La lauréate du prix Partenariat de 2014 met à profit ses connaissances pour aider à prévenir l’intimidation
On voit tous les jours, dans les journaux et aux nouvelles, les conséquences tragiques de l’intimidation. Toutefois, si les cas bien en vue font toujours les manchettes au pays et dans le monde, des milliers de cas ne sont jamais dévoilés et ne sont donc jamais connus du public. En salle de classe, dans la cour d’école et même en ligne, des enfants canadiens sont confrontés à une vague sans précédent d’intimidation et de cyberintimidation.
Wendy Craig, lauréate du prix Partenariat de 2014 du CRSH et codirectrice scientifique, de concert avec Debra Pepler, du Réseau pour la promotion de relations saines et l’élimination de la violence (PREVNet), est une spécialiste prééminente de l’intimidation et de ses effets. Mme Pepler et elle ont consacré plus de 20 ans à l’étude de l’intimidation, de ses effets sur les jeunes personnes et des moyens de prévention, voire d’élimination complète, de cette menace.
Mme Craig et Mme Pepler ont publié de nombreux ouvrages sur les interactions sociales des enfants. Leur recherche a été soulignée pour avoir jeté les fondements de notre compréhension actuelle de l’intimidation et de la victimisation, des processus relatifs aux pairs, du harcèlement sexuel et de l’agressivité chez les filles et de la délinquance juvénile. Elles collaborent régulièrement avec des parents et des enseignants au pays et ont partagé leurs connaissances spécialisées dans des forums publics, ont consulté des gouvernements et des organisations, ont paru à l’émission télévisée de Oprah Winfrey et ont donné des conseils à Lady Gaga au sujet d’un projet de lutte contre l’intimidation.
« Un problème de relations »
Même si on reconnaît de manière générale la douleur, le stress et les effets à long terme de l’intimidation, le Canada a buté contre des obstacles dans ses efforts de prévention de l’intimidation et de la victimisation. Même si l’on compte au pays de nombreux programmes locaux, provinciaux et nationaux visant à réduire l’intimidation, peu de ces programmes sont fondés sur les faits ou les preuves, et moins encore sont régulièrement évalués ou évalués de manière uniforme pour en connaître l’efficacité.
Sur le plan du développement, les leçons tirées de l’intimidation dans ses relations avec les pairs sont appliquées de manière générale à d’autres relations importantes pour le développement, notamment les relations amoureuses.
En réponse directe à l’absence de programmes systématiques fondés sur les preuves, Mme Craig, en partenariat avec la chercheure de l’Université York, Debra Pepler, ont lancé PREVNet en 2006 dans le cadre des Réseaux de centres d’excellence.
« L’intimidation est un problème de relations, indique Mme Craig. C’est l’affirmation du pouvoir par l’agression. Dans une relation de ce type, les enfants victimes de l’intimidation perdent de plus en plus la capacité de se défendre. Sur le plan du développement, les leçons tirées de l’intimidation dans ses relations avec les pairs sont appliquées de manière générale à d’autres relations importantes pour le développement, notamment les relations amoureuses. »
Mme Craig est très présente au sein de l’Organisation mondiale de la santé et est membre de la table ronde nord-américaine sur la violence contre les enfants des Nations Unies. En 2007, Mme Craig et Mme Pepler étaient les personnes responsable de la création de la table ronde internationale sur la prévention de l’intimidation et de la monumentale « Déclaration de Kandersteg », en Suisse. Décrivant les grands principes de la lutte contre l’intimidation, la déclaration a depuis été signée par plus de 30 pays. Elle est l’un des deux consultants internationaux membres du Groupe de travail sur la prévention de l’intimidation aux États-Unis et a récemment fait partie d’un groupe d’experts pour le Centers for Disease Control, dans le but de créer une définition uniforme de l’intimidation.
Améliorer la vie des enfants
Vaste réseau de chercheurs et d’organismes offrant des services aux jeunes à l’échelle du Canada, PREVNet a un double mandat, soit d’éliminer l’intimidation au Canada et de promouvoir des relations sécuritaires et saines pour l’ensemble des enfants et des jeunes du Canada. Depuis 2006, le partenariat a évolué en une équipe formée de 127 chercheurs, de 120 étudiants des cycles supérieurs, de 28 universités et de 61 partenaires nationaux, ce qui crée une occasion sans précédent de changer notre compréhension des problèmes d’intimidation au pays et nos moyens de lutte contre celle-ci.
Nous souhaitons […] transmettre des résultats de recherche qui auront potentiellement des effets concrets sur le fonctionnement même des enfants et des jeunes …
« Ce que nous souhaitons accomplir avec PREVNet, a indiqué Mme Craig, c’est de transmettre des résultats de recherche qui auront potentiellement des effets concrets sur le fonctionnement même des enfants et des jeunes, aux personnes qui en ont le plus besoin, notamment les intervenants, les enseignants, les leaders adultes et les parents, pour qu’ils puissent se servir de cette information sur le terrain même. »
Grâce à PREVNet, Mme Craig et Mme Pepler éliminent le fossé entre la recherche universitaire, les politiques publiques et l’action communautaire, en fournissant aux gens et aux organisations les connaissances, les stratégies et les outils qu’il leur faut pour contrer tout comportement intimidateur et prévenir la violence. Il s’agit du tout premier partenariat de recherche de la sorte au Canada, partenariat où on collabore directement avec les organisations pour approfondir sa compréhension de l’importance de relations saines. Ensemble, PREVNet et ses partenaires créent des initiatives de prévention de l’intimidation adaptées aux communautés et aux organisations, y compris des présentations éducatives, des guides, des activités et des ressources.
Au cours des huit dernières années, le partenariat a participé directement à 150 projets de mobilisation des connaissances au pays, projets qui ont mis des chercheurs et des organisations directement en contact avec des enfants, soit des enseignants, des psychologues, des travailleurs sociaux et des travailleurs de garde après l’école, avec des ministères de l’éducation et des organisations de santé publique, dans le but de mettre sur pied et de diffuser des programmes qui permettent d’éliminer la violence et de promouvoir des relations saines.
Une responsabilité communautaire
Le prix Partenariat accordé à Wendy Craig souligne les efforts de cette professeure de psychologie de la Queen’s University dans le but de former un partenariat officiel aux réalisations exceptionnelles; le prix est décerné à un partenariat qui, par la coopération et la mise en commun de leadership intellectuel et de ressources, a démontré ses effets et son influence au sein de la communauté des chercheurs en sciences humaines et au-delà de celle-ci.
Pour Mme Craig et Mme Pepler, réduire ou prévenir l’intimidation est une responsabilité communautaire et non pas uniquement la responsabilité des réseaux d’éducation et des commissions scolaires. Les parents, les enseignants et les bénévoles doivent tous collaborer pour créer des milieux sécuritaires où chacun est traité avec respect et où l’on favorise des relations saines.
Si nous comprenons à fond l’intimidation et si nous cernons des techniques pour la contrer, nous pourrons, selon Mme Craig, changer les attitudes et les actions en société et peut-être même éliminer pour de bon l’intimidation.