Un outil canadien pour lutter contre le cancer


Fonds Nouvelles frontières en recherche | Date de publication :

Un scientifique travaille dans une cellule chaude de traitement radiochimique à TRIUMF.
Photo : TRIUMF

Une équipe de recherche du Canada qui s’étend de la Colombie-Britannique au Québec est en train de mettre au point une nouvelle façon de traiter les cancers en phase avancée. Le projet, intitulé Rare Isotopes to Transform Cancer Therapy, sera soutenu au cours des six prochaines années par une subvention du volet Transformation du fonds Nouvelles frontières en recherche, d’une valeur de près de 24 millions de dollars.

« Cela nous donne le financement et les ressources dont nous avons besoin pour mener ce projet à bien », déclare François Bénard (biographie en anglais), chercheur principal désigné du projet. Ce professeur de radiologie est également doyen associé de la Faculté de médecine de la University of British Columbia et directeur exécutif du BC Cancer Research Institute.

« Cela va vraiment nous aider à faire avancer les choses », dit-il.

[P]rès d’un Canadienne et Canadien sur deux recevra un diagnostic de cancer au cours de sa vie, et un sur quatre en mourra.

Le projet vise à exploiter la puissance de la médecine nucléaire pour introduire de nouveaux médicaments candidats dans le traitement de cancers spécifiques, notamment les cancers de la prostate, du pancréas, du sein et du sang. Une équipe multidisciplinaire talentueuse, composée de physiciennes et physiciens nucléaires, d’ingénieures et ingénieurs nucléaires, de chimistes, de biologistes et d’oncologues, utilisera des isotopes radioactifs (atomes contenant une combinaison instable de neutrons et de protons) pour mettre au point le « Saint Graal » du traitement du cancer.

La recherche de nouveaux traitements est particulièrement pertinente et urgente au Canada, où le cancer est la première cause de mortalité. À l’échelle mondiale, la première cause de mortalité est la cardiopathie, mais le vieillissement de la population canadienne fait que de plus en plus de personnes reçoivent un diagnostic de cancer : près d’un Canadienne et Canadien sur deux recevra un diagnostic de cancer au cours de sa vie, et un sur quatre en mourra. Les taux de survie s’améliorent pour les cancers à un stade précoce, mais les taux de mortalité restent obstinément élevés pour les cancers à un stade plus avancé.

Les isotopes radioactifs offrent un nouvel espoir aux personnes dont le cancer s’est métastasé. Les tumeurs cancéreuses sont sensibles aux radiations. En injectant aux patientes et patients de très petites quantités d’isotopes radioactifs attachés à des molécules de conception, il est possible d’administrer un traitement efficace visant directement les cellules cancéreuses. L’actinium-225 (Ac-225) en est un excellent exemple. Dans un cas allemand de 2015 qui a attiré l’attention du monde entier, un homme de 70 ans atteint d’un cancer de la prostate en phase terminale et ayant épuisé toutes les autres options thérapeutiques a reçu un médicament prometteur mais non testé, l’Ac-225. Il est entré en rémission complète.

François Bénard et Chengcheng Zhang, scientifique de BC Cancer, observent la synthèse de peptides ciblant le cancer.

François Bénard et Chengcheng Zhang, scientifique de BC Cancer, observent la synthèse de peptides ciblant le cancer.
Photo : TRIUMF, Faculté de médecine de la University of British Columbia/Paul Joseph



Le chercheur décrit les produits radiopharmaceutiques ciblés comme des médicaments intelligents : ils circulent dans le sang jusqu’à ce qu'ils rencontrent des cellules cancéreuses, auxquelles ils se collent très étroitement, provoquant une accumulation rapide du médicament radioactif sur les sites tumoraux. Cela leur permet de délivrer des radiations de manière très précise sur plusieurs sites du corps, en tuant les cellules cancéreuses, tout en causant peu de dommages aux tissus sains situés à proximité. Ce traitement est donc plus précis que la radiothérapie et la chimiothérapie, les principaux moyens de lutte contre le cancer.

La difficulté de la recherche et de l’utilisation de l’isotope réside dans sa rareté. Il provient des restes de la production d’armes atomiques dans les années 1950 et 1960. À l’échelle mondiale, les réserves naturelles d’Ac-225 équivalent à quelques grains de sable, soit environ la quantité nécessaire pour traiter 2 000 patients par an.

C’est là qu’intervient la cochercheure principale du projet. Caterina Ramogida est professeure adjoint de chimie à la Simon Fraser University, nommée conjointement à TRIUMF, le centre d’accélérateurs de particules nucléaires du Canada. L’un de ses projets alors qu’elle était chercheure postdoctorale à TRIUMF, consistait à trouver un moyen de fabriquer l’Ac-225.

« Nous avons utilisé une méthode différente de celle que nous utilisons aujourd’hui. Mais nous avons pu produire de petites quantités avec lesquelles nous avons pu faire un peu de recherche, explique-t-elle.

À présent, elle va mettre à profit son expertise en chimie pour aider l’équipe de recherche à concevoir le meilleur moyen de relier chaque isotope à la molécule ciblant la maladie et d’assurer son transport en toute sécurité dans l’organisme. Cette étape est essentielle pour développer des médicaments capables de cibler plusieurs types de cancer.

TRIUMF sera la base de production du projet sur les isotopes. Mais depuis les débuts de la chercheure, l’objectif de production a augmenté de façon exponentielle. Les chercheures et chercheurs veulent produire suffisamment d’Ac-225 pour que le Canada devienne le fournisseur mondial pour répondre à l’augmentation prévue de la demande mondiale.

[L]e fait d’avoir le point de vue des chercheurs en sciences sociales, d’obtenir des données sur le point de vue des patientes et patients et des cliniciennes et cliniciens, est vraiment intéressant pour nous et nous aidera à faire des choix plus judicieux…

Tout au long du processus de recherche, les spécialistes en sciences sociales de l’équipe fourniront des données sur la manière dont les patientes et patients et les cliniciennes et cliniciens sont susceptibles de réagir à ce nouveau type de traitement. Il s’agit d’un aspect unique du projet, encouragé par les exigences transdisciplinaires du volet « Transformation ». La chercheure pense qu’en fin de compte, le projet sera plus fructueux.

« En tant que chercheure, j’ai mon point de vue sur ce que je pense être une bonne idée d’un point de vue scientifique. Mais le fait d’avoir le point de vue des chercheurs en sciences sociales, d’obtenir des données sur le point de vue des patientes et patients et des cliniciennes et cliniciens, est vraiment intéressant pour nous et nous aidera à faire des choix plus judicieux quant aux sujets sur lesquels nous investissons notre temps dans la recherche », explique-t-elle.

Le chercheur est convaincu que la recherche améliorera considérablement la qualité et l’espérance de vie des patientes et patients atteints de cancers métastatiques.

« Je pense que beaucoup d’entre nous ont été frappés par la possibilité d’utiliser cette technologie pour obtenir des réponses vraiment très profondes et améliorer les soins prodigués aux patientes et patients atteints de cancer. Nous voulons vraiment travailler ensemble pour renforcer la capacité du Canada à mettre au point ces médicaments et à développer une capacité nationale de production d'isotopes », explique M. Bénard.


Date de modification :