Commerce, propriété intellectuelle et innovation : répercussions en matière de politiques pour les relations entre le Canada et le Royaume-Uni après le Brexit

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Le Canada et le Royaume-Uni sont tous deux déterminés à favoriser une croissance impulsée par l’innovation, et ils ont ratifié il y a peu des accords commerciaux comportant des règles qui assurent la protection de la propriété intellectuelle (PI). Ces accords comprennent l’Accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l’Union européenne, l’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP) et l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM). Les données économiques montrent que les modifications apportées aux droits de propriété intellectuelle (DPI) ont un impact direct sur le volume et la composition des échanges commerciaux.

Le projet de synthèse des connaissances a permis de décrire la nature des mesures de protection de la PI contenues dans les accords commerciaux conclus récemment par le Canada et le Royaume-Uni et de procéder à une analyse générale des impacts des DPI sur le commerce. Dans leur rapport, les chercheures analysent la raison d’être de la coordination internationale des politiques relatives aux DPI et examinent la nature et la portée des dispositions en matière de DPI des récents accords commerciaux mégarégionaux, en particulier de l’AECG, du PTPGP et de l’ACEUM. Ils font ressortir la pertinence des nouvelles dispositions en matière de PI pour les régimes de PI en vigueur au Royaume-Uni et au Canada. Surtout, ils analysent les aspects de la PI qui seront touchés par le Brexit (par exemple l’épuisement des DPI). Enfin, ils présentent une recension des écrits abordant les impacts des DPI sur la configuration des échanges commerciaux. Ils analysent les données probantes sur le renforcement des DPI et l’impact qu’il a eu sur le volume et la composition des échanges commerciaux, sur les différences intersectorielles et sur la diffusion des technologies et l’innovation. Dans la mesure du possible, ils établissent des liens entre ces constatations et le contexte au Royaume-Uni et au Canada.

  • Le renforcement des DPI dans les pays de destination a un effet positif sur les exportations et favorise l’augmentation de la marge commerciale extensive, notamment les exportations de nouveaux produits, en particulier d’entreprises et de secteurs où la PI joue un rôle important. L’impact du renforcement des DPI pourrait ne pas être uniforme, même au sein de secteurs où la PI est très présente, notamment en raison de la composition des entreprises d’un secteur donné, de leur concentration et de leur position de force sur le marché ou de leur gamme de produits.
  • Les capacités d’absorption d’un pays donné – niveau élevé de développement économique, bon niveau d’instruction et grande liberté économique, par exemple – influent sur l’ampleur des avantages découlant du renforcement des DPI. L’impact positif du renforcement des DPI sur l’innovation dépend souvent de la vigueur initiale des activités d’innovation ou de la disponibilité d’une main-d’œuvre qualifiée. Les pays qui disposent d’un nombre suffisant d’entreprises fortement axées sur l’innovation profitent davantage du renforcement des DPI. Toutefois, les coûts de la protection de la PI prévue dans le cadre juridique national pourraient affaiblir la compétitivité des entreprises sur la scène internationale.
  • Le renforcement des DPI favorise les transferts de technologies, en particulier dans les secteurs où la PI joue un rôle de premier plan. Il existe toutefois un niveau de protection optimal de la PI à ne pas dépasser, pour ne pas risquer de décourager l’innovation nationale.
  • La portée des politiques en matière de PI est très large. Elles couvrent aussi bien les brevets et les marques de commerce que les indications géographiques. La coexistence de secteurs régis par les règles multilatérales et par la clause de la nation la plus favorisée aux côtés de secteurs qui relèvent de la compétence nationale, comme les politiques relatives à l’épuisement des droits, complique encore davantage les choses. Si les réformes multilatérales des DPI réalisées dans la foulée d’accords commerciaux ont attiré l’attention des universitaires, le rôle des politiques nationales en matière de PI a fait l’objet de bien peu d’études. Les universitaires comme les responsables des politiques auraient intérêt à disposer de plus de données probantes sur l’importance des politiques nationales en matière de PI et sur leurs interrelations avec les DPI assujettis à des réglementations multilatérales.
  • Le Brexit et la possibilité que le Royaume-Uni se retire de l’Espace économique européen illustrent bien l’importance des politiques nationales sur l’épuisement des droits de brevet. Si le Royaume-Uni quitte l’Espace économique européen, la mise au point d’une politique sur l’épuisement des droits de brevet relèvera de son gouvernement, ce qui pourrait avoir d’importantes conséquences pour les décisions en matière d’établissement de prix des entreprises innovantes.
  • Dans plusieurs économies avancées, l’investissement immatériel est désormais supérieur à l’investissement matériel. Dans la description des stratégies industrielles du Canada et du Royaume-Uni, il est précisé que les actifs immatériels sont un moteur clé de l’innovation et de la croissance de la productivité. Pour analyser de façon constructive l’application de ces stratégies, il faut disposer de plus de données probantes sur l’importance des DPI pour l’investissement immatériel, entre autres, sur les caractéristiques complémentaires des différentes formes de protection de la PI.
  • Le Canada et le Royaume-Uni misent tous deux sur des chaînes d’approvisionnement régionales et internationales bien établies. Toutefois, il n’y a pas eu suffisamment de recherches sur l’influence qu’exerce la vigueur des DPI sur les décisions des entreprises en matière d’approvisionnement. Il serait plus facile de faire le point sur la rapide expansion des chaînes de valeur mondiales de la dernière décennie et sur les réformes des DPI réalisées à l’échelle internationale si l’on disposait de plus d’études fondées sur les données des entreprises ou des secteurs.
  • Les données économiques font ressortir l’influence exercée par les capacités d’absorption d’un pays sur l’ampleur des avantages découlant du renforcement des DPI. Il est essentiel pour le Canada et le Royaume-Uni de s’efforcer de créer et de conserver un climat favorable à l’innovation, afin de maximiser les avantages qu’ils tirent de leur régime de protection de la PI, qui est relativement vigoureux.
  • La compétitivité des entreprises nationales sur le marché international dépend des coûts de la protection de la PI dans le pays. Tant le Canada que le Royaume-Uni pourraient envisager de revoir certains de leurs processus réglementaires qui constituent des obstacles à l’innovation. En vertu du principe du traitement national et de la clause de la nation la plus favorisée, ni le Canada ni le Royaume-Uni ne peuvent accorder à la PI nationale un traitement plus favorable que celui qu’ils réservent à la PI étrangère. Il leur serait néanmoins possible de réduire les coûts de la PI au moyen de crédits d’impôt ou de programmes de subventions judicieusement conçus.
  • L’application d’une politique nationale en matière de PI au Canada et au Royaume-Uni est limitée par les régimes internationaux de PI et par les accords commerciaux internationaux qui traitent de la PI. Les gouvernements jouissent tout de même d’une certaine latitude dans l’établissement de politiques nationales relatives aux DPI; ils peuvent notamment tirer parti de la souplesse accordée par les règles de l’Organisation mondiale du commerce. Les deux pays pourraient, tout en respectant les limites établies, se pencher sur les possibilités qui serviraient le mieux les intérêts des parties prenantes de chaque pays.
  • Après avoir quitté l’Union européenne, le Royaume-Uni sera libre de décider de sa politique sur l’épuisement des droits de brevet. Il pourra choisir de l’appliquer uniquement au Royaume-Uni, de l’appliquer à l’intérieur de ses frontières et dans l’Espace économique européen, ou encore à l’international. Chacune de ces possibilités pourrait avoir d’importantes répercussions sur les décisions que prendront les entreprises nationales et étrangères quant à la production et à l’établissement des prix et sur les efforts faits par le Royaume-Uni dans le domaine de l’innovation.

Rapport intégral (en anglais)

Coordonnées des chercheures

Olena Ivus, professeure agrégée et chercheure E. Marie Shantz en économie de l’entreprise, Smith School of Business, Queen’s University olena.ivus@queensu.ca

Marta Paczos, économiste, National Institute of Economic and Social Research m.paczos@niesr.ac.uk


Ce projet de recherche a été financé par le Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH) et l’Economic and Social Research Council (ESRC), qui fait partie de UK Research and Innovation, dans le cadre du concours visant l’attribution de subventions de synthèse des connaissances pour examiner l’avenir des relations commerciales entre le Canada et le Royaume-Uni. Les opinions exprimées dans cette fiche sont celles des auteurs; elles ne correspondent pas nécessairement à celles du CRSH et de l’ESRC.


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