Inclusive Design for Employment Access (IDEA) : une initiative ayant pour but d’éliminer les obstacles et de créer un marché du travail inclusif


Fonds Nouvelles frontières en recherche | Date de publication : 2022-04-12 10:00 AM (heure de l'Est)


Depuis deux ans, l’économie mondiale ne cesse d’encaisser des coups. Les confinements suscités par la pandémie de COVID-19, auxquels se sont ajoutés des feux de forêt et des inondations massives, ont perturbé les chaînes d’approvisionnement partout sur la planète. La demande augmente de la part des consommateurs, mais les industries continuent d’avoir de la difficulté à y répondre. Les entreprises se démènent pour trouver des travailleurs en cette période de grave pénurie de main-d’œuvre. Toute l’économie mondiale est en mode embauche.

Selon Krista Carr, vice-présidente à la direction d’Inclusion Canada, cette période, nous aurions dû la vivre il y a longtemps. La pandémie a fait en sorte que l’emploi s’est retranché dans des endroits inédits : davantage de personnes travaillent de la maison, nous avons trouvé des façons d’utiliser la technologie et de faire les choses virtuellement, et il y a énormément de possibilités qui s’offrent aux personnes qui aspirent à travailler comme tout le monde.

Krista Carr, dont la carrière s’étend sur près de 30 ans, soutient les personnes vivant avec une déficience intellectuelle ou un trouble du développement. Elle consacre sa vie à la création de milieux de travail inclusifs, une tâche très difficile. Elle estime qu’il est temps que les choses changent.

Les employeurs commencent à voir qu’embaucher des personnes en situation de handicap, c’est bon pour les affaires, constate-t-elle.

Les recherches révèlent que les taux d’emploi des Canadiennes et Canadiens en situation de handicap sont inférieurs de 20 p. 100 aux taux d’emploi de la population en général.

Elle fait partie d’une équipe de spécialistes de plusieurs pays, dont beaucoup déclarent être des personnes en situation de handicap. L’équipe dirige l’initiative Inclusive Design for Employment Access (IDEA), à laquelle le fonds Nouvelles frontières en recherche vient d’attribuer 9 millions de dollars dans le cadre du concours 2020 de son volet Transformation. Cette initiative a pour objet de repenser les marchés du travail. Au cours des six prochaines années, l’équipe s’emploiera à créer des marchés du travail plus forts et plus diversifiés au Canada et ailleurs dans le monde en donnant aux employeurs les outils dont ils ont besoin pour constituer un effectif plus inclusif.

L’équipe travaille en étroite collaboration avec des groupes de personnes en situation de handicap, dans le respect du principe « rien à notre sujet sans nous ». Emile Tompa, chercheur principal désigné de l’initiative, professeur agrégé au Département d’économie de la xMcMaster University , à Hamilton en Ontario, directeur du Centre for Research on Work Disability Policy et chercheur principal à l’xInstitute for Work & Health, décrit ainsi l’initiative : toutes les parties prenantes se réunissent et travaillent sur un pied d’égalité pour cerner les éléments prioritaires, suggérer des solutions prometteuses, les améliorer et les mettre à l’essai sur le terrain, puis les faire passer à plus grande échelle dans le milieu de travail. L’équipe veut que ses travaux aient un impact sur les taux d’emploi des personnes en situation de handicap d’ici la fin de l’initiative.

Jusqu’à maintenant, les taux d’emploi des personnes en situation de handicap ont été tout simplement consternants. Les recherches révèlent que les taux d’emploi des Canadiennes et Canadiens en situation de handicap sont inférieurs de 20 p. 100 aux taux d’emploi de la population en général. Et cet écart est de près de 50 p. 100 pour les personnes qui font face à des obstacles plus complexes. Parce qu’elles n’ont pas de revenu, les personnes en situation de handicap doivent compter énormément sur les programmes d’aide sociale pour survivre, et bon nombre sont contraintes de vivre dans la pauvreté. Pour Emile Tompa, économiste de la santé et du travail de renommée mondiale, cela constitue un énorme fardeau pour l’économie du Canada.

Il fait remarquer que, si l’on tient compte de toutes les facettes de la société desquelles les personnes en situation de handicap sont exclues, cela représente une perte de 17 p. 100 du produit intérieur brut (PIB) du pays, et il s’agit là d’une évaluation conservatrice. Les pertes de production et de productivité subies par l’industrie sont estimées à quelque 3,2 p. 100 du PIB.

Mahadeo Sukhai, directeur de la recherche et chef de l’inclusion et de l’accessibilité à l’Institut national canadien pour les aveugles, croit que, pour l’essentiel, l’impact économique provient du fait que les personnes vivant avec un handicap physique ou sensoriel, une déficience intellectuelle ou un trouble du développement font face à de la discrimination et à des préjugés considérables dans le monde du travail. Cette discrimination découle des attitudes d’une bonne partie de la société, les préjugés y étant profondément enracinés depuis tellement longtemps.

Il faut s’occuper d’accroître les compétences des employeurs et mettre l’accent sur l’inclusivité en milieu de travail. Cela crée un point d’insertion pour des personnes qui ont eu des parcours diversifiés.

On présume que ces personnes ne peuvent pas travailler ou ne peuvent pas travailler aussi bien que quelqu’un qui n’a pas de handicap, même en ayant obtenu exactement le même diplôme collégial ou universitaire, de préciser cet éminent spécialiste de l’accessibilité et premier chercheur en sciences biomédicales aveugle de naissance au monde. Les employeurs se posent bien des questions. Entre autres, comment payer les frais reliés aux mesures d’adaptation? Comment savoir si la personne peut faire le travail? Que se passera-t-il si cela ne fonctionne pas?

Ce qui fait que l’initiative IDEA est tellement transformatrice, c’est que, pour la première fois dans ce domaine, on ne cherche pas avant tout à rehausser les compétences des personnes en situation de handicap pour leur permettre de s’intégrer à la population active, mais on veut plutôt outiller les employeurs afin qu’ils créent un milieu de travail plus inclusif. L’initiative les encourage à prendre des mesures d’adaptation pour accueillir des personnes ayant un trouble de santé mentale, une maladie chronique, un trouble lié à l’usage de substances psychoactives, un handicap physique ou une déficience intellectuelle et les incite à personnaliser les postes en fonction des personnes. C’est une transformation du marché de l’emploi que Rebecca Gewurtz, cochercheure principale de l’initiative, qualifie de renforcement des capacités côté demande.

Pendant longtemps, les emplois pour les personnes en situation de handicap ont été très rares parce que les employeurs n’avaient pas les outils pour les aider à réussir. L’initiative IDEA, elle, repose sur l’idée de créer une boîte à outils. C’est ce qu’explique Rebecca Gewurtz, ergothérapeute et professeure agrégée à l’École des sciences de la réadaptation de la McMaster University. Il faut s’occuper d’accroître les compétences des employeurs et mettre l’accent sur l’inclusivité en milieu de travail. Cela crée un point d’insertion pour des personnes qui ont eu des parcours diversifiés. C’est cela le renforcement des capacités côté demande.

L’initiative a une portée internationale : des cochercheurs rattachés à des centres de recherche d’Australie, des États-Unis et du Japon réuniront des chefs de file de l’industrie et des dirigeants syndicaux, des personnes en situation de handicap ainsi que des organismes et des chercheurs du domaine au sein d’un laboratoire dit d’innovation sociale. L’équipe fera appel aux principes de la conception conjointe pour élaborer des solutions qui aideront les employeurs à cerner et à éliminer les obstacles auxquels se heurtent les personnes en situation de handicap et les aideront également à trouver des travailleuses et travailleurs qualifiés dans leur secteur d’activité.

[L'initiative IDEA] tente de créer une nouvelle normalité dans laquelle rendre le milieu de travail inclusif est de toute évidence la chose à faire et donne un avantage concurrentiel à une entreprise

Selon le spécialiste des indemnités d’accidents du travail et avocat en droit du travail Alec Farquhar, qui collabore à l’initiative, toutes les personnes qui participent à cette initiative ont une vision très large, mais n’avaient pas eu accès jusqu’à maintenant à une plateforme adéquate.

Depuis des années, Alec Farquhar œuvre au sein du mouvement en faveur de milieux de travail inclusifs. S’il est convaincu qu’il est difficile de faire changer les politiques gouvernementales, il croit possible de modifier les priorités en milieu de travail. Ce sont les mentalités qu’il faut changer : dans le bâtiment, par exemple, on croit que les emplois ne peuvent être occupés que par des personnes non handicapées, ce qui veut dire, en fait, que quelqu’un qui a travaillé dans le bâtiment et s’est blessé au travail ou quelqu’un dont les capacités physiques diminuent ne peut plus travailler, ce qui n’est vraiment pas le cas.

Il s’agit d’offrir une solide assise concrète aux employeurs pour qu’ils se sentent capables d’y arriver, qu’ils se disent qu’ils peuvent inclure pleinement les personnes en situation de handicap et qu’en cas de besoin, il leur est possible d’obtenir de l’aide, sachant où elle se trouve. Le milieu de travail inclusif doit devenir ordinaire, affirme Alec Farquhar.

D’après Emile Tompa, pour que l’économie canadienne survive et soit prospère, l’inclusion doit faire partie des changements à apporter dans l’industrie. L’initiative IDEA positionnera le Canada en tant que chef de file sur la scène mondiale. Elle tente de créer une nouvelle normalité dans laquelle rendre le milieu de travail inclusif est de toute évidence la chose à faire et donne un avantage concurrentiel à une entreprise – cela la rend meilleure, plus productive et plus rentable que les autres.

Quant à Krista Carr, elle aimerait qu’au terme de cette initiative de six ans, davantage de personnes en situation de handicap aient un emploi. Elle aimerait pouvoir entrer dans n’importe quel milieu de travail, peu importe où au pays, et constater que ce milieu de travail est le reflet de toutes les merveilleuses diversités qui composent la société canadienne. C’est le Canada et ce sont les milieux de travail que les Canadiennes et les Canadiens veulent.


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