Prix impacts 2014 : BEVERLEY DIAMOND (MÉDAILLE D’OR)

Beverley Diamond

Beverley Diamond

Memorial University of Newfoundland

Son et musique au service du changement social

La lauréate de la médaille d’or a redéfini l’étude des sons et de la musique au Canada

Beverley Diamond, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en ethnomusicologie de la Memorial University of Newfoundland et lauréate de la Médaille d’or du CRSH de 2014, est une musicologue féministe de renom considérée, à juste titre, comme une autorité en ethnomusicologie contemporaine au Canada.

Mme Diamond figure parmi les plus illustres chercheurs du Canada. Dans le cadre de sa recherche influente, elle explore comment la musique est utilisée pour définir et décoloniser les relations interculturelles ainsi que pour traiter de questions relatives aux droits de la personne et au changement social. Cette analyse est notamment au cœur de son travail sur les cultures musicales indigènes du Canada et de la Scandinavie.

Connue pour son esprit de collaboration et son mentorat, Mme Diamond comprend remarquablement bien les milieux musicaux du Canada grâce aux connaissances acquises pendant quatre décennies de travail sur le terrain dans des collectivités du pays et de l’étranger. Elle se démarque par sa façon d’expliquer le rôle de la culture expressive dans la construction de l’identité et des idéologies. En outre, elle est convaincue que la recherche concertée peut apporter une source d’énergie créatrice au projet consistant à bâtir une société plus équitable.

Un corpus de recherche avant-gardiste

Beverley Diamond s’est longtemps intéressée à des thèmes de recherche variés structurés autour de questions sur la diversité culturelle et la vie moderne des peuples indigènes. Dans le cadre de ses travaux, elle jette un nouvel éclairage sur les préjugés et les valeurs encadrant les différentes perceptions de l’histoire culturelle du Canada et présente de nouveaux styles d’interaction et de collaboration.

Contrairement aux musicologues qui ont jusqu’ici considéré la musique comme objet ou texte, Mme Diamond étudie la création artistique, l’interprétation et la réception par le public comme processus sociaux. Sa recherche avant-gardiste se situe au carrefour des questions d’égalité entre les sexes, du colonialisme, de l’historiographie canadienne, de points de vue variés sur la propriété intellectuelle, de la production technologique et de la résurgence culturelle des peuples indigènes au Canada. Elle est connue en particulier pour la création de perspectives interculturelles concernant les pratiques musicales différenciées selon le sexe et faisant appel à la technologie, de même que pour ses premières ethnographies pionnières sur la musique indigène.

« Comment les individus, les communautés et les étrangers sont-ils redéfinis lorsque les musiciens, les techniciens, les producteurs, les distributeurs et les auditeurs produisent des enregistrements pour la consommation mondiale ou lorsque de la musique “traditionnelle” profondément ancrée dans la collectivité est diffusée par des réseaux médiatiques transnationaux?, s’interroge Mme Diamond. Quels processus servent à choisir, à arranger, à enregistrer, à produire et à diffuser la musique locale? Quel est le rapport entre une représentation sur scène et un enregistrement? Comment les relations sociales du studio de musique varient-elles pour les musiciens de différentes traditions ethnoculturelles, de sexe différent ou d’âges variés? »

Son travail sur la musique indigène varie de l’étude des traditions des Inuits et des Premières Nations concernant le chant et les instruments qui produisent des sons à celle du joik (forme traditionnelle de chant du peuple Sami de la Laponie); des enregistrements audio indigènes aux protocoles d’accès à la musique et de droits d’auteur; du paysage sonore des institutions coloniales telles que les pensionnats indiens du Canada à la musique comme moyen de convalescence à la suite d’un traumatisme. Dans ses nombreuses publications sur les divers genres de musique indigène, elle insiste toujours sur le fait que la signification des sons est polyvalente, mais que leur création et leur écoute sont essentiellement une question de relations environnementales, sociales et spirituelles. Elle soutient que les « études d’alliance » sont plus importantes que les études d’identité en musique, puisque les sons peuvent soit affirmer les divisions sociales, soit les transcender. Dans son travail, l’équilibre entre l’étude des enregistrements d’archives et les sources de savoir communautaires vient élargir les perspectives sociales et intellectuelles à partir desquelles on étudie la musique indigène.

Façonner une discipline

Pendant toute sa carrière, Beverley Diamond a resserré les liens entre les communautés autochtones, d’autres communautés et le milieu universitaire en organisant des symposiums sur des sujets d’intérêt commun tels que les biens culturels ou l’utilisation de la technologie différenciée selon le sexe.

Mme Diamond a joué un rôle primordial dans le développement de l’ethnomusicologie comme discipline de recherche pertinente sur les plans social et intellectuel au Canada, créant des programmes de premier cycle à la Queen’s University et des programmes de cycles supérieurs à l’Université York et à la Memorial University of Newfoundland. Son anthologie parue en l’an 2000 intitulée Music and Gender est considérée comme une des compilations les plus influentes dans son domaine. La critique en fait souvent l’éloge pour le témoignage que font les auteurs de l’anthologie de leur propre expérience et des processus de formation intellectuelle à la base de leurs études. Sa monographie parue dans la collection « Global Music Series » publiée par l’Oxford University Press utilise également ce modèle d’écriture multivocale.

 J’espère enrichir la société canadienne et accroître le respect envers la diversité culturelle, tant à l’intérieur de notre pays qu’à l’étranger. 

La titulaire de chaire est aussi directrice du Research Centre for the Study of Music, Media and Place, un centre d’étude qu’elle a fondé à la Memorial University of Newfoundland. Tenant lieu d’intermédiaire entre les chercheurs universitaires et les collectivités, ce centre encourage la discussion et la collaboration parmi les chercheurs, les musiciens et les militants culturels. Il comporte une installation de pointe servant à la restauration d’enregistrements sonores ainsi qu’un studio multimédia.

Chercheure de calibre mondial

La réputation internationale dont jouit Mme Diamond, soit celle de sommité canadienne qui s’attache aux principaux aspects de la musique dans la société, est confirmée par les nombreux hommages rendus par ses collègues, par son rôle d’intellectuelle publique au Canada et par la profonde influence qu’elle exerce sur les douzaines d’étudiants des cycles supérieurs qu’elle a encadrés au cours des 40 dernières années. Ses pairs reconnaissent sa contribution de nombreuses façons : elle a été élue membre de la Société royale du Canada en 2008, nommée membre de la Fondation Trudeau en 2009, et nommée membre de l’Ordre du Canada en 2013. Elle a été la première lauréate du Prix d’excellence de la Fondation SOCAN/SMUC pour l’avancement de la recherche en musique canadienne.

Elle assume un rôle de leadership au sein de grandes organisations internationales axées sur l’expression culturelle, notamment le Conseil international de la musique traditionnelle et la Society for Ethnomusicology (dont elle est l’actuelle présidente). Tous ces efforts ont fait d’elle la voix du Canada dans cette quête mondiale de compréhension des cultures.

En établissant un lien entre la culture indigène au Canada et les expériences dans le monde entier, et en illustrant le rôle des médias numériques dans les initiatives créatrices indigènes, Beverley Diamond ne cesse de recadrer non seulement les études sur la musique au Canada, mais également la recherche universitaire sur la musique indigène dans le monde entier.

« Mes présentations et mes publications sur la musique indigène contemporaine sont motivées par mon désir de voir les peuples colonisateurs accorder une attention plus respectueuse à ce monde remarquable d’activité créatrice, indique-t-elle. De cette façon, j’espère enrichir la société canadienne et accroître le respect envers la diversité culturelle, tant à l’intérieur de notre pays qu’à l’étranger. »

Biographie : Beverley Diamond

Beverley Diamond, l’une des principales ethnomusicologues canadiennes, est depuis 2002 titulaire de la Chaire de recherche du Canada en ethnomusicologie de la Memorial University of Newfoundland. Avant de faire partie du corps professoral de cette université, elle a occupé des postes d’enseignement à temps plein à l’Université McGill, à la Queen's University et à l’Université York, et elle a été professeure invitée à l’University of Toronto et à la Harvard University.

Elle dirige actuellement le Research Centre for the Study of Music, Media and Place, un centre d’études qu’elle a fondé à la Memorial University of Newfoundland. Ce centre de recherche sert de liaison entre l’université et les collectivités dans le cadre de projets de recherche d’intérêt commun. Le centre fait également paraître divers supports imprimés et audiovisuels, y compris une série de disques compacts d’archives intitulée « Back on Track ».

Mme Diamond est membre de la Société royale du Canada, titre considéré comme le plus grand honneur attribué dans le monde universitaire au Canada. La société a dit de Mme Diamond qu’elle était une « autorité dans le domaine de l’ethnomusicologie contemporaine au Canada » et un « mentor inspirant plus de 70 étudiants à la maîtrise et au doctorat ». Elle lui attribue aussi le mérite d’avoir créé des perspectives interculturelles sur les pratiques musicales différenciées selon le sexe.

Elle a reçu une bourse Trudeau (2009-2012) et a été la première lauréate du Prix d’excellence de la Fondation SOCAN/SMUC pour l’avancement de la recherche en musique canadienne.

Music Traditions, Cultures, and Contexts, recueil de mélanges réalisés en son honneur, a été publié par la Wilfred Laurier University Press en 2010.