Transformer les occasions pour les industries maritimes de l’ouest de Terre-Neuve


Fonds Nouvelles frontières en recherche | Date de publication :

Chalutiers au large des côtes de Terre-Neuve (Photo : Ravi Natarajan)

Terre-Neuve-et-Labrador est le pôle de l’industrie de la pêche au Canada mais, au cours des trois dernières décennies, cette région a connu des vagues d’incertitude économique.

« Je suis née à Terre-Neuve-et-Labrador. Plus tard, j’ai déménagé dans l’Ouest canadien. Quand je suis revenue pour une visite dans les années 1980, j’ai vu le capelan, ce petit poisson, rouler sur le rivage. On ne pouvait pas marcher sur la plage, il y en avait tellement. Avec le temps, il y en a eu de moins en moins, raconte Kelly Hawboldt depuis sa maison de St. John’s, à Terre-Neuve. »

Bien qu’elle ait grandi dans l’Ouest canadien, Kelly Hawboldt a toujours su que ses racines se trouvaient à Calvert, à Terre-Neuve, une collectivité rurale et côtière située sur la rive sud de la péninsule d’Avalon aussi appelée la « boucle irlandaise ». C’est là que sa mère a grandi et que ses grands-parents et sa famille élargie ont vécu et travaillé. Au fil des ans, lors de ses visites dans la région, elle a vu le village de pêcheurs, autrefois florissant, se transformer.

« L’usine de transformation du poisson à Calvert a cessé ses activités. La collectivité perdait cette industrie et sa population vieillissait. »

Des années plus tard, elle est retournée à ses racines. Ingénieure chimiste, elle est chercheure en traitement écologique des ressources naturelles et professeure à la faculté de génie et de sciences appliquées de la Memorial University of Newfoundland. Elle se passionne pour l’environnement et chérit son héritage de la côte est. Elle veut découvrir des moyens de réduire l’empreinte écologique humaine tout en aidant les collectivités rurales, côtières et autochtones à trouver des solutions.

Elle travaille aux côtés de Raymond Thomas, célèbre spécialiste canadien de l’alimentation et professeur d’écosystèmes boréaux et de sciences agricoles au campus Grenfell de la Memorial University of Newfoundland, à Corner Brook. Leur équipe, composée de dizaines de chercheures et chercheurs du Canada et de l’étranger et de collaboratrices et collaborateurs de la collectivité autochtone, a reçu plus de 14,9 millions de dollars de financement dans le cadre du volet Transformation du fonds Nouvelles frontières en recherche.

Au cours des six prochaines années, l’équipe utilisera cette somme pour étudier comment les collectivités peuvent utiliser différemment la biomasse marine, comme les sous-produits de poissons et de mollusques, afin de passer d’une utilisation primaire à la création de produits plus efficaces sans déchets. « Si certaines de ces collectivités récoltent des algues et d’autres produits marins non piscicoles, d’autres ne récoltent que du poisson. Il pourrait être avantageux de diversifier l’utilisation de la biomasse halieutique dans les secteurs de l’agriculture, des biomatériaux, des aliments fonctionnels, des produits pharmaceutiques, des biocapteurs et des nutraceutiques, explique M. Thomas, chercheur principal désigné du projet. »

Collaborant avec six universités canadiennes, l’équipe s’est associée à des chercheures ou chercheurs du Japon, de l’Australie, de l’Italie et de l’Irlande. L’équipe comprend également des cheffes ou chefs autochtones de l’ouest de Terre-Neuve : Jasen Benwah (Première Nation Benoit), Mildred Lavers (bande micmaque Mekap'sk), Joanne Miles (bande Flat Bay), Rhonda Sheppard (bande indienne St. George) et Peggy White (Première nation Three Rivers). Selon M. Thomas, ce qui rend ce projet différent, c’est l’approche interdisciplinaire de l’équipe, guidée par le principe à double perspective, un principe directeur mi’kmaq. Fort de cette approche, le projet jette un pont entre les sciences sociales et naturelles au moyen des systèmes de connaissances occidentaux et autochtones.

Nous voulons diversifier le secteur marin dans l’agriculture, les produits pharmaceutiques, les aliments fonctionnels, la biomédecine ou les biomatériaux, afin qu’il ne s’agisse pas d’un secteur unidimensionnel.

Le chercheur croit que l’approche à double perspective sera appliquée tout au long du projet, « afin d’obtenir une vision globale de la durabilité, de l’innovation et de la validation sanitaire des produits développés à partir de ces matières premières. »

L’une des chercheures de l’équipe, la cheffe Mildred Lavers, représente les intérêts de la collectivité de l’une des trois régions étudiées, celle de la péninsule du Grand Nord. Selon elle, le financement obtenu dans le cadre du volet Transformation du fonds Nouvelles frontières en recherche renforcera les partenariats existants. « Nous sommes convaincus que notre collaboration avec le campus Grenfell de la Memorial University of Newfoundland soutiendra nos priorités et nous attendons avec impatience la prochaine étape de ce merveilleux projet », déclare-t-elle.

Le projet arrive à point nommé pour ces collectivités : les récoltes des industries maritimes diminuent chaque année, en raison de réglementations plus strictes et de l’impact des changements climatiques. Les déchets créés par la pêche et l’aquaculture représentent un coût pour les collectivités.

« Ces sous-produits ont beaucoup de valeur. À l’heure actuelle, les collectivités paient essentiellement pour les éliminer au lieu d'être payées pour le produit », explique-t-elle.

Raymond Thomas et Kelly Hawboldt veulent soutenir la transformation des industries maritimes. L’équipe se penchera sur la réutilisation de ces résidus dans des produits tels que les aliments fonctionnels, les médicaments et les biomatériaux.

« Nous nous intéressons aux algues et aux poissons, qui constituent la biomasse primaire, et à la façon dont nous pouvons prendre ce matériau et développer une série de produits à haute valeur ajoutée en utilisant différentes approches qui auront différentes applications. Nous voulons diversifier le secteur marin dans l’agriculture, les produits pharmaceutiques, les aliments fonctionnels, la biomédecine ou les biomatériaux, afin qu’il ne s’agisse pas d’un secteur unidimensionnel », ajoute M. Thomas.

Le travail effectué ici servira de modèle à d’autres endroits au Canada et à l’étranger.

Selon Kelly Hawboldt, une partie de la recherche consistera à développer des procédés écologiques pour extraire les résidus.

« Dans mon laboratoire, nous prenons des sous-produits de la transformation des crevettes et nous en extrayons des caroténoïdes, qui sont des agents antioxydants et anticancéreux, et nous en tirons des lipides. Nous les envoyons ensuite à un de mes collègues en biochimie. Nous prenons alors le résidu de l’extraction de ces lipides et travaillons avec des personnes en sciences océaniques pour déterminer son potentiel d’utilisation dans les aliments agricoles. Presque rien n’est gaspillé », explique-t-elle.

« Le travail effectué ici servira de modèle à d’autres endroits au Canada et à l’étranger. Nous sommes à l’avant-garde du développement de ces connaissances », affirme M. Thomas.

Selon lui, cette approche collaborative « à double perspective » aura d’énormes répercussions sur la durabilité des collectivités rurales, côtières et autochtones. « En général, la biomasse de faible valeur ou excédentaire provenant des déchets marins est mise en décharge. Ce projet donnera aux personnes qui vivent dans ces régions la possibilité de prendre le contrôle de ce matériau et de développer des produits et des processus qui ont de la valeur pour leurs collectivités. »

Raymond Thomas et Kelly Hawboldt pensent que si ce type de transformation industrielle n’a pas fonctionné dans le passé, ce n’est pas faute d’avoir essayé, mais plutôt en raison des obstacles auxquels les chercheures et chercheurs, les collectivités et les entreprises ont été confrontés. Une partie importante du projet de six ans consistera à déterminer et à mettre en œuvre des stratégies durables pour surmonter ces obstacles, les collectivités rurales, côtières et autochtones étant les centres de l’innovation.

« Nous essayons de combler ce fossé en formant les gens à lancer ces petites entreprises et à les développer », explique-t-il.

« Nous prévoyons former 200 étudiantes et étudiants de cycles supérieurs. Ils constitueront ensuite la main-d’œuvre qualifiée qui travaillera dans ces collectivités et soutiendra les industries », ajoute-t-il.

« La durabilité rurale est un problème énorme. L’équipe espère s’attaquer à ce problème en diversifiant les économies et en co-créant des occasions dans les industries maritimes dans tout l’ouest de Terre-Neuve », affirme-t-il.


Raymond Thomas

Raymond Thomas
Professeur, Écosystèmes boréaux et de sciences agricoles
Memorial University of Newfoundland



Kelly Hawboldt

Kelly Hawboldt
Professeur, Faculté de génie et de sciences appliquées
Memorial University of Newfoundland



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