaux objectifs de croissance; il faut une reconfiguration systémique de l’aménagement du territoire urbain pour réduire la demande de ressources en favorisant :
    • une redistribution équitable des économies tirées de la réduction de la demande de ressources accompagnée de programmes d’éducation visant à promouvoir la vie en fonction de la capacité limite de la Terre;
    • des investissements constants dans l’élimination des déchets et la restauration et la régénération du capital ressources naturelles.
  • Il faut une meilleure comptabilité fondée sur la consommation de nos ressources matérielles, et tout d’abord une analyse régulière et exhaustive des flux de ressources énergétiques et matérielles. Parallèlement, les villes doivent renouer avec les cinq aspects de la consommation : alimentation, bâtiments, produits consommables et déchets, transport, eau. Les villes doivent mesurer aussi bien la réduction normalisée que la réduction absolue.
  • La cohérence des politiques des différents ordres de gouvernement et l’harmonisation des politiques des différents services municipaux sont recommandées pour évaluer si les coûts écologiques et sociaux à long terme sont pris en compte dans les décisions opérationnelles.

Complément d’information

Coordonnées des chercheurs

Jennie Moore, RPP, PA LEED, directrice, Office of Institute Sustainability, British Columbia Institute of Technology  jennie_moore@bcit.ca

Claudiane Ouellet-Plamondon, ing., M. Sc., Ph. D., titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les matériaux de construction multifonctionnels durables, professeure agrégée, Département de génie de la construction, École de technologie supérieure  claudiane.ouellet-plamondon@etsmtl.ca

Christina Olsen, M.A., gestionnaire, Centre for Ecocities, British Columbia Institute of Technology  colsen39@bcit.ca

Les opinions exprimées dans cette fiche sont celles des auteurs; elles ne sont pas celles du CRSH, du CRSNG, des IRSC, ni du gouvernement du Canada.

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