Libre-échange Canada – Royaume-Uni : un équilibre à trouver entre politiques commerciales progressistes et avantages économiques
Le projet
Le Royaume-Uni et le Canada font tous deux face à certaines incertitudes dans la gestion de leurs relations avec leurs plus importants partenaires commerciaux. La stabilité et la prospérité économique des deux pays sont menacées, d’une part, par la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne (Brexit) et, d’autre part, par un virage abrupt des États-Unis en faveur de mesures protectionnistes. Afin d’assurer le succès des négociations commerciales bilatérales entre le Canada et le Royaume-Uni, les responsables des politiques doivent analyser les raisons qui ont entraîné le vote en faveur du Brexit au Royaume-Uni et l’élection d’une administration populiste et protectionniste aux États-Unis.
Les auteurs du rapport examinent de quelle manière le Canada et le Royaume-Uni peuvent adopter des mesures commerciales progressistes favorisant l’inclusion et susceptibles d’obtenir l’adhésion de leurs citoyens-électeurs respectifs. Ils se fondent sur un vaste ensemble de données de différentes sources, dont un examen détaillé des accords commerciaux préférentiels (ACP), des entrevues avec des experts en la matière, des responsables des politiques et de hauts fonctionnaires provinciaux du Canada, ainsi qu’un examen pluridisciplinaire de textes universitaires.
Le rapport fait état des quatre grandes critiques émises par la société civile à l’égard des ACP. Pour obtenir l’appui de la population, un accord commercial Canada – Royaume Uni devra tenir compte à la fois de ces quatre critiques et des différentes sphères de la société, dont les sphères individuelles, internationales et intergouvernementales.
- Le contexte dans lequel s’inscrit le mouvement protectionniste à l’échelle mondiale et au Royaume-Uni. Le rapport désigne un groupe démographique qui est susceptible d’adhérer aux valeurs du mouvement antimondialisation, dans le but d’aider les responsables des politiques à concevoir des mesures de soutien et des politiques d’accompagnement visant à remédier aux causes d’une possible privation de droits de ce groupe.
- Les répercussions économiques du Brexit au Royaume-Uni. L’analyse des répercussions économiques globales du Brexit et la détermination des gagnants et des perdants de ce retrait de l’Union européenne font ressortir l’importance, pour le Royaume-Uni, de mettre en place des ACP progressistes avec des partenaires commerciaux comme le Canada.
- Un libre-échange équitable. Les ACP doivent prévoir des mesures assurant le respect des normes environnementales et sociales, dont des mesures de soutien à l’adaptation de la main-d’œuvre. Les enseignements tirés des récentes négociations d’accords de libre-échange (l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne, le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement entre les États-Unis et l’Union européenne et l’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste) permettent de dégager les bonnes pratiques à adopter pour gagner des appuis et surmonter l’opposition à l’intérieur d’un pays. Quels sont les règlements et les programmes de formation les plus pertinents pouvant être intégrés dans un ACP?
- Le rôle des gouvernements infranationaux. La légitimité d’un État qui conclut et met en œuvre un ACP dépend de sa capacité de gérer des modifications aux politiques qui peuvent donner lieu à des disparités régionales. Les tensions intérieures peuvent mener à l’échec d’un accord commercial en raison de répercussions différentielles et de l’empiétement sur des compétences infranationales ou régionales.
Les principales constatations
- Ceux qui n’ont pas tiré parti du libre-échange, travailleurs mutés et populations déplacées au premier chef, soutiennent les mouvements protectionnistes actuels. D’autres groupes d’intérêt public critiquent la mondialisation parce qu’elle ne parvient pas à garantir le respect des droits de la personne et de normes environnementales adéquates.
- Le Brexit aura de profondes répercussions négatives sur l’économie du Royaume-Uni, dont l’ampleur dépendra de la nouvelle dynamique qui s’installera entre le pays et l’Union européenne et des relations qui seront établies avec d’autres pays.
- La portée et la force exécutoire des dispositions prévues dans les ACP en matière de réglementation du travail et de l’environnement gagnent graduellement en importance.
- Les ACP se sont imposés comme cadre privilégié pour la négociation de règles non commerciales en échange d’un accès aux marchés parce qu’ils permettent de lier des objectifs politiques non commerciaux à des accords de plus en plus judiciarisés. À la rigueur, la force exécutoire de ces engagements réglementaires pourrait être accrue lorsqu’ils sont liés à des accords commerciaux, car des mesures de rétorsion commerciale pourraient être autorisées en cas de non-respect, que ce soit à l’issue du règlement d’un différend ou par le truchement d’une mesure unilatérale.
- L’atteinte des objectifs nationaux au moyen des dispositions relatives au travail et à l’environnement dépend encore de facteurs intérieurs, comme la volonté politique et les ressources en place pour appliquer les lois s’y rattachant.
- La Constitution canadienne et le système des assemblées législatives investies de pouvoirs délégués du Royaume-Uni confèrent les compétences nécessaires aux gouvernements infranationaux, y compris les compétences en matière de travail, d’environnement et de nombreux programmes sociaux. À mesure que les ACP se feront plus progressistes, ils auront davantage d’incidence sur ces champs de compétence, ce qui pourra modifier le rôle des gouvernements infranationaux dans les affaires internationales.
Ce que cela suppose pour les politiques
- Le Brexit entraînera une réduction du revenu par habitant au Royaume-Uni. Afin d’atténuer les coûts économiques de son retrait de l’Union européenne, le Royaume-Uni doit demeurer étroitement intégré au marché unique et maintenir un accès aux marchés nationaux de ses autres partenaires, dont le Canada, similaire à celui dont il dispose actuellement en tant que membre de l’Union européenne.
- Le Royaume-Uni et le Canada doivent négocier un ACP doté de dispositions rigoureuses sur le plan de l’environnement et de la main-d’œuvre. L’inclusion d’un organe indépendant d’application de la loi ou de cibles spécifiques rattachées aux engagements de l’accord commercial constituerait une initiative progressiste, quoique sans précédent.
- Des recherches approfondies seront nécessaires pour déterminer comment un ACP plus progressiste pourrait concrètement tenir compte de questions telles que la surveillance indépendante et le respect des normes du travail et de l’environnement ainsi que des droits sociaux ou encore l’atteinte des objectifs nationaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre faisant l’objet d’un engagement gouvernemental en vertu de l’Accord de Paris.
- La réussite d’un ACP entre le Canada et le Royaume-Uni repose sur l’adhésion des différentes sphères de compétence chargées de sa mise en application. Des stratégies devront être déployées pour obtenir cette adhésion. Il peut s’agir de consultations, de collaborations et de la mise en place de nouveaux mécanismes institutionnels de négociation avec les gouvernements infranationaux.
Complément d’information
Rapport intégral (en anglais)
Coordonnées des chercheurs
Kamala Dawar, maître de conférences principale en droit commercial, University of Sussex k.dawar@sussex.ac.uk
Eugene Beaulieu, professeur au Département des sciences économiques et directeur du programme d’économie internationale, School of Public Policy, University of Calgary beaulieu@ucalgary.ca
Lindsey Garner-Knapp, chercheure associée, School of Public Policy, University of Calgary lgarnerk@ucalgary.ca
Ce projet de recherche a été financé par le Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH) et l’Economic and Social Research Council (ESRC), qui fait partie de UK Research and Innovation, dans le cadre du concours visant l’attribution de subventions de synthèse des connaissances pour examiner l’avenir des relations commerciales entre le Canada et le Royaume-Uni. Les opinions exprimées dans cette fiche sont celles des auteurs; elles ne correspondent pas nécessairement à celles du CRSH et de l’ESRC.
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