« Contaminants nouvellement préoccupants » dans les eaux usées : les politiques gouvernementales et les lignes directrices de l’industrie suffisent-elles pour protéger la santé de la population et celle de la planète?
Le projet
Problème du 21e siècle, la modernisation des installations de traitement des eaux usées passe par la prise en compte des enjeux écologiques et sanitaires que présentent les contaminants nouvellement préoccupants. De nos jours, les procédés de ces installations sont efficaces pour retirer les débris solides, l’huile et la graisse, de même que les particules organiques dissoutes ou en suspension, mais ne sont pas conçus pour éliminer les polluants chimiques d’origine humaine produits par les industries et les ménages. Le gouvernement fédéral reconnaît que les effluents d’eaux usées sont « la plus importante source de rejets d’effluents, en volume, au Canada ». Il y a pourtant peu d’études sur la façon de protéger les sources d’eau douce – à la fois sources d’eau potable et habitat pour les poissons, la faune et le microbiote – des effluents des contaminants nouvellement préoccupants rejetés par les installations de traitement des eaux usées. Ce problème répandu, qui touche toute la population du pays et l’ensemble des écosystèmes de bassins versants, est attribuable à trois grands facteurs : 1) un vide juridique (dont l’absence d’un cadre de réglementation intégré commun à plusieurs ordres de gouvernement, pourtant nécessaire), 2) des lacunes en recherche (dont l’absence d’études sur les effets des contaminants nouvellement préoccupants sur la santé de la population et celle de la planète) et 3) des lacunes en innovation (notamment le peu de possibilités de financement d’innovations technologiques dans le domaine du traitement des eaux usées). L’examen a comporté une revue de la littérature exhaustive visant à établir les types et les quantités de contaminants nouvellement préoccupants dans les eaux usées, suivie d’entrevues avec des spécialistes des eaux usées, de la contamination par des contaminants nouvellement préoccupants et de la gouvernance de l’eau. Un atelier de transfert des connaissances est prévu à l’automne 2021 avec des spécialistes des installations de traitement et des représentants de municipalités et de ministères ainsi que des chercheurs. Cet atelier doit mener à la rédaction d’un livre blanc sur la réglementation des contaminants nouvellement préoccupants dans les eaux canadiennes.
Les principales constatations
- Le peu de données sur le type, le nombre et la quantité des différents contaminants nouvellement préoccupants qui sont déversés et entrent dans les sources d’eau douce en provenance des effluents d’eaux usées fait en sorte qu’il est compliqué d’évaluer tant les effets négatifs sur la population et les écosystèmes que l’ampleur du problème.
- Il n’existe pas de lignes directrices uniformisées relativement à une méthodologie d’analyse permettant de détecter le type et la quantité de contaminants nouvellement préoccupants dans les effluents d’eaux usées.
- Les installations de traitement des eaux usées ne sont pas tenues de se doter de dispositifs de détection ou de surveillance visant à mesurer la teneur en contaminants nouvellement préoccupants.
- Très peu d’études ont été menées sur les risques que posent les contaminants nouvellement préoccupants (bioaccumulés, mobiles, persistants ou hérités, dont certains surnommés « produits chimiques éternels »), et celles qui existent ne tiennent pas compte des effets synergiques des mélanges chimiques de ces contaminants.
- Il y a peu de financement (voire aucun) destiné à des recherches sur les risques pour la santé de la population ou de l’environnement, la surveillance, la détection, les procédés novateurs d’élimination des eaux usées et l’élaboration d’une approche réglementaire efficace.
En l’absence d’études sur la détection et la surveillance et d’évaluation des risques portant sur les quantités et les effets des contaminants nouvellement préoccupants déversés dans les sources d’eau douce, il est impossible de savoir ce que seront les conséquences à long terme. La réglementation peut stimuler l’innovation sur le plan technologique et l’élimination des contaminants nouvellement préoccupants provenant des déchets.
Ce que cela suppose pour les politiques
- Tous les ordres de gouvernement ainsi que le secteur des eaux usées sont mal préparés à traiter la pollution causée par les contaminants nouvellement préoccupants comme un problème généralisé qui touche la santé de la population canadienne et les écosystèmes de la biosphère.
- Face au manque de volonté politique dont font preuve tous les ordres de gouvernement, non seulement pour ce qui est de l’élimination des sources de pollution par des contaminants nouvellement préoccupants, mais également de la modernisation des installations de traitement des eaux usées, il faut élaborer des outils visant à réglementer ces contaminants (leur production, leur utilisation et leur élimination) et les orienter vers la source (secteur industriel, commercial ou public) dans le but de prévenir les déversements dans les égouts municipaux.
- Il existe un risque réglementaire pour les secteurs de l’économie qui fabriquent ou produisent des contaminants nouvellement préoccupants et les évacuent dans les égouts municipaux ou directement dans les eaux réceptrices sans traitement préalable des effluents dans leurs installations.
- Il est possible de faire œuvre de pionnier dans la mise au point de procédés novateurs de traitement des eaux éliminant les contaminants nouvellement préoccupants présents dans les rejets et de promouvoir le recours à des méthodes d’intelligence artificielle à l’appui d’une économie circulaire.
- Il faut davantage de possibilités de financement, qui pourraient être offertes par des partenariats public-privé visant la recherche et le développement en matière de procédés de traitement des eaux usées pouvant éliminer la pollution causée par les contaminants nouvellement préoccupants.
Complément d’information
Rapport intégral (en anglais)
Coordonnées des chercheurs
Kim Gilbride, professeure, Département de chimie et de biologie, Ryerson University gilbride@ryerson.ca
Rania Hamza, professeure adjointe, Département de génie civil, Ryerson University rhamza@ryerson.ca
Patricia Hania, professeure adjointe, Département de droit et d’administration des affaires, Ryerson University phania@ryerson.ca
Les opinions exprimées dans cette fiche sont celles des auteurs; elles ne sont pas celles du CRSH, du CRSNG, des IRSC, ni du gouvernement du Canada.
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