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Jean-Jacques Nattiez

Médaille d’or du CRSH pour les réalisations en recherche

Médaille d’or  du CRSH : Jean-Jacques Nattiez   « L’approche sémiologique que je propose s’applique à n’importe quel type de musique, à n’importe quelle culture et à n’importe quel moment de l’histoire. Ériger des barrières épistémologiques et institutionnelles entre les dimensions historique, anthropologique, psychologique et esthétique appauvrit l’étude de la musique. Je ne crois pas que l’on puisse expliquer adéquatement une œuvre ou une production musicale en se limitant à un seul de ces aspects. »

Jean-Jacques Nattiez, lauréat de la Médaille d’or du CRSH de 2009 pour les réalisations en recherche, est une sommité mondiale en musicologie, plus précisément en sémiologie de la musique. Né en 1945 à l’ombre de la célèbre cathédrale d’Amiens, en France, cet insatiable curieux, qui a grandi dans une famille où les lettres et la musique occupent une place prépondérante, a accepté, en 1972, un poste de professeur à la Faculté de musique de l’Université de Montréal, où il enseigne depuis.

Les prix et les distinctions qu’il a récoltés jusqu’à maintenant sont autant d’étapes qui ont marqué sa carrière de chercheur. Pour lui, l’obtention de la Médaille d’or du CRSH confirme le fait que la musicologie est maintenant reconnue comme appartenant de plein droit au concert des sciences humaines. « C’est ce que j’ai voulu obtenir pendant toute ma vie. »

L’approche multidisciplinaire que prône Jean-Jacques Nattiez a fait de lui un penseur, un auteur et un chercheur phare dans le milieu de la musicologie. En effet, très peu de musicologues intègrent à la fois l’histoire de la musique, l’analyse musicale et l’ethnomusicologie dans leur démarche scientifique. La psychologie et l’esthétique musicales sont également très présentes dans son travail.

Ce pionnier de la sémiologie musicale croit qu’il faut emprunter plusieurs chemins pour bien comprendre une musique particulière. « Les structures musicales et le contexte historique demeurent importants, mais il faut aussi tenir compte de la dimension culturelle qu’éclaire l’anthropologie ainsi que de la dimension cognitive que cherche à pénétrer la psychologie. Mon projet a toujours été, et est toujours, de construire une musicologie générale, soit un ensemble de méthodes qui permettent l’analyse et l’interprétation de tous les types d’œuvres et de productions musicales. »

Une approche qu’il a tôt fait de mettre en pratique dès son arrivée au Canada en s’intéressant aux jeux de gorge des femmes inuit. Soutenus par le CRSH, lui et son équipe ont ainsi pu réaliser le premier disque d’une musique devenue aujourd’hui l’un des symboles forts de la culture inuit – pour lequel ils se sont vu attribuer, en 1979, le Grand Prix international du disque de l’Académie Charles-Cros. Grâce à cet enregistrement, maintes fois réédité depuis sa première parution, en 1976, le monde découvre enfin ce trésor de la culture canadienne jusque-là quasi inconnu.

Toujours animé par la même passion, Jean-Jacques Nattiez poursuit son chemin dans le monde de la musique. Ou, devrait-on peut-être dire, dans la musique du monde. Car, depuis près de 40 ans, il étudie aussi bien la musique classique de tradition européenne (Richard Wagner) que la musique contemporaine (Pierre Boulez) ou celle des Aïnous, au Japon, et des Bagandas, en Ouganda.

Par ses recherches et ses réflexions, il a ouvert la voie à la sémiologie musicale. En dotant la musicologie d’outils d’analyse et d’interprétation rigoureux et originaux, il a joué un rôle déterminant dans le développement du savoir dans ce domaine. Et, à titre de critique, de conférencier et de professeur invité, il a contribué à une diffusion planétaire de ce savoir.

Modèle de rigueur intellectuelle pour tous les étudiants qui l’ont côtoyé, le professeur n’hésite jamais à leur faire la courte échelle. Ainsi, chaque fois qu’il le peut, il favorise la publication des meilleurs travaux qu’il lit au cours de l’année. Véritable source d’inspiration pour la relève, cet amoureux de la musique a aussi permis à des compositeurs d’approfondir leurs potentialités créatives.

Auteur prolifique, Jean-Jacques Nattiez ne connaît pas le syndrome de la page blanche. Une bibliographie « sommaire » d’une vingtaine de pages suffit à peine à recenser ses écrits et ouvrages les plus significatifs, parmi lesquels figure la réalisation, sous sa direction, de l’encyclopédie Musiques (en cinq volumes), publiée à la fois en italien et en français. Et tout indique que sa verve n’est pas à la veille de se tarir.

« Au cours des cinq prochaines années, je vais compléter ce que j’ai commencé. » Sur sa table de travail se côtoient un traité de musicologie générale (à paraître en 2010), un bilan critique de la musicologie, un recueil de ses diverses contributions à l’analyse musicale (dont certaines sont inédites), un essai sur le délicat problème de l’antisémitisme de Wagner ainsi qu’une synthèse sur la musique des Inuit.

Jean-Jacques Nattiez s’est imposé très rapidement dans le paysage musicologique d’ici et d’ailleurs, ce qui lui a valu de nombreuses distinctions, dont le prix Koizumi-Fumio (Japon, 1998), le seul au monde dédié à l’ethnomusicologie. Membre de l’Ordre du Canada depuis 1990, Chevalier de l’Ordre national du Québec depuis 2001 et lauréat de la Médaille de l’Académie des lettres du Québec en 2009, il a reçu à peu près tous les honneurs possibles au Canada, entre autres les prix Molson, Killam et Léon-Gérin. Divers pays, comme l’Italie, le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne, ont aussi honoré sa contribution scientifique. Ses ouvrages les plus importants ont été traduits en anglais, en italien, en japonais, en roumain et, depuis peu, en portugais, ce qui témoigne une fois de plus de sa renommée internationale.

Avec un parcours aussi exceptionnel, on comprend la maison d’édition milanaise Ricordi d’avoir confié à Jean-Jacques Nattiez le commissariat de la somptueuse exposition That’s Opera!, présentée à Bruxelles en 2008-2009, qui deviendra un musée permanent de l’opéra à Milan à compter de 2010. On peut aussi imaginer avec quel enthousiasme celui qui, tout jeune, écoutait les retransmissions radiophoniques du Festival de Bayreuth a pu accepter une telle proposition.

La Médaille d'or du CRSH pour les réalisations en recherche représente le plus grand honneur que le Conseil de recherches en sciences humaines puisse décerner. Cette médaille est remise à un chercheur qui, par son leadership, son dévouement et l'originalité de sa pensée, a contribué de façon remarquable à l’avancement des connaissances dans son domaine de recherche, à l’enrichissement de la société canadienne et à l’amélioration de la vie culturelle et intellectuelle de tous ses membres.