█ Sur quoi portent vos travaux?
░ De nombreux Canadiens sont fiers de ce qu’ils considèrent comme le profond engagement constitutionnel de leur pays envers la diversité et le désaccord. Cependant, cette riche tradition fondée sur la différence existe au sein d’un mode constitutionnel particulier qui est étroitement lié à la culture, ce qui restreint énormément l’étendue et le caractère de toute dispute possible. Mes travaux révèlent ce mode constitutionnel aux Canadiens en leur montrant que les communautés politiques autochtones ne sont pas uniquement différentes des autres communautés du Canada (en ce sens que chaque communauté est différente comparativement aux autres), mais qu’elles sont de nature différente. Les sociétés qui fonctionnent dans ce que j’appelle un mode constitutionnel « enraciné » ne se constituent pas en fonction des questions suivantes : qu’est-ce qu’une société juste? Comment pouvons-nous créer et maintenir une société juste? Elles se constituent plutôt en tenant compte de questions suivantes : comment la Terre fait-elle pour organiser et soutenir des communautés? Quelle est la meilleure façon de s’y intégrer? Il est primordial de noter que cette dernière question ne concerne pas uniquement nos propres besoins, mais aussi ceux de nos relations. Mon travail consiste à expliquer le constitutionnalisme enraciné à un public large et diversifié et, surtout, à faire valoir le fait que si les Autochtones en sont les enseignants et les représentants, ce constitutionnalisme est ouvert à tous.
█ En ce qui concerne vos travaux, que souhaitez-vous que les Canadiens retiennent le plus?
░ Bien que j’insiste pour donner une voix aux vérités difficiles, je procède dans mon travail en tenant compte de l’ensemble de la création et j’espère que, la plupart du temps, les lecteurs peuvent sentir cette orientation. Si je m’écarte de cette vision, je compte sur mes aînés, mes mentors et mes amis ainsi que sur la Terre elle-même pour me corriger. Quand je dis « l’ensemble de la création », j’inclus les peuples colonisateurs, car nous sommes tous reliés. Mes travaux visent à articuler une forme de gouvernance qui permet aux peuples autochtones et aux colonisateurs de l’île de la Tortue (ou l’Amérique du Nord) de vivre ensemble et avec (et, surtout, à travers) la Terre, de façon positive. Reconnaître que le colonialisme est un obstacle à cette relation respectueuse – c’est-à-dire qu’il constitue une relation qui persiste, et non un fait terminé depuis longtemps – n’est pas vivre dans le passé. Il s’agit de donner priorité à un avenir sans violence pour tous les peuples de l’île de la Tortue plutôt qu’à la violence silencieuse qui prévaut au Canada aujourd’hui.