Selon une étude financée par le CRSH, les universités doivent s’engager davantage à l’égard de l’équité

 

Une étude de l’Université York révèle que, dans les universités, les professeurs issus de groupes raciaux minoritaires et les professeurs autochtones ont peu d’autorité, de prestige et d’influence; ses auteurs recommandent des modifications aux politiques des universités ainsi qu’un engagement plus ferme de la part de ces dernières à l’égard de l’équité.

En 2017, le Programme des chaires de recherche du Canada a fait l’objet d’un examen en ce qui a trait à l’équité. Cet examen a donné le ton quant à la représentativité à long terme du leadership intellectuel au Canada. C’est dans ce même esprit que Frances Henry, professeure émérite de l’Université York, a soumis les universités canadiennes à une analyse minutieuse dans une nouvelle étude sans précédent. Financés par le Conseil de recherches en sciences humaines, ses travaux révèlent que les professeurs issus de groupes raciaux minoritaires et les professeurs autochtones sont peu nombreux au sein des corps professoraux des universités canadiennes. Non seulement sont-ils moins nombreux que leurs collègues masculins et blancs, mais l’autorité qu’ils exercent, leur prestige et leur influence sont bien moindres.

Dans cette étude menée sur quatre ans (de 2012 à 2016), Mme Henry, éminente experte de la lutte contre le racisme, et son équipe de chercheurs de l’Université York, de la Queen’s University, de l’University of Alberta, de l’University of Saskatchewan et de la Dalhousie University se sont intéressées à la racialisation et à l’autochtonisation dans huit universités canadiennes (dont le nom n’est pas divulgué).

Les conclusions de cette étude charnière ont été publiées en 2017 dans The Equity Myth: Racialization and Indigeneity in Canadian Universities. Il s’agit de la première étude nationale à se pencher sur la situation des universitaires de groupes raciaux minoritaires et des universitaires autochtones au Canada.

« La sous-représentation est bel et bien réelle, on ne peut la nier, et elle est le symptôme des obstacles qui empêchent l’accès et la participation des universitaires issus de groupes raciaux minoritaires et des universitaires autochtones. Si elles veulent rectifier la situation, les universités se doivent de prendre un engagement envers l’équité, afin que soit instaurée une culture universitaire accueillante et favorable », fait remarquer Mme Henry.

L’étude s’ajoute à un corpus de recherche qui ne fait qu’augmenter

Depuis quelques dizaines d’années, des études s’intéressent à l’équité et à la diversité dans l’enseignement supérieur. Elles ont relevé les obstacles systémiques auxquels font face, année après année, les femmes, les personnes des minorités raciales, les Autochtones et les personnes ayant un handicap. Or, parallèlement, on a observé une transformation démographique fondamentale, la société canadienne devenant de plus en plus diverse d’un point de vue ethnique et racial, ainsi qu’une augmentation considérable de la population autochtone. Cette sous-représentation est donc de plus en plus en contradiction avec la réalité, ce qui rend d’autant plus pertinente l’étude de Mme Henry.

Cette étude est remarquable en raison du fait qu’elle a réuni des chercheurs réputés dans le domaine : Enakshi Dua et Carl James, collègues de Mme Henry à l’Université York, Audrey Kobayashi de la Queen’s Universisty, Peter Li de l’University of Saskatchewan, Howard Ramos de la Dalhousie University et Malinda Smith de l’University of Alberta.

« Cela fait des décennies que l’on parle d’équité, de diversité et d’inclusion dans la société et dans l’enseignement supérieur sans que l’évolution démographique trouve un écho dans le milieu universitaire », souligne Enakshi Dua.

À partir des données tirées de son étude pancanadienne Race, Racialization and the University, l’équipe a analysé les mesures prises par les universités pour combattre la sous-représentation et a évalué l’efficacité de leurs programmes.

L’équipe a eu recours à des méthodes qualitatives et quantitatives afin de procéder à une analyse exhaustive

Comment l’équipe a-t-elle abordé la question? D’une manière générale, elle a adopté une approche méthodologique mixte associant méthodes qualitatives et méthodes quantitatives et a utilisé des données de recensement, des enquêtes, des entrevues ainsi que des analyses de textes et de politiques. Sur le plan qualitatif, pour brosser un portrait clair des corps professoraux, elle a mené un sondage dans huit universités.

Elle s’est aussi entretenue avec 89 personnes dans 12 universités : des professeurs de groupes raciaux minoritaires et des professeurs autochtones, des directeurs chargés de l’équité et des administrateurs.

Les entretiens ont été particulièrement révélateurs. « Les professeurs tenaient beaucoup à nous faire part de leur expérience. Pour certains, cela a été une véritable catharsis, car il est rare qu’ils parlent de racisme », souligne Mme Henry.

Beaucoup de professeurs de groupes raciaux minoritaires et de professeurs autochtones sont d’avis que les bonnes intentions de leur université, qui ont mené à leur embauche dans les années 1980, ne sont désormais plus qu’un discours vide.

Principales constatations : peu nombreux, et encore moins nombreux pour ce qui est de l’autorité qu’ils exercent, de leur prestige et de leur influence

L’équipe de Mme Henry a constaté que les professeurs issus de groupes raciaux minoritaires et les professeurs autochtones (tout comme leurs disciplines ou champs d’expertise) sont peu nombreux. Non seulement sont-ils moins nombreux que leurs collègues masculins et blancs, mais l’autorité qu’ils exercent, leur prestige et leur influence sont bien moindres.

« Que l’on examine la représentation en fonction du nombre de membres d’un corps professoral qui sont issus de groupes raciaux minoritaires et de peuples autochtones, de leur positionnement dans le système, de leur revenu par rapport à celui de leurs collègues blancs, de leur vécu quotidien dans le milieu de travail qu’est l’université ou de leurs interactions avec leurs collègues et avec les étudiants, les résultats sont les mêmes », relève Carl James.

Un engagement des universités à l’égard de l’équité s’impose

Si les chercheurs ont observé des progrès en matière d’équité dans les études des femmes, de genre et de la sexualité, la situation est fort différente pour les professeurs issus de groupes raciaux minoritaires et les professeurs autochtones. « En sciences sociales et humaines en particulier, les étudiants autochtones et les étudiants issus de groupes ethniques et de groupes raciaux minoritaires ont rarement, voire jamais, des professeurs, des mentors, des leaders, des chercheurs ou des producteurs de connaissances qui leur ressemblent », ajoute Carl James.

L’équipe réclame plus d’équité : « Il est crucial de se pencher sur cette question pour que les professeurs issus de groupes raciaux minoritaires et les professeurs autochtones soient reconnus comme membres à part entière de la communauté universitaire, avec tous les droits et les privilèges que cela confère », conclut Mme Henry.


L’étude de Frances Henry et ses collègues, The Equity Myth, a été publiée en 2017 par UBC Press. Un article connexe, Race, racialization and Indigeneity in Canadian universities, a été publié dans Race Ethnicity and Education en 2017.

Le texte ci-dessus est adapté d’un article de Megan Mueller, gestionnaire de la communication de la recherche au Bureau du vice-recteur, Recherche et innovation, de l’Université York. L’article a été publié (en anglais seulement) le 12 janvier 2018 sur le site Web de l’université.