Qu’est-ce que la décroissance apporte à l’égalité des genres et à la justice sociale?

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Le projet

Nous avons puisé dans des données nationales, internationales et intersectorielles pour comprendre comment la décroissance – ou le ralentissement économique planifié – pourrait s’accorder avec l’égalité des genres et la justice sociale pour orienter les pratiques et politiques gouvernementales au Canada. Nous avons examiné la littérature et les données publiées au cours des onze dernières années (2010-2021) au sujet de la décroissance, de l’égalité des genres et de l’équité sociale en vue de définir les répercussions que la décroissance dans les pays industrialisés pourrait entraîner sur les relations de genre, l’égalité des genres, l’équité et la justice sociales. Nous avons également sélectionné des politiques et des programmes prometteurs provenant d’économies industrialisées, émergentes et en développement pour accorder la décroissance avec l’égalité des genres et la justice sociale.

La COVID-19 a été déclarée pandémie alors même que nous apprenions que la demande de subvention avait été acceptée. L’économie mondiale a chuté peu après, nous donnant l’occasion d’étudier en temps réel la décroissance et ses conséquences sur l’égalité des genres. Bien sûr, il est important de préciser que nous avions prévu d’étudier les liens avec l’égalité des genres et la justice sociale d’une décroissance planifiée et volontaire, et non d’un ralentissement économique imprévu causé par une pandémie; les personnes faisant la promotion de la décroissance visent un ralentissement de l’économie des pays industrialisés qui serait planifié plutôt que causé par une catastrophe ou la maladie. Néanmoins, immédiatement après l’officialisation du statut de pandémie de la COVID-19, diverses interventions appuyées par des personnes faisant la promotion de la décroissance, telles que l’aide au revenu de base, le télétravail et les conditions de travail flexibles, ont été déployées dans les pays industrialisés, émergents et en développement de partout dans le monde, ce qui a engendré une chance unique de comprendre les retombées stratégiques potentielles de la décroissance dans des circonstances contrôlées.

Les principales constatations

  • Au Canada, la Prestation canadienne d’urgence (PCU), bien que présentée comme programme d’aide au revenu temporaire plutôt que comme revenu de base universel, a ranimé le débat sur le revenu de base garanti pour toute la population canadienne sans égard à la situation d’emploi.
  • Le lancement de la PCU a aussi amené une discussion plus vaste sur les possibilités et les avantages d’une protection sociale universelle dans un cadre axé sur les droits de la personne et de la dissociation de la sécurité sociale et de la situation d’emploi.
  • La COVID-19 a créé une prise de conscience sans précédent concernant la définition du travail et des services essentiels au Canada : des voix se sont fait entendre pour la réforme complète de secteurs comme ceux des soins de longue durée, des services à domicile et de la garde d’enfants, ainsi que pour des salaires plus élevés, des emplois plus stables, des congés de maladie payés et d’autres protections sociales bonifiées pour les personnes travaillant dans ces domaines.
  • La croissance exceptionnelle du télétravail et des conditions de travail flexibles causée par la COVID-19 partout dans le monde pourrait aussi mener à des changements à long terme dans les façons de faire de nombreux secteurs d’emploi, changements lourds de conséquences pour l’égalité des genres.
  • Il est essentiel de renforcer les investissements à long terme dans le secteur des soins (y compris les soins aux personnes âgées, aux enfants et aux adultes ayant des besoins particuliers) pour permettre aux travailleurs de profiter au maximum du télétravail et des options de travail flexibles.
  • Il est également crucial d’offrir des heures de travail flexibles à tous les niveaux d’emploi, y compris pour les postes de direction et de gestion.
  • Pour que le télétravail soit efficace comme moyen de réduire les écarts fondés sur le genre dans les possibilités d’avancement de carrière, il importe de redéfinir ce qu’est l’« employée idéale » ou l’« employé idéal », en fonction de critères de rendement mesurables plutôt que du nombre d’heures travaillées. Ce changement profitera à l'ensemble des employées et employés : l’équilibre entre le travail et la vie familiale est devenu un problème pour toutes les personnes qui travaillent, quelle que soit leur identité de genre.
  • Les personnes faisant la promotion de la décroissance ont mis l’accent sur le fait que si les secteurs de l’économie mondiale qui consomment beaucoup d’énergie et de ressources doivent être réduits, surtout dans les pays industrialisés, les infrastructures démocratiques essentielles, pour les soins par exemple, doivent prendre de l’expansion et s’épanouir. La pandémie a démontré le besoin d’une réforme structurelle du secteur des soins.

Ce que cela suppose pour les politiques

  • Le déploiement de la PCU pendant la pandémie pourrait paver la voie à l’instauration d’un revenu de base universel au Canada.
  • Il est urgent et nécessaire d’ouvrir un dialogue stratégique national sur le revenu de base universel, au minimum.
  • Les leçons et les données probantes qui se sont dégagées de la pandémie ont le potentiel d’orienter l’adoption de politiques sociales et économiques adaptées qui pourraient profiter à de grands groupes de travailleuses et travailleurs essentiels actuellement sous-payés et occupant souvent des emplois précaires (préposées et préposés aux bénéficiaires, aides en santé, employées et employés de service d’assainissement, conductrices et conducteurs de camions, commises et commis d’épicerie, conditionneuses et conditionneurs de viande, etc.). Au sein de ces groupes, les femmes, les nouveaux arrivants, les minorités racisées et les travailleuses et travailleurs migrants enregistrés et non enregistrés sont surreprésentés.
  • Pour que le télétravail et les conditions de travail flexibles deviennent la norme et fassent ainsi progresser l’égalité des genres, il faut apporter des changements structurels aux normes d’emploi et de genre.
  • Les politiques visant l’expansion du secteur des soins et l’amélioration des salaires et des conditions de travail pourraient s’avérer des legs positifs de la COVID-19.
  • Avant la pandémie, les personnes faisant la promotion de la décroissance peinaient à convaincre la population de la valeur d’un ralentissement planifié des économies industrialisées et de l’expansion des activités et politiques de redistribution. Maintenant que nous avons des preuves tangibles qu’un système économique fondé sur l’exploitation excessive des ressources naturelles, la surproduction et la surconsommation n’est pas durable, le soutien à l’égard de la décroissance pourrait continuer de prendre de l’ampleur même lorsque la COVID-19 sera derrière nous.

Complément d’information

Rapport intégral (en anglais)

Coordonnées des chercheurs

Bipasha Baruah (chercheure principale), professeure et chaire de recherche canadienne en enjeux féminins mondiaux, Département de l’étude des genres, de la sexualité et de la condition féminine, Western University  bbaruah@uwo.ca

Les opinions exprimées dans cette fiche sont celles des auteurs; elles ne sont pas celles du CRSH, du CRSNG, des IRSC, ni du gouvernement du Canada.

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