Les vêtements et les excès auxquels ils peuvent mener

Un chercheur financé par le CRSH examine comment les vêtements peuvent influencer notre perception des autres

Selon un vieil adage, « l’habit fait le moine ». Cependant, les vêtements peuvent-ils aussi mener quelqu’un au profilage social? Il semble que la réponse soit oui.

Une étude financée au moyen d’une subvention de développement Savoir du CRSH a établi que des personnes vêtues d’un uniforme semblable à celui des policiers à qui l’on a présenté des images de personnes portant un chandail à capuchon ont été distraites par ces images, alors que celles qui portaient des vêtements ordinaires n’ont pas été distraites.

Le directeur de cette étude est Sukhvinder Obhi, professeur au Département de psychologie, de neurosciences et des sciences du comportement de la McMaster University et directeur du Social Brain, Body and Action Lab de cette université.

« Nous nous intéressons à la façon dont le pouvoir exerce des effets sur la perception et la cognition sociales, affirme M. Obhi. Les vêtements sont l’un des facteurs les plus courants qui influencent l’état psychologique des humains. Nous portons toujours des vêtements, et ils ont une influence sur la façon dont nous nous sentons. Bref, ils ont une influence sur notre état d’esprit. »

De façon plus précise, l’étude visait à découvrir si le simple fait pour des personnes de porter un uniforme semblable à celui des policiers pouvait modifier la perception que ces personnes ont de la société.

Plus d’une centaine d’étudiants ont participé à cette étude. Portant divers types de vêtements, ils ont accompli des tâches simples au moyen d’un ordinateur. Par exemple, ils devaient identifier une forme, comme un cercle ou un carré, en appuyant le plus rapidement possible sur un bouton. Alors qu’ils se concentraient sur leur tâche, des images de personnes étaient présentées par intermittence à l’écran. Certaines images montraient des personnes portant un complet, d’autres des personnes portant un chandail à capuchon; certaines de ces personnes étaient noires et d’autres étaient blanches. Les chercheurs ont ensuite mesuré le temps que prenaient les participants pour achever ce qu’ils avaient à faire afin de savoir à quel point ils avaient été distraits par ces images.

Le temps de réaction de toutes les personnes portant un uniforme de policier est devenu plus lent lorsqu’elles ont vu des images de personnes portant un chandail à capuchon. « Nous pensons que cela s’explique par le lien établi entre le chandail à capuchon et le faible statut socioéconomique, et peut-être aussi par l’association entre ce type de vêtement et la criminalité. Nous croyons aussi que le sentiment de pouvoir accompagnant le port de l’uniforme de policier a pu contribuer à un recours accru aux stéréotypes à l’endroit des personnes portant un chandail à capuchon, des recherches antérieures ayant montré que pouvoir et plus grand recours aux stéréotypes vont de pair », fait remarquer M. Obhi.

« Les personnes portant une combinaison de mécanicien n’ont pas accordé plus d’attention aux personnes qui portaient un chandail à capuchon, explique M. Obhi. De même, les participants n’ont pas manifesté de préjugés lorsqu’ils portaient des vêtements ordinaires et que l’uniforme de policier se trouvait devant eux sur la table tandis qu’ils exécutaient la tâche. »

Autre conclusion surprenante de l’étude : aucun participant portant un uniforme de policier n’a fait preuve de partialité à l’endroit des personnes noires, ce qui contraste fortement avec ce qui s’est passé ces dernières années entre des agents de police et des membres des communautés noires, en particulier aux États-Unis.

« L’absence de cette partialité pourrait s’expliquer par le contexte socioculturel différent ici, au Canada. Il faut cependant encore approfondir cette question. »

M. Obhi estime que les corps policiers et les organismes gouvernementaux connexes pourraient tirer parti des données de cette étude. C’est pourquoi il aimerait former des partenariats pour en parler avec eux et étoffer ses conclusions.

« En dernière analyse, notre objectif consiste à faire en sorte que notre travail puisse avoir un effet positif dans le monde », conclut-il.