Repenser la recherche sur les troubles cérébraux


Fonds Nouvelles frontières en recherche | Date de publication :

Ravi Menon et le scientifique Alex Li au Centre de cartographie fonctionnelle et métabolique
Photo : Mac Lai, Schulich School of Medicine and Dentistry

Une équipe de recherche compte révolutionner la façon dont est menée la recherche visant à concevoir de nouveaux médicaments pour traiter les troubles cérébraux comme la maladie d’Alzheimer et la maladie de Parkinson. Cette équipe multidisciplinaire pancanadienne a reçu une subvention de 24 millions de dollars du gouvernement du Canada pour mettre en place une plateforme scientifique ouverte et novatrice afin de partager ses résultats de recherche et ses connaissances avec l’ensemble de la communauté scientifique.

« Cette plateforme permettra de revigorer et d’accélérer la découverte de médicaments dans le domaine des neurosciences au Canada et dans le monde, affirme Ravi Menon (site Web en anglais), professeur à la Schulich School of Medicine and Dentistry de la Western University. D’ici six ans, nous espérons être en mesure d’annoncer un ou plusieurs médicaments dont l’essai clinique humain remportera un franc succès. »

Ravi Menon est le chercheur principal désigné du projet TRIDENT (TRanslational Initiative to DE-risk NeuroTherapeutics), l’un de six projets à avoir reçu une subvention Transformation du fonds Nouvelles frontières en recherche en raison de son potentiel transformationnel. Ce projet rassemble des chercheures et chercheurs d’établissements comme l’University of British Columbia, la Western University, l’University of Toronto et l’Université McGill dont l’expertise couvre les cellules souches, les tests cognitifs, les modèles animaux de nouvelle génération, les techniques de calcul et d’imagerie, ainsi que l’impact du sexe et du genre sur les troubles neurodégénératifs.

Il existe un besoin non comblé urgent sur le point de submerger les économies et les systèmes de soins de santé.

Au nombre des chercheures et chercheurs de renommée faisant partie de l’équipe TRIDENT figurent une professeure et un professeur du Brain and Mind Institute de la Western University : Lisa Saksida (site Web en anglais) (une chercheure principale au sein de l’équipe) et Tim Bussey (site Web en anglais) (un chercheur principal au sein de l’équipe) qui ont inventé le système de test de cognition inter-espèces à écran tactile utilisé aujourd’hui par plus de 500 entités universitaires et commerciales. Pour sa part, Neil Cashman (site Web en anglais), cocandidat au sein de l’équipe et professeur de neurologie au Centre for Brain Health de l’University of British Columbia, a mis au point un vaccin prometteur contre la maladie de Parkinson – vaccin qui est au stade idéal pour passer à l’essai dans le cadre du projet TRIDENT.

« Les discussions portant sur les décisions à prendre pour déterminer quel médicament sera testé promettent d’être très intéressantes, affirme Liisa Galea (site Web en anglais), neuroscientifique au Centre for Addiction and Mental Health. Reconnue dans le monde entier, Mme Galea, qui est une chercheure principale au sein de l’équipe, est spécialiste de l’influence des hormones sexuelles sur le cerveau et le comportement.

Selon M. Menon, la recette secrète est l’expertise multidisciplinaire de son équipe. « Nous faisons face à un problème mondial de plusieurs billions de dollars que personne ne pourrait résoudre seule », remarque-t-il.

Portrait of Ravi Menon at the Centre for Functional and Metabolic Mapping

Ravi Menon au Centre de cartographie fonctionnelle et métabolique
Photo : Mac Lai, Schulich School of Medicine and Dentistry



Les troubles cérébraux sont devenus l’un des défis les plus pressants en matière de santé publique et de politique au Canada, notamment en raison du vieillissement de la population. Ce type de trouble affecte une Canadienne ou un Canadien sur trois au cours de sa vie, altérant l’apprentissage, la mémoire et le jugement. D’ici 2031, l’Agence de la santé publique du Canada estime que les coûts annuels des soins de santé des Canadiennes et Canadiens atteints de démence atteindront 16,6 milliards de dollars, soit le double de ce qui aura été dépensé 20 ans plus tôt. « Nous nous trouvons à un moment charnière de l’histoire. Il existe un besoin non comblé urgent sur le point de submerger les économies et les systèmes de soins de santé », déclare M. Menon.

Le développement de médicaments dans le domaine des neurosciences est coûteux et risqué. Voilà l’une des principales raisons pour lesquelles il n’existe pas encore de traitement efficace pour traiter les troubles cérébraux. Identifier un candidat thérapeutique prometteur au stade préclinique coûte entre 50 et 100 millions de dollars. Le coût du passage de ce médicament à travers toutes les phases d’essais cliniques humains s’élève ensuite à plus d’un milliard de dollars. Et, dans plus de 90 p. 100 des cas, les essais cliniques sur des composés prometteurs n’entraînent pas une approbation définitive.

« Au cours des 30 dernières années, cette approche conventionnelle a gaspillé plus de 230 milliards de dollars en essais cliniques infructueux pour des médicaments destinés à traiter la neurodégénérescence sans qu’aucun remède ne soit trouvé, souligne M. Menon. L’élément manquant est le moyen de passer de la découverte au médicament dans les plus brefs délais, au moindre coût et avec la plus grande confiance. Le projet TRIDENT répond à ce manque d’une façon qui était jusqu’à présent encore impossible. »

L’équipe croit qu’en effectuant de la recherche préclinique – qui est moins coûteuse et plus précise – au lieu de mener des essais cliniques pour déterminer les mauvais traitements, il sera possible de voir rapidement les traitements qui échouent et d’économiser 80 à 90  p. 100 des frais engagés par les entreprises pour mener ces essais. En outre, en mettant toutes les informations à la disposition du public, d’autres chercheures et chercheurs peuvent voir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. À l’heure actuelle, ces informations sont top secrètes, ce qui signifie que plusieurs équipes de recherche peuvent emprunter la même voie sans issue sans s’en rendre compte. De même, comme le domaine d’expertise d’une équipe conventionnelle est plus étroit, des connexions peuvent être manquées; par exemple un médicament qui ne fonctionne pas pour soigner la maladie de Parkinson pourrait être utile pour soigner la maladie d’Alzheimer.

[L]e sexe et le genre font rarement partie de l’analyse préclinique des médicaments.

Un autre facteur qui rend la découverte de médicaments dans le domaine des neurosciences particulièrement difficile est le grand nombre de types de cellules dans le cerveau et leurs interactions complexes, lesquelles sont compliquées davantage par le sexe et les hormones. Cela a un impact énorme sur les femmes, qui représentent les deux tiers de la patientèle atteinte de la maladie d’Alzheimer. Pourtant, le sexe et le genre font rarement partie de l’analyse préclinique des médicaments. Conséquence directe : de nombreux médicaments commercialisés ont davantage d’effets secondaires chez les femmes ou ne fonctionnent pas aussi bien chez les femmes que chez les hommes.

Liisa Galea se dit enthousiasmée par le projet TRIDENT, car l’analyse du sexe et du genre y sera intégrée à tous les niveaux. Elle croit que ce projet pourrait aboutir à quelque chose qui n’a jamais été fait auparavant : identifier des médicaments distincts ayant une meilleure utilisation chez les hommes ou chez les femmes.

« Je crois que c’est la voie que nous cherchions, déclare-t-elle. Je pense que si tant d’essais cliniques échouent, c’est parce que nous ne cherchons pas à savoir si le sexe et le genre jouent un rôle dans leurs résultats. De plus, les nouvelles thérapies qui sont approuvées ont plus d’effets secondaires indésirables chez les femmes, ce qui suggère que l’absence d’analyse du sexe et du genre est problématique. Comme je le constate régulièrement, le sexe et le genre ne sont pas pris en compte dans la découverte de médicaments. C’est un énorme problème. »

Selon M. Menon, la création et le développement d’une plateforme d’essais précliniques unique au monde permettra au Canada de se démarquer dans le domaine des troubles cérébraux. À elles seules, cette plateforme et les possibilités de formation qu’elle offre stimuleront la recherche et le développement pharmaceutiques et créeront des emplois dans le secteur manufacturier. « Cela pourrait faire du Canada une destination de choix dans le domaine des neurosciences », conclut M. Menon.


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