Les rôles des provinces et des administrations investies de pouvoirs délégués dans la négociation et l’application d’un accord commercial entre le Canada et le Royaume-Uni
Le projet
Les négociations de l’Accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l’Union européenne sont les premières négociations menant à un accord de libre-échange auxquelles les provinces ont participé.
En revanche, on ignore quel rôle et quelle influence les administrations investies de pouvoirs délégués du Royaume-Uni – l’Écosse, l’Irlande du Nord et le pays de Galles – pourraient avoir dans la négociation ou la mise en application d’accords commerciaux après la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne (Brexit). Le Royaume-Uni ne s’est pas doté de principes constitutionnels clairs sur les rôles que ces administrations devraient jouer dans les politiques commerciales. Une situation nébuleuse que le caractère asymétrique de la délégation de pouvoirs rend encore plus complexe.
Le projet de synthèse des connaissances avait pour but d’examiner comment des négociations commerciales bilatérales entre le Canada et le Royaume-Uni pourraient donner lieu à des approches nouvelles et originales quant à la participation des entités infraétatiques aussi bien aux négociations comme telles qu’à l’examen de la question cruciale de la promotion des échanges commerciaux. Les deux grands objectifs visés étaient les suivants :
- mieux comprendre les différences entre le modèle canadien et celui du Royaume-Uni et examiner comment ces modèles pourraient être conciliés dans la foulée d’éventuelles négociations bilatérales;
- examiner de quelle manière les provinces canadiennes et les administrations investies de pouvoirs délégués du Royaume-Uni pourraient participer à de futures négociations commerciales et proposer des moyens d’améliorer et d’optimiser cette participation, tant au Canada qu’au Royaume-Uni.
Les principales constatations
- Pendant la renégociation de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), le degré de collaboration entre les négociateurs fédéraux et provinciaux se situait à mi-chemin de ceux observés pendant les négociations de l’Accord économique et commercial global (AECG) et les négociations du Partenariat transpacifique. Le gouvernement fédéral a conservé la responsabilité des décisions finales et les provinces n’ont participé à aucun des processus d’arbitrage ni aux décisions portant sur des questions délicates. L’Union européenne a insisté pour que les provinces participent aux négociations de l’AECG, et c’est sans doute ce qui explique cette collaboration entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux. Le degré de participation des provinces, advenant des négociations entre le Canada et le Royaume-Uni, demeure mal défini, et il varierait en fonction des questions examinées.
- Par ailleurs, les processus d’examen et de ratification d’accords commerciaux en vigueur au Royaume-Uni sont inadéquats. Aucun rôle officiel n’est attribué aux administrations ni aux assemblées législatives à cet égard. Nul ne sait dans quelle mesure le gouvernement du Royaume-Uni est vraiment résolu à permettre aux assemblées législatives et aux parlements investis de pouvoirs délégués d’exercer une influence sur l’élaboration d’accords commerciaux après le Brexit. Pour que les institutions des administrations investies de pouvoirs délégués puissent réellement participer à l’élaboration et à l’examen de futurs accords commerciaux, il faudra modifier substantiellement les relations intergouvernementales actuelles. Comme le gouvernement du Royaume-Uni sera en mesure de commencer à négocier des accords commerciaux dès la sortie de l’Union européenne, il est urgent de clarifier ces questions pour éviter de nouvelles crises constitutionnelles.
- Le Canada et le Royaume-Uni comptent tous deux des organismes infranationaux de promotion du commerce et des investissements bien établis. Les principales provinces sont déjà représentées au Royaume-Uni, et les administrations investies de pouvoirs délégués le sont au Canada, par des bureaux de promotion du commerce et des investissements. Ces bureaux, qui fournissent de l’information sur les marchés et facilitent le réseautage, sont très utiles, particulièrement en période d’instabilité économique. Ils ont des effets positifs sur le commerce et les investissements. Ils sont également les mieux placés pour informer les gouvernements et les négociateurs des lacunes et des possibilités du marché, surtout en période d’incertitude et d’instabilité économique, et pour servir d’intermédiaires avec des régions ou des pays qui ne sont pas encore d’importants partenaires commerciaux ou qui ne font pas encore partie d’une zone de libre-échange.
Ce que cela suppose pour les politiques
- Au Canada, le Conseil de la fédération devrait organiser une ou plusieurs rencontres pour discuter des rôles des provinces et des territoires dans les négociations commerciales internationales. Ses membres devraient également convenir d’un ensemble de principes à présenter au gouvernement fédéral, dans le but d’harmoniser les pratiques à adopter au cours de futures négociations commerciales.
- Advenant des négociations commerciales entre le Canada et le Royaume-Uni, les provinces et les administrations investies de pouvoirs délégués devraient s’entendre sur un ensemble de demandes communes quant à leur participation aux négociations et en ce qui concerne les questions qui sont du ressort des provinces ou des administrations.
- Dans le cadre d’un renforcement général du système qui régit les relations intergouvernementales au Royaume-Uni, il y aurait lieu de créer un comité interministériel mixte sur le commerce afin de permettre aux administrations investies de pouvoirs délégués de contribuer aux positions prises par le Royaume-Uni dans le cadre des négociations et de faire en sorte que les intérêts de ces administrations y soient représentés. Le comité interministériel mixte pourrait notamment jouer un rôle clé en fournissant des avis indépendants au gouvernement central et aux administrations sur les incidences que différents accords commerciaux pourraient avoir sur les compétences des administrations investies de pouvoirs délégués.
- L’analyse de l’expérience canadienne incite les chercheurs à recommander que les administrations investies de pouvoirs délégués participent à la préparation des mandats de négociation et aux négociations commerciales, en particulier dans les domaines où ces administrations ont des intérêts ou une expertise. Cette participation réduirait le risque que des désaccords fondamentaux surviennent au moment de mettre la dernière main aux accords commerciaux.
- Après la sortie de l’Union européenne, les modalités d’examen devront être renforcées, tant au niveau du Parlement du Royaume-Uni qu’à celui des assemblées législatives investies de pouvoirs délégués, afin d’assurer la transparence des accords commerciaux et de leurs incidences. Il faudrait créer un comité intergouvernemental du commerce qui jouerait un rôle comparable à celui du Comité c-commerce du Canada, c’est-à-dire qui conseillerait directement chaque assemblée législative et apporterait son soutien à l’examen minutieux des accords commerciaux au fur et à mesure de leur élaboration.
- Dans les provinces et les administrations investies de pouvoirs délégués, les organismes chargés de la promotion du commerce et des investissements et leurs représentants devraient être consultés plus systématiquement ou même être intégrés au processus d’élaboration des mandats des négociateurs. Il serait ainsi possible de s’assurer que les priorités nationales sont compatibles avec les besoins des marchés des provinces et des administrations et avec ceux des (petits) exportateurs et investisseurs.
Complément d’information
Rapport intégral (en anglais)
Coordonnées des chercheurs
Stéphane Paquin, professeur, École nationale d’administration publique, et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en économie politique internationale et comparée stephane.paquin@enap.ca
Hubert Rioux Ouimet, chercheur postdoctoral titulaire d’une bourse Banting, École nationale d’administration publique hubrioux@gmail.com
Ian Wooton, professeur de sciences économiques, University of Strathclyde ian.wooton@strath.ac.uk
Graeme Roy, professeur et directeur du Département des sciences économiques, University of Strathclyde graeme.roy@strath.ac.uk
David Eiser, chercheur, Fraser of Allander Institute, University of Strathclyde david.eiser@strath.ac.uk
Ce projet de recherche a été financé par le Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH) et l’Economic and Social Research Council (ESRC), qui fait partie de UK Research and Innovation, dans le cadre du concours visant l’attribution de subventions de synthèse des connaissances pour examiner l’avenir des relations commerciales entre le Canada et le Royaume-Uni. Les opinions exprimées dans cette fiche sont celles des auteurs; elles ne correspondent pas nécessairement à celles du CRSH et de l’ESRC.
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